Depuis les attaques contre le sous-commissariat, la prison, le commissariat de la Croix-des-Bouquets et les locaux de la mairie, la commune est en mode pilotage automatique. Aucune présence des forces de l’ordre n’est remarquée, rapportent des habitants, dans cette commune située à 12 kilomètres au nord-est de Port-au-Prince.
Suite aux attaques contre le sous-commissariat Calvaire, le commissariat et la prison civile de la Croix-des-Bouquets, l’une des plus importantes du pays en termes de capacité d’accueil, les bandits ont systématiquement pillé ou incendié les entreprises privées, les banques commerciales et les institutions étatiques, à l’exception du bureau de l’Office d’assurance de véhicules contre-tiers (OAVCT), a indiqué une source proche de la commune au journal. Des résidences privées ont également été vandalisées et les propriétaires rançonnés.
Le même constat est valable pour la zone de Bon-Repos, où des bandits ont incendié le sous-commissariat le 29 février dernier. Depuis ces événements, la commune fonctionne en dehors de tout contrôle étatique. La police est aux abonnés absents et jusqu’à date rien n’est fait pour tenter de récupérer les sites occupés par les bandits.
Pour ce qui est des centres hospitaliers, ils sont occupés par des membres de gangs ou sont tout simplement abandonnés. Quant aux établissements scolaires, dont le lycée Jacques 1er, l’un des plus importants de la commune, ils sont fermés en raison des activités des groupes armés qui prennent la commune en otage.
À Tabarre, depuis tantôt deux semaines, les bandits tentent de prendre le contrôle du siège de la Brigade d’intervention motorisée (BIM), située à Clercine. Le commissariat de la commune de Tabarre, d’autres institutions étatiques et privées de la commune ont été la cible d’attaques en début de semaine. Selon une source proche de l’administration communale de la Croix-des-Bouquets, les problèmes auxquels fait face la commune de Tabarre sont un prolongement de la situation à Croix-des-Bouquets.
La situation qui prévaut à Croix-des-Bouquets, comme un effet papillon, a de graves répercussions sur les communes limitrophes : Thomazeau, Cornillon/Grand-Bois et Ganthier.
Thomazeau assiégé par des bandits locaux
À Thomazeau, le commissariat de la commune a été partiellement incendié le 4 octobre de l’année dernière. Au poste se trouvaient trois policiers au moment de l’attaque des bandits. Si les renforts ont pu repousser les attaques, depuis aucun effort n’a été entrepris par le haut commandement de la police pour renforcer la sécurité au niveau de cette commune, a confié l’agent exécutif intérimaire de la commune, Josette Cyprien, regrettant que jusqu’à date ce site reste dysfonctionnel.
« Quelques jours après avoir incendié le commissariat, les bandits sont revenus et ont vandalisé le complexe administratif où est logé également le tribunal de paix de la commune. Ils ont pillé le bureau d’un juge qui était en charge de plusieurs dossiers brûlants de la commune. Ils ont incendié le greffe du tribunal. En revanche, ils ont épargné les bureaux des autres juges », a expliqué Josette Cyprien.
« Le seul centre hospitalier qu’on a à Thomazeau ne fonctionne quasiment pas. Les médecins ont dû quitter la commune et tous ceux qui s’en occupaient ne pouvaient plus rester », a rapporté Mme Cyprien.
En plus, du personnel médical, Mme Cyprien dit avoir enregistré beaucoup de déplacés au sein de la population qui, pour l’instant, commence à revenir chez elle. Les seuls points positifs pour la commune dans ce contexte, au début de ce mois: quatre établissements scolaires ont pu reprendre leurs activités timidement, a indiqué Josette Cyprien. En plus, les deux marchés communaux fonctionnent, mais les vendeurs se font rançonner par des bandits qui contrôlent la zone en l’absence des forces de l’ordre.
« Le problème de Thomazeau n’est pas pareil à ceux des autres communes. À Thomazeau, les bandits sont originaires de la commune », a décrit l’agent exécutif intérimaire, soulignant que ces malfrats bénéficient de la complicité de politiciens qui souhaitent diriger ou qui ont dirigé la commune à des fins inavouées et inavouables.
La commune de Cornillon/Grand-Bois menacée par la pénurie d’eau
À Cornillon/Grand-Bois, commune perchée à 1 014 mètres d’altitude au-dessus de Thomazeau, toutes les institutions étatiques sont à l’arrêt, sauf les écoles publiques qui fonctionnent à présent, a fait savoir l’agent exécutif intérimaire, Jean Balaguel M. Bertho.
« Le tribunal de paix est dysfonctionnel. L’unique juge de la commune n’a pas été certifié par le CSPJ et les greffiers sont en grève depuis belle lurette », a-t-il expliqué au journal. Parallèlement, selon M. Bertho, le commissariat de la commune de Cornillon/Grand-Bois dispose d’un seul policier pour desservir toute la population.
« Cornillon est sous la menace constante des bandits, a indiqué M. Bertho. Nous sommes en contact avec la population, pour essayer de sécuriser la commune », a-t-il indiqué, soulignant que la situation à la Croix-des-Bouquets et à Thomazeau a des conséquences sur la commune.
« L’accès à la commune devient de plus en difficile. Pour s’y rendre, certains sont obligés d’emprunter la route passant par Mirebalais. En plus, on a des difficultés à s’approvisionner de quelques produits de première nécessité. Certains vont même jusqu’à les acheter du côté dominicain », a exposé Jean Balaguel Bertho.
Outre l’accès à certains produits de première nécessité, les sections communales de 1re plaine Céleste et de 2e plaine Céleste sont ravagées par une pénurie d’eau. L’agent exécutif intérimaire a souligné que cette situation s’est encore aggravée en raison de la situation actuelle car des camions-citernes de la Dinepa ne peuvent pas s’y rendre depuis Port-au-Prince.
Pour ce qui est des institutions sanitaires publiques, M. Bertho a fait savoir que la commune dispose de deux centres de santé qui sont pour l’heure hors service en raison de l’absence de personnel soignant. Un centre de santé géré par une ONG fonctionne encore, a-t-il dit, précisant que ceux qui peuvent se le permettre se rendent à Mirebalais ou en République dominicaine en cas de souci de santé.
À Ganthier, tout fonctionne au ralenti
Dans la commune de Ganthier, la situation est aussi préoccupante. Selon l’agent exécutif intérimaire adjoint Jean Viloner Victor, la commune a essuyé plusieurs attaques armées au cours des mois précédents.
« Lors d’une attaque le mois dernier, les criminels ont tenté d’incendier le complexe administratif où est logé le tribunal de paix, les bureaux de l’ONI, entre autres. Les portes de l’ensemble des institutions publiques de la commune restent ouvertes, toutefois les activités sont au ralenti en raison de l’instabilité », a-t-il révélé.
À Ganthier, des policiers sont encore sur place et le commissariat de la commune n’est pas menacé. Toutefois, en milieu de semaine, l’un des syndicats au sein de la PNH a dénoncé un complot contre les agents de police de l’Unité départementale de maintien de l’ordre (UDMO) se trouvant à Ganthier. En effet, selon ledit syndicat, depuis plus d’un mois les policiers se trouvant dans cette commune n’ont pas été relevés. Une source contactée par le journal a révélé qu’en raison de la situation, les voies d’évacuation de ces policiers restent bloquées.
« Les établissements scolaires fonctionnent tant bien que mal. En revanche, le lycée de la commune peine à fonctionner puisque la majorité des cours sont dispensés par des professeurs domiciliés à Croix-des-Bouquets, qui, pour le moment, ne peuvent pas se rendre à Ganthier », a confié M. Victor, joint par téléphone.
En termes d’infrastructures sanitaires, à Ganthier, l’unique centre de santé est fermé, a informé M. Victor. Toutefois, deux cliniques privées desservent encore la population, a-t-il dit, soulignant que des membres de la population disposant de moyens vont se faire soigner, au besoin, à Jimaní, de l’autre côté de la frontière.
L’unique service financier de la commune, celui d’une coopérative, et d’autres entreprises privées ont été contraints de fermer leurs portes. En termes d’activités commerciales, tout est au point mort, a-t-il révélé. « Les activités commerciales sont concentrées à Fond-Parisien », a affirmé Jean Viloner Victor. Interrogé sur le marché frontalier de Malpasse, il a expliqué que celui-ci fonctionne au ralenti alors que la douane à ce niveau est totalement fermée.
Pour se rendre dans ces communes, l’accès demeure très difficile, ont rapporté les agents intérimaires et d’autres sources contactées par le journal. En raison de l’absence de la police, à Croix-des-Bouquets, les gangsters ont une totale liberté de déplacement et ont installé sur plusieurs axes des points de péage pour rançonner les transporteurs qui empruntent ces voies.
Source : Le Nouvelliste