Haïti. « La crise a été largement sous-évaluée », dit Garry Conille

Le Premier ministre Garry Conille et le Premier ministre Canadien Justin Trudeau ont co-présidé lundi 23 septembre une réunion de l’ECOSOC sur la crise haïtienne.

Le Canada étant le pays qui assure la présidence du Groupe consultatif ad hoc sur Haïti du Conseil économique et social (ECOSOC). Dans ses propos d’ouverture des discussions, le Premier ministre haïtien a évoqué « des progrès significatifs et transformationnels » qui ont été accomplis. Il a évoqué notamment les opérations conjointes PNH/Kenya. 

Toutefois, le chef du gouvernement a expliqué que son pays a besoin de davantage de moyens pour venir à bout d’une crise qui a été « sous évaluée ».

« Nous devons être lucides. Après ces cent jours, une vérité amère s’est imposée : la crise haïtienne, dans ses composantes sécuritaire, humanitaire, sociale, économique et politique a été largement sous-estimée. Les gangs auxquels nous faisons face ne sont pas de simples bandes désorganisées ; ce sont de véritables groupes armées, souvent bien équipés et déterminés, avec des ramifications transnationales. Dans certains cas, la situation que nous confrontons n’est rien de moins qu’une guerre urbaine obligeant nos forces de l’ordre à agir maison par maison, car les bâtiments et les quartiers sont souvent transformés en pièges mortels. Il nous faut des armes plus sophistiquées, des moyens plus conséquents, et une formation accrue de nos forces pour riposter de manière durable à cette menace qui prend parfois des allures de guerre civile », a détaillé Garry Conille.

Devant plus d’une quarantaine de représentants de pays et de partenaires internationaux, Garry Conille a fait remarquer que son pays ne pourrait à lui tout seul affronter ce défi. « Il est impératif que la communauté internationale se tienne à nos côtés, avec des moyens à la hauteur des enjeux. Si nous échouons, ce ne sera pas seulement Haïti qui plongera, mais toute la région qui en portera les cicatrices. (…) Haïti a subi, au cours de la dernière décennie, un effondrement institutionnel profond. Nos structures étatiques sont en ruines, dénuées des ressources nécessaires pour fonctionner. Les administrations publiques sont sous-équipées et sous-financées, rendant impossible la mise en œuvre des politiques et des programmes essentiels pour répondre aux besoins de notre population », a-t-il décrit, évoquant également le coût humain de la crise.  

« Plus de 70 % des infrastructures de santé dans la région métropolitaine de Port-au-Prince sont hors d’usage. Notre système de santé est au bord de l’effondrement, et sans intervention rapide, nous faisons face à une catastrophe sanitaire d’une ampleur inimaginable. À cela s’ajoute la perte tragique de notre capital humain. Près de 25 % des fonctionnaires, parmi lesquels des médecins, des infirmières, des enseignants, et des policiers, ont quitté le pays. Cette hémorragie de compétences fragilise davantage les bases de notre société. Haïti est en danger, et nous ne devons pas sous-estimer la gravité de la situation », a-t-il averti.

Le chef du gouvernement a également fait remarquer que l’économie haïtienne, autrefois fragile, est devenue exsangue. Les petites et moyennes entreprises ont dû fermer leurs portes, victimes de la violence et de l’incertitude. La décapitalisation est massive. Le secteur financier, autre pilier de notre économie, est lui aussi ébranlé, incapable de faire face à la crise qui s’étend », a-t-il déploré, soulignant qu’il faudra du temps, de la solidarité, de la patience, du courage, et une détermination sans faille pour redresser Haïti.

Le premier ministre haïtien, ancien fonctionnaire onusien, a plaidé pour le prompt rétablissement de la sécurité en Haïti. Toutefois, il a souligné que les besoins du pays ne se limitent pas qu’à ce chantier. 

« Haïti a besoin urgemment de ressources flexibles pour : Répondre à l’urgence humanitaire en cours, en fournissant à notre peuple de la nourriture, de l’eau potable, et des soins médicaux; Remettre nos enfants et nos jeunes à l’école, car si nous perdons cette génération, nous condamnons notre avenir; Stabiliser et reconstruire notre système de santé, qui est au bord du gouffre; Organiser des élections libres et transparentes, pour restaurer la légitimité démocratique de l’État; et Engager le processus de reconstruction nationale, pour rebâtir notre infrastructure et rétablir les services essentiels », a-t-il plaidé. 

De son côté, le premier ministre Justin Trudeau a expliqué que la communauté internationale est préoccupée par la crise haïtienne. « La situation nécessite des actions immédiates. Les conséquences de cette situation sont dévastatrices pour le peuple haïtien », a-t-il dit invitant les partenaires à se manifester pour aider Haïti. Le PM Trudeau a également évoqué le support de son pays pour la sécurité, pour répondre à la  crise humanitaire et pour soutenir le processus électoral.

Pour sa part, Amina J. Mohammed, la secrétaire générale adjoint de l’ONU, a indiqué que la situation sécuritaire en Haïti reste extrêmement préoccupante — et pose des menaces majeures non seulement pour le peuple d’Haïti, mais aussi pour la paix et la sécurité dans la région. Elle a appelé à la fin des horreurs et à un support sans faille de la communauté internationale. « La police nationale haïtienne fait face à d’importantes pénuries de ressources humaines, matérielles et financières.

Ils ont besoin d’un soutien international soutenu et généreux pour les équiper et les habiliter à lutter contre l’escalade de la violence des gangs et à protéger les Haïtiens de la violence. Le déploiement de la mission de soutien à la sécurité multinationale en juin est un développement bienvenu. Je salue l’engagement du Kenya, du Belize et de la Jamaïque, qui ont actuellement déployé du personnel au MSS.

Le Fonds fiduciaire des Nations Unies pour le MSS a reçu 67 millions de dollars de contributions volontaires des États membres, sur un total de 84 millions de dollars promis. Pourtant, il faut beaucoup plus pour s’assurer que le MSS peut remplir son mandat. C’est pourquoi le Secrétaire général a constamment exhorté les États membres à contribuer au MSS », a-t-elle expliqué. 

Cependant, poursuit-elle, il est insuffisant de répondre uniquement aux problèmes de sécurité. «  Améliorer les possibilités d’éducation, l’accès aux soins de santé, la protection sociale et le développement économique est crucial pour briser le cycle de la pauvreté et de l’instabilité et favoriser une société résiliente », a-t-elle exhorté.

À la fin des discussions, le PM Conille a salué le feedback des participants. Toutefois, il s’est dit inquiet du peu d’engagements manifestés. « Cela m’inquiète. Beaucoup de pays ont soutenu qu’il est important de supporter Haïti, d’autres ont promis de participer à la MMAS. Mais je n’ai pas entendu suffisamment d’engagements pour financer la mission. Cela dit, nous devons faire davantage d’efforts », a-t-il fait valoir.

Source : Le Nouvelliste

Lien : https://lenouvelliste.com/article/250437/la-crise-haitienne-a-ete-largement-sous-evaluee-dit-garry-conille

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