Au moins un mort, de nouveaux pillages et un sous-commissariat attaqué à Port-au-Prince, lundi 10 octobre 2022.
Plusieurs milliers de personnes, en chœur avec un animateur monté sur un camion sonorisé, ont scandé « Kisa Ariel te ye pou nou pa voye l », sous un ciel bleu clair, lundi 10 octobre 2022.
La foule, compacte, sortie de Fourgy — sur les terres de Pierre Killick Sémélus, allié et camarade politique de l’ex-député Arnel Bélizaire avec qui il a été arrêté puis libéré — a longé la route nationale numéro 1, traversé l’entrée du centre-ville de Cité Soleil, théâtre, il y a peu, de violents accrochages armés entre G-9 et G-Pep ayant fait des centaines de morts et des milliers de déplacés.
Le cortège, bruyant, hurlant contre la vie chère, l’ajustement des prix des produits pétroliers, le Premier ministre Ariel Henry et contre l’envoi d’une force armée demandée par les autorités pour résoudre la crise humanitaire, aggravée par la fermeture du terminal pétrolier de Varreux par le chef de gang du G-9 depuis un mois, est passé tout près de cette infrastructure. Sur des vidéos ayant circulé sur les réseaux sociaux, on pouvait voir Jimmy Chérizier encourageant lui aussi ses partisans et les manifestants.
Une jeune femme qui manifestait,
touché à la tête par un projectile,
a rendu l’âme
Au carrefour de l’aéroport, « Kafou Rezistans », la manif de Cité Soleil a été rejointe par d’autres manifestants partis du Champ de Mars en direction de Delmas 60. Au niveau de Delmas 40, les forces de l’ordre ont tenté de disperser la foule à coup de gaz lacrymogène. Les manifestants ont résisté et ont progressé jusqu’à Delmas 48 où les unités anti-émeutes de la PNH ont eu raison de la foule qui voulait demander, en face de l’ambassade du Canada, où sont les blindés commandés depuis des mois par l’Etat haitien auprès d’une entreprise canadienne.
Repoussés, des manifestants rouge de colère, ont attaqué dés entreprises et des maisons privées à coups de pierre. À Delmas 35, des manifestants ont enfoncé la barrière d’un hôtel. Sur des images filmées par des journalistes, on a vu des manifestants piller cet hôtel. Certaines sources ont indiqué que des pilleurs seraient blessés au moment des faits. En contrebas, non loin de Delmas 17, une jeune femme qui manifestait, touché à la tête par un projectile, a rendu l’âme.
Pierre Killick Sémélus, intervenant dans la presse, a dénoncé le comportement des agents de l’ordre au cours de la manifestation. « Les policiers ont tiré à balles réelles à deux reprises sur les manifestants de Cité Soleil. Deux militants ont été tués à Simon Pelé. Une jeune femme a été tuée d’une balle à la tête non loin du bureau de l’ONA à Delmas 17. Au moins 4 personnes ont été transportées d’urgence à l’hôpital à cause de blessures par balles », a rapporté au journal, Killick Semelus en fin d’après-midi.
Des manifestants ont déposé le cadavre encore chaud de la jeune femme à l’entrée du bureau de l’ONA de Delmas 19, gardé par un contingent de la police alors que des tirs à l’armes lourdes étaient signalés au niveau de la route de l’aéroport qui concentre un grand nombre d’entreprises. La police a dû intervenir pour repousser des individus armés, a confié une source alors qu’aucun responsable ou porte-parole de la PNH n’est jamais disponible pour expliquer, pour communiquer des bilans.
Un peu plus tôt dans la journée, quelques centaines de personnes, à l’initiative du Secteur Démocratique et populaire, branche Nenel Cassy, ont manifesté à Delmas 30 après une conférence de presse donnée par le SDP. « Ceux qui ont pris la décision de solliciter l’intervention militaire en Haïti sont des ennemis de la nation. Un jour viendra où ils seront jugés au tribunal du peuple », a indiqué l’ancien sénateur Nenel Cassy.
A coups d’armes automatiques,
des bandits ont attaqué le commissariat
de Thomassin 25
Sur les réseaux sociaux, des vidéos montrant des manifestations à Fermathe ont été partagées ainsi que celles de l’attaque d’un supermarché de Laboule 12.
« Ce sont les hommes de Ti Makak qui ont attaqué le market. Il y a beaucoup de tirs », a confié une source policière en fin d’après-midi, avant que l’effroi n’enveloppe un peu plus les habitants de Thomassin et des environs. A coups d’armes automatiques, des bandits ont attaqué le commissariat de Thomassin 25.
Sur des photos, on peut voir des impacts de projectiles à l’intérieur de cette antenne de la PNH. Cloîtrés, rongés par la peur, des résidents de ces quartiers ont cru vivre leurs derniers jours et ont expérimenté l’horreur devenue fait divers pour les populations d’autres quartiers de la zone métropolitaine dont Martissant, Cité Soleil, Bon Repos, Torcel ou Tabarre.
Pour le moment, la PNH, là encore, n’a donné aucune information. Son dernier poste concerne ses efforts pour libérer le terminal pétrolier de Varreux.
« En vue de faciliter la distribution des produits pétroliers au Terminal gazeux Varreux S.A, où les routes donnant accès à cette entreprise ont été minées et prises en otage par les bandits armés du gang G-9, la Police nationale depuis plusieurs jours poursuit ses opérations », a informé la PNH.
« Des unités spécialisées, la section d’engins lourds de la PNH, entre autres, sont encore à pied d’œuvre en vue de favoriser la reprise des opérations au niveau de cet important centre de stockage de carburant », poursuit la PNH.
Si à Port-au-Prince, au Cap-Haïtien, aux Gonaïves la mobilisation contre le PM, émaillée de violence, de pillages est loin de s’étioler, aucune résolution politique n’est à l’horizon, en dépit des appels au dialogue politique renouvelés par la communauté internationale qui dit examiner la demande d’aide armée du gouvernement pour aider à résoudre la crise sécuritaire qui aggrave la crise humanitaire.
Source : Le Nouvelliste