Il n’y a pas d’embargo de l’ONU sur l’acquisition d’équipements létaux pour renforcer la capacité opérationnelle de la Police nationale d’Haïti (PNH). L’ONU est la seule institution qui pourrait imposer un embargo contre Haïti. Il faut composer avec des restrictions et une volonté affichée d’aider la PNH à remplir efficacement sa mission.
Le Premier ministre Ariel Henry, lors de la réunion interministérielle organisée par le Canada, vendredi dernier, avait indiqué que les restrictions imposées au gouvernement pour l’acquisition d’équipements létaux, d’armes et de munitions, handicapent la PNH dans sa lutte face à des gangs lourdement armés qui ne souffrent nullement d’un quelconque embargo.
Plusieurs sources interrogées ont fait la part des choses. Il n’y a pas d’embargo de l’ONU mais des restrictions des USA et du Canada qui affichent leur volonté d’aider la PNH à renforcer ses capacités opérationnelles. Dans un passé récent, l’Etat haïtien avait fait acquisition d’armes de guerre. « Il n’y a pas d’embargo de l’ONU sur l’acquisition d’armes et de munitions pour Haiti », a confié au Nouvelliste Béatrice Nibogora, porte-parole du Binuh, mardi 25 janvier 2022.
Pour les USA, il y a des restrictions remontant au coup d’Etat du 30 septembre 1991-15 octobre 1994 contre Jean Bertrand Aristide. « Le Congrès américain avait voté une loi stipulant que le gouvernement américain n’a pas le droit d’envoyer ni armes ni munitions à Haïti sans son autorisation », a dit Kenneth H. Merten à un pool de journalistes, en sa résidence à Bourdon, lundi 24 janvier 2022.
« Nous n’avons pas un embargo à 100% mais c’est difficile », a poursuivi le diplomate américain, soulignant que pour le faire, cela demandera des paperasseries administratives interminables. « Cela peut prendre beaucoup de temps », a expliqué Kenneth H. Merten au moment d’évoquer une alternative possible. « Il y a, je suis certain, d’autres partenaires d’Haïti qui n’ont pas nos limitations. Nous les encourageons à agir là où nous ne pouvons pas le faire ou le faire avec grande difficulté », a conseillé Kenneth H. Merten.
Si les Canadiens ne sont pas chauds à l’idée de fournir des armes et des munitions à la PNH, il n’y a cependant pas un non ferme et décidé d’avance. « Le Canada a des contraintes sur les exportations d’armes extrêmement sévères. Ce sont des questions extrêmement difficiles, qu’il s’agisse de vente ou de dons. On navigue entre nos différentes obligations internationales et nos obligations à l’interne. Traditionnellement, le Canada n’est pas très chaud à l’idée de fournir des armes », a confié l’ambassadeur du Canada, Sébastien Carrière, en visite au Nouvelliste ce mardi.
« On ne dit jamais non avant d’étudier la demande et de voir ce qui est possible (…) Moi j’examine toutes les demandes que le gouvernement haïtien voudrait bien me formuler », a indiqué le diplomate canadien qui évoque un autre besoin, des blindés pour assurer le transport des troupes en zones hostiles. « La question des blindés peut être séparée de la question des armes à feu. Il n’y a pas nécessairement une arme sur un blindé. On est plus dans une logique de protection des troupes », a expliqué Sébastien Carriére avant d’évoquer une préoccupation commune au niveau de la communauté internationale.
« Les élections dans la situation sécuritaire actuelle ne seraient pas viables. Personne ne veut des élections avec un taux de participation complètement anémique. Des élections dans lesquelles la population ne croirait pas », a indiqué M. Carrière. « On ne peut pas non plus attendre d’avoir une situation sécuritaire idéale avec zéro kidnapping, disparition des gangs, etc. C’est rêver en couleur. Quel est le niveau de sécurité acceptable pour la tenue des élections ? Je n’ai pas la réponse », a dit le diplomate, qui dit rejoindre le Premier ministre sur l’idée qu’il faut le rétablissement de la sécurité bien avant d’organiser les élections.
« Pour faire face à des gangs mieux armés utilisant des techniques de guérilla urbaine et n’hésitant pas à recourir au terrorisme aveugle, notre police a un urgent besoin d’équipements, de matériels et de formation. Le maintien des restrictions imposées au gouvernement haïtien pour l’acquisition des équipements létaux, handicapent considérablement la capacité d’action et de réaction de la Police qui manquent cruellement de moyens en armements, en munitions en équipements de protection, blindés et autres », a dit le Premier ministre Henry.
« Tandis que les terroristes et les gangs ne sont pas affectés par cet embargo et arrivent à se procurer des armes de gros calibres et des munitions en quantité. Ceci leur donne une supériorité en termes de puissance de feu par rapport à la police », a soutenu Ariel Henry, chef du CSPN qui s’est fendu d’une mise en garde.
« J’espère que vos pays et organisations prennent conscience qu’on ne peut pas s’attendre à des résultats spectaculaires sur le plan sécuritaire si nous n’arrivons pas a mieux équiper notre police et à lui fournir la formation et l’encadrement nécessaire pour accomplir des tâches pour lesquelles elle n’était pas préparée », a soutenu le Premier ministre Ariel Henry, soulignant que l’insécurité est la principale préoccupation des Haïtiens.
« Aujourd’hui la préoccupation principale de mes compatriotes est l’insécurité et le terrorisme aveugle qui perturbent considérablement la vie de tous les jours, sèment le deuil dans les familles et isolent du reste du pays, 4 départements sur 10 dans le Sud, zone qui a été durement frappé par le séisme du 14 août 2021 suivi d’un violent cyclone », a-t-il dit.
« Il est indispensable et urgent, a poursuivi le Premier ministre Ariel Henry, d’y mettre un terme et de restaurer l’autorité de l’État sur toute l’étendue du territoire. »
« C’est une nécessité si nous voulons atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés pour cette période intérimaire : le retour à un fonctionnement normal de nos institutions démocratiques, la remise du pouvoir à des élus dans les meilleurs délais, comme prescrit dans l’Accord du 11 septembre 2021 », a soutenu Ariel Henry, estimant que « tout ceci sera un vœu pieux si les citoyens ne peuvent pas vaquer librement à leurs occupations, si les partis politiques et les candidats ne peuvent pas faire campagne partout dans le pays sans avoir à craindre pour leur vie. »
Le pays a récemment acheté des fusils d’un pays tiers. Ce n’était pas des Etats-Unis, a confié au journal un ancien ministre au courant de la conduite de ce dossier. « Les Américains avaient bloqué cette commande de fusils pour le compte des FAD’H. Mais les documents ont dû être refaits. Et ces armes ont été données à la police nationale d’Haïti », a confié cet ancien ministre qui soutient que les Américains sont assez tatillons sur les commandes d’équipements létaux et de surveillance par Haïti.
Sous Jovenel Moïse, il y avait une commande d’équipements de surveillance pour un million de dollars. Ils n’ont pas pu être livrés, a révélé cet ancien ministre. Il y a des restrictions au travers desquelles il faudra naviguer pour aider la police à avoir les armes, les munitions et les équipements pour faire face aux gangs.
« Le gouvernement travaille là-dessus avec certains de ses partenaires », a indiqué un ministre du cabinet Henry sous couvert de l’anonymat. Mais l’une des choses les plus importantes, a souligné une source, c’est la confiance en la PNH. La garantie que ces équipements ne se retrouveront pas aux mains des gangs », a-t-elle indiqué.
Source : Le Nouvelliste