Haïti. Enlèvement des religieux : un déni d’humanité

Ils ont nom Michel Briand, 64 ans, prêtre originaire de l’Ille-et-Vilaine et Agnès Bordeau, 81 ans, religieuse originaire de Mayenne.

Ils ont été kidnappés avec d’autres religieux dimanche 11 avril, à La Croix-des-Bouquets, en Haïti. Un million de dollars (841 000 euros) est exigé pour leur remise en liberté.

Le Parquet a annoncé, mercredi, qu’une enquête était ouverte à Paris pour « enlèvement et séquestration en bande organisée. » 

L’enquête a été confiée à l’Office central de lutte contre le crime organisé (OCLCO), a précisé le parquet de Paris, compétent pour des crimes commis à l’étranger envers des citoyens français. 

« Il y a quand même un paradoxe
dans ce pays… »

Jean-Marie Théodat

« Il faudrait vraiment un nouveau contrat social en Haïti, plaide Jean-Marie Théodat, maître de conférences à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, dans le quotidien Le Midi Libre. Il y a quand même un paradoxe dans ce pays qui s’est libéré de l’esclavage, le premier dans toute l’histoire de l’humanité, et se retrouve aujourd’hui à reproduire le modèle d’un trafic d’humains qui reproduit à l’identique les captures de négriers en Afrique pour les vendre en Amérique. La seule différence, c’est qu’on n’a pas à traverser, le commerce se fait sur place. Mais c’est la même indignité. C’est le même déni d’humanité qui nous frappe.»

Ce qui choque l’observateur, c’est la banalisation de ces kidnappings commis par des bandes ou gangs organisés. Dans une impunité d’autant plus relative que les personnes kidnappées peuvent être des notables, des religieux, des gens ramassés dans la rue… mais aussi des opposants politiques, des chefs d’entreprises qui en gênent d’autres… 

Ecolières enlevées,
violées, assassinées

Les mots de Jean-Marie Théodat peuvent être difficiles à entendre. Pourtant, ils illustrent parfaitement la réalité des kidnappings et des cruautés qui les entourent.

Ecolières enlevées, violées et assassinées, chauffeurs de taxis enlevés, mutilés (une oreille coupée), Haïtiens revenus au pays pour des vacances enlevés, torturés, découpés en morceaux. Quand la famille, les amis, quelqu’un paie, le corps est rendu… Il faut être très riche (la semaine prochaine on enlèvera le père, le fils, le frère du premier kidnappé) ou avoir des amis qui savent communiquer avec les kidnappeurs pour s’en sortir vivant. Vivant mais traumatisé.

Il y a quinze jour, un pasteur et deux de ses ouailles ont été emportés, kidnappés en plein office religieux. Puis rendus deux jours plus tard. Sains et saufs. La congrégation a su parler aux ravisseurs.

Que fait la police ? Elle fait avec… c’est à dire qu’elle fait avec des officiers corrompus, de collègues qui, quand ils ne sont pas en service dans la PNH (Police nationale d’Haïti), enfilent une cagoule et font le coup de feu avec des évadés de la prison de La Croix-des-Bouquets contre leurs collègues.

Le pape a dit une prière

Cette fois-ci, ce sont des prêtres et des religieuses catholiques qui ont été kidnappés. Les autorités ecclésiastiques haïtiennes ont dit leur indignation. Le pape a dit une prière. La rançon est importante, qui peut être négociée. Tout est négociable, dans une certaine limite, les kidnappeurs estimant « à la louche » le prix de leurs prisonniers. 100 000 euros pour un quidam, 500 000 euros pour un avocat, un peu plus pour un magistrat, plusieurs millions pour un chef d’entreprise.

Paul Dossou, supérieur général des prêtres de Saint-Jacques et proche des deux Français enlevés, ne comprend pas pourquoi ils ont été kidnappés. Il s’est exprimé sur Europe 1 : « Je ne crois pas qu’il y ait des raisons particulières pour cet enlèvement. Nous savons que ce sont des choses qui arrivent quotidiennement en Haïti. Ils étaient au mauvais endroit au mauvais moment », ajoute Paul Dossou.

Il a souligné que, d’après ses informations, le contact avec les ravisseurs a été établi et que des négociations étaient en cours, négociations qui se font a priori avec le fameux groupe 400 Mawozo, un gang armé très violent, connu pour avoir fait des enlèvements contre rançon sa raison d’exister.

On se souvient du témoignage d’un ingénieur en poste en Guadeloupe, en mission en Haïti, enlevé. La rançon demandée à la famille était de 500 000 euros. Au fil des jours et des appels téléphoniques à l’ambassade de France, la rançon baissait : 250 000 euros, puis 150 000 euros… Le jour où, lassé d’attendre qu’on le libère, l’homme a réussi à s’échapper… il valait 5 000 euros. Mais, ni sa famille ni l’ambassade n’avait versé un sou. « Ça relativise, nous disait-il, le prix de la vie humaine… Et aussi l’affection de la famille. »

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