Les mots ne suffisent pas pour décrire et raconter l’horreur des actions des groupes criminels qui ratissent, pillent, brûlent et tuent dans la région de Port-au-Prince. Les mots ne suffisent pas pour attester de leur emprise sur le territoire national, au grand dam des autorités étatiques. Le journal a collecté des bribes de vidéos, débordant de cruauté, témoignant de l’absence de limites dans l’entreprise du mal des malfrats. Ces vidéos, filmées par les auteurs des actes criminels dans la majorité des cas, témoignent comme aucun rapport ne peut le faire de la barbarie qui s’abat sur Haïti.
A Mirebalais, non loin d’une station d’essence, un jeune fait les cents pas, un sac de munitions dans les mains. Autour de lui sont exposés deux crânes humains. Sur la vidéo, on entend une voix indiquer qu’il s’agit de têtes de deux membres de brigades de vigilance, exécutés par son groupe de criminels. « Ils se cachaient dans des blindés pour nous attaquer. Yeah ! Yeah ! Regardez-les maintenant. Nous les talibans (membres du groupe criminel de Canaan), on ne propage pas de rumeurs », s’est-il exclamé. Des morceaux de bras et de jambes sont également visibles sur la vidéo. Celle-ci a été tournée début avril.
Toujours à Mirebalais, Le Nouvelliste est tombé sur une autre vidéo tout aussi déconcertante. Celle-ci montre un membre de gang, se nommant 4Sèt Taliban, en train de mimer des dribbles de football avec un crâne humain qui lui sert de ballon. La scène amuse celui qui l’a filmé. « Voici 4Sèt! Il joue au football avec la tête d’un habitant de Mirebalais. Voici le loco (le fou) », peut-on entendre dire. Encore une fois, les protagonistes sur ladite vidéo ont l’air très jeunes. Très très jeunes.
Une nouvelle vidéo apparue ce mardi 15 avril sur les réseaux sociaux, filmée en hauteur, montre une ligne de camions embarquant des marchandises dans les dépôts, magasins et dans le marché de Mirebalais par des membres de groupes criminels. Comme les pirates des temps anciens, les tombeurs de Mirebalais pillent le centre commercial et emportent les marchandises dans leurs fiefs à Canaan et à la Croix-des-Bouquets. Des scènes similaires se déroulent dans toutes les villes et quartiers vidés de leur habitants et des forces de l’ordre.
Jusqu’à date, les autorités n’ont pas communiqué le bilan des attaques lancées par la coalition criminelle « Viv ansanm » contre la ville de Mirebalais. La police a indiqué le 12 avril que des unités spécialisées avaient été déployées en renfort dans cette ville en vue de mener des opérations pour traquer et éliminer les bandits et instaurer un climat de paix à Mirebalais. Un lot de matériel a également été remis à la direction départementale de la police, toujours selon une communication de l’institution policière.
Dans le même temps, Jeff Larose dit Jeff Gwo lwa, chef du groupe criminel de Canaan, Wilson Joseph dit Lanmò san jou, chef du groupe criminel 400 Mawozo, ont publié une vidéo dans laquelle on les voit circuler librement dans les rues de Mirebalais. Les deux chefs de gangs ont également publié la vidéo de leur cortège de plusieurs véhicules arrivant dans la ville, comme pour prouver qu’ils peuvent circuler en toute quiétude. Le trajet Croix-des-Bouquets-Mirebalais dure 1 heure. La même durée pour le tronçon Canaan-Mirebalais.
Toujours à Mirebalais, un internaute a mis en ligne la vidéo d’une réunion avec des habitants, apparemment dans une église. Quelqu’un déclare aux participants que la zone est désormais sous contrôle des deux gangs Talibans et 400 Mawozo, dirigés respectivement par Jeff Gwo Lwa et Lanmò san jou. Le public approuve avec des applaudissements. « Ces deux chefs ne vous feront pas de mal si vous marchez selon leur principe. Vous allez vivre tranquillement chez vous, sans aucune connivence avec les membres de brigade (civils qui s’opposent aux criminels) ». Nouvelle salve d’applaudissements. L’intervenant, apparemment un membre de gang, fait ensuite un lot de promesses pour charmer son public.
Le journal est tombé sur deux autres contenus qui concernent, cette fois, la commune de Kenscoff. Ils ont été mis en ligne par le chef de gang dénommé Izo 2. Ce dernier a en effet publié deux vidéos montrant des armes, des munitions et d’autres matériels qu’ils ont saisis après des affrontements avec les forces de l’ordre vendredi 11 et dimanche 12 avril 2025. Le chef de gang s’est félicité de communiquer « le bilan de ses opérations contre la police ».
Ces images, visualisées par Le Nouvelliste, ne représentent qu’une infime partie de l’ampleur des exactions commises par les membres des gangs. Elles ne sont qu’un échantillon de la grande tragédie que vivent les Haïtiens depuis plusieurs années. Elles nous rappellent surtout que les groupes criminels se donnent un permis d’extermination et qu’ils exécutent leur œuvre destructrice malgré les promesses de nos autorités faisant croire qu’elles travaillent pour le retour de la paix dans le pays.
D’autres vidéos, publiées le premier jour des attaques contre Mirebalais avaient montré les files de gens fuyant la ville avec un petit sac ou quelques biens. Ces images sont communes à tous les quartiers qui ont été attaqués depuis le 1er juin 2021 lors de l’attaque contre Martissant, la première du genre.
Dans d’autres vidéos recueillies ce lundi 14 avril 2025, on peut voir les quartiers de Delmas 30, Nazon et Solino après que les groupes criminels se soient rendus maîtres des lieux. Il n’y aucune circulation automobile ni piétonne. Il n’y a personne sur les images aériennes sauf des membres de groupes criminels en patrouille et des milliers de maisons brûlées ou pillées. Des entreprises comme des domiciles. La désolation dans toute sa splendeur.
La terreur qu’exercent les groupes criminels en Haïti on en parle, mais on peut la voir sur les réseaux sociaux car les acteurs, plus que les victimes, documentent, films à l’appui, leurs exploits macabres.
Source : Le Nouvelliste