Haïti. La communauté internationale et ses promesses sans suite

En 2022, Haïti a fait une overdose de promesses d’aide de partenaires internationaux en matière de sécurité. Les tweets et les photos de réunions comme les rencontres interministérielles ont pullulé. Les communiqués annonçant des allocations de fonds se sont empilés.

Cependant, les homicides et kidnappings ont explosé, selon l’ONU. Et rien de fondamental n’a changé. 2023 démarre presque sur les mêmes auspices pour le gouvernement Henry, la PNH et pour cette communauté internationale en panne de recettes.

Le vendredi 21 janvier 2022, le Canada avait organisé la « réunion virtuelle des ministres des affaires étrangères » sur la crise haïtienne. Mélanie Joly, la cheffe de la diplomatie canadienne, le secrétaire d’Etat Américain Antony Blinken, le ministre des Affaires étrangères français, Jean Yves Le Drian avaient participé à cette rencontre.

Au cours des mois qui s’en sont suivis, il y a eu d’autres réunions, d’autres appels pendant ou en marge de sommets, d’autres déclarations avec la main sur le cœur comme ce tweet, le 21 avril 2022, du sous-secrétaire d’Etat Américain pour l’hémisphère occidentale Brian A. Nichol’s : « le peuple Haïtien continue d’être notre priorité. »

« Aujourd’hui, j’ai encore rencontré des partenaires internationaux pour discuter du support  à la sécurité et d’un accord politique pour paver la route vers des élections libres et équitables… », avait-il ajouté pour rendre compte d’une de ces réunions.

Quelques jours avant, le 19 avril 2022, l’ambassadeur de France en Haïti, M Fabrice Mauriès avait tweeté : « une plus grande sécurité des personnes est l’affaire de tous. Elle est la condition de la pérennité de l’action de la communauté internationale ici. Bravo à @pnh_officiel et à @Binuh_Un pour cette initiative… », avait-t-il tweeté.

Le tweet de l’ambassadeur citait un tweet de @pnh_officiel sur un « atelier de travail sur le leadership du directeur a.i de la PNH Frantz Elbé avec Mme Helen La Lime, représentante du Secrétaire général de l’ONU en Haïti et cheffe du @Binuh_Un ainsi que des représentants du PNUD. »

L’ambassadeur du Canada en Haïti Sébastien Carrière, Bob Rae, ambassadeur du Canada à l’ONU, ont eux aussi repris les éléments de langage et les directives de leur chancellerie, partagés, comme le font les Américains, les Français un peu moins, les montants engagés dans la coopération pour la PNH, dans certains cas, via le basket fund géré par le PNUD.

Sur le terrain, les gangs, leurs sponsors, les gens chevillés à la grande mafia, aux cartels n’ont cure des promesses sans consistance, de la bureaucratie, de leurs lourdeurs, et même des non-dits de cette communauté internationale. Cette coopération internationale en matière de sécurité avec Haïti partage une partie de la responsabilité des chiffres de 2022.

Le Bureau intégré des Nations Unies en Haïti dans son rapport a indiqué qu’en 2022, le nombre d’homicides signalés a augmenté de 35,2 % par rapport à l’année dernière, 2 183 victimes (dont 163 femmes et 22 filles) ayant été recensées, contre 1 615 (dont 93 femmes et 19 filles) en 2021. La proportion des homicides enregistrés dans le département de l’Ouest, où la criminalité liée aux bandes est la plus répandue, était de 81,6 %.  « Les enlèvements ont également continué d’augmenter, pour afficher une hausse de 104,7 %. Selon la police, ceux-ci ont fait 1 359 victimes (dont 294 femmes et 23 filles) en 2022, contre 664 en 2021, selon ce rapport présenté au Conseil de sécurité de l’ONU le 17 janvier 2023.

2023, entre-temps, est en train de brûler son deuxième mois sur les mêmes auspices. Les USA et le Canada… tergiversent, décident d’un appui qui n’a encore aucune incidence perceptible sur les gangs, presque cinq mois après l’appel pour une assistance militaire internationale demandée par le Premier ministre Ariel Henry en octobre 2022.

Ce 24 février 2023, l’ONU tire la sonnette d’alarme sur la violence et l’emprise des gangs dans l’Artibonite, le deuxième département le plus peuplé d’Haïti où les activités liées à l’agriculture, l’élevage, le commerce de biens et services sont au ralenti.

« Depuis octobre 2022, les populations locales de la vallée de l’Artibonite sont victimes de la recrudescence des violences du gang armé de Savien surnommé « Baz Gran Grif ». Au moins 69 meurtres par balles et 83 personnes blessées ont été enregistrés jusqu’aujourd’hui. Les gangs ont instauré un climat de terreur, caractérisé par des pillages, assassinats, enlèvements, destructions, extorsions, détournements de camion de marchandise et des actes de viol sur des jeunes filles et femmes dans les communes de Liancourt, Verrettes, Petite Rivière de l’Artibonite et L’Estère.

Les récoltes et les bétails des paysans sont systématiquement volés », s’est alarmé le communiqué de l’ONU. « Lassés des exactions de ce gang, des milliers de membres de la population ont fui leurs résidences pour se réfugier dans d’autres communes du département. La brutalité de la violence perpétrée entraîne des conséquences dévastatrices sur la vie des victimes.

La peur des représailles, la stigmatisation et le manque de services médicaux et socio-économiques appropriés ne font qu’aggraver la situation », a informé ce communiqué. « Ce cycle de violence doit absolument être arrêté. Nous enjoignons aux autorités de tout faire pour protéger les habitants de la région ainsi que leurs biens, et de se doter des moyens pour traquer ces malfaiteurs et les punir selon la loi », a indiqué ce communiqué de l’ONU dont le secrétaire général, Antonio Guterres, a appelé à maintes reprises à l’envoi d’une force militaire spécialisé en appui à la PNH dont les chefs peuvent garnir des albums de photos avec des diplomates qui promettent.

Les rangs de la PNH se dégarnissent. Entre les 14 policiers assassinés rien qu’en janvier 2023 et la volonté de laisser le pays via le programme migratoire Biden, on craint  la grande saignée. Et ses conséquences alors qu’en un seul jour, entre le 22 et le 23 février, au moins dix personnes ont été tuées par balles dont quatre à Cité Okay, Delmas 31 et à Fort Jacques, ancienne zone de villégiature transformée en zone de combat par le gang de Vitelhomme. 

D’autres gangs, connus ou moins connus, continuent d’écumer les rues, kidnappent à tour de bras. Le sort du Dr Geneviève Arty, kidnappée depuis le 2 février, est inconnu. Sa famille est sans nouvelle. La fondation St-Luc, l’hôpital St Damien ont appelé à sa libération sans conditions.

Les capitales occidentales qui s’accordent publiquement pour le moment sur les sanctions infligées à des membres de l’élite Haïtienne accusés de corruption à grande échelle, de sponsoriser la violence, qui supportent le Premier ministre Ariel Henry et l’accord du 21 décembre n’ont toujours pas tranché par rapport à la demande d’assistance internationale. Dans les forums internationaux, leurs représentants réaffirment leur soutien à Haïti, font peu, trop peu, selon le gouvernement Henry alors que la maison Haiti est en feu.

Peut-être qu’il y aura d’autres photos à faire avec des leaders incapables, d’autres éléments de langage à inventer pour rendre supportable l’enfer décrit dans les rapports mêmes d’entités de cette communauté internationale…  

Source : Le nouvelliste

Lien : https://www.lenouvelliste.com/article/240948/la-communaute-internationale-et-ses-promesses-sans-suite

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