L’un des plus éminents médecins haïtiens, Jean William Pape, après une esquisse de l’aggravation de la situation sécuritaire du pays, susceptible d’anéantir tant d’efforts dans le domaine de la santé publique, a appelé le Conseil de sécurité de l’ONU à aider à restaurer la sécurité en Haïti et éviter un « génocide massif », lors d’une réunion d’information sur la transformation de la MMAS en une mission de maintien de la paix, mercredi 20 novembre 2024.
« Pour une nation qui s’est autrefois battue pour abolir l’esclavage et qui a joué un rôle central dans la libération de l’Amérique du Sud, j’espère que demander votre soutien pour restaurer la sécurité n’est pas trop demander. Il est difficile pour un Haïtien de demander l’envoi de troupes étrangères sur son sol mais il n’y a pas d’autre alternative », a dit le Dr Jean William Pape, espérant « sincèrement que ce sera la dernière fois que des troupes étrangères viendront sur notre sol ». « Je ne vois pas un seul Haïtien vivant dans cette réalité infernale qui ne souhaiterait pas une intervention internationale plus vigoureuse. Si rien n’est fait, l’alternative sera un génocide massif — quelque chose que vous seul avez le pouvoir d’empêcher », a prévenu le Dr Pape, qui a été direct par rapport à la MMAS.
« Je suis ici pour vous dire que la mission menée par le Kenya ne fonctionne pas. Avec la police et l’armée haïtiennes, ils sont dépassés en nombre et en armement », a soutenu le Dr Pape. « Je comprends les controverses entourant les précédentes missions mais pendant leur présence, l’insécurité n’existait pas à cette échelle. Les gens pouvaient circuler librement, et les agriculteurs pouvaient transporter leur marché sans crainte. Personne n’avait besoin d’être dans la rue parce que sa maison avait été incendiée », a-t-il dit, notant que depuis son Op-Ed dans les colonnes du New York Times, la situation s’est dégradée en Haïti.
« Le 1er juin 2023, j’ai écrit un article d’opinion dans le New York Times appelant la communauté internationale à contribuer à la lutte contre l’insécurité croissante en Haïti. Malheureusement, a dit le Dr Jean William Pape, la situation n’a fait qu’empirer depuis. L’économie haïtienne a connu une croissance négative pendant cinq années consécutives, la capitale est complètement coupée du reste du pays, et nous connaissons l’exode et la fuite des cerveaux les plus importants de notre histoire. »
« Plus de 800 000 personnes ont été déplacées à l’intérieur du pays et les taux de meurtres, d’enlèvements, de viols et de malnutrition sévère ont atteint des niveaux sans précédent. La plupart des hôpitaux, y compris l’hôpital universitaire de l’État, sont désormais fermés, et seuls 25 % des établissements médicaux de la capitale restent opérationnels, ce qui fait peser une pression écrasante sur ceux qui sont encore debout, y compris les nôtres », a témoigné le responsable des Centres Gheskio.
« Comment l’insécurité nous a-t-elle affectés ?
« 70 % du personnel du GHESKIO a quitté le pays. Les lettres de démission arrivent presque chaque semaine. 68 % de nos employés ont dû fuir leur domicile. Au cours des trois dernières années, 26 membres du personnel ont été kidnappés (plus que toute autre institution), dont deux au cours des deux derniers mois). Même mon propre fils a été enlevé en novembre 2023 et détenu pendant trois mois et demi — une terrible épreuve pour notre famille. Nous avons réussi à survivre en nous adaptant constamment. Nous avons élaboré un plan d’urgence, affiné en permanence à chaque crise, qui comprend les éléments suivants: un personnel de réserve pour les postes critiques et une formation continue dans les domaines de la médecine, des laboratoires et de l’informatique. Les liens étroits que nous entretenons avec la communauté locale ont également été essentiels à notre résilience. Mais la réalité est sombre : combien de temps ? Combien de temps encore pourrons-nous continuer à fonctionner dans ces conditions ? Sans votre soutien, tous les progrès que nous avons accomplis dans la lutte contre les maladies infectieuses et maladies infectieuses et chroniques », a longuement détaillé le Dr Pape.
« Il est facile de partager des statistiques sinistres, mais elles ne rendent pas compte du coût humain, de ce que ressentent les personnes atteintes de maladies infectieuses et chroniques. Le coût humain, ce que ressentent les personnes qui doivent vivre cet enfer tous les jours. Que dire à une jeune fille de 13 ans qui a été victime d’un viol collectif, qui est tombée enceinte et qui était trop jeune pour comprendre ce qui arrivait à son corps. Nous l’avons aidée à accoucher d’un bébé qu’elle a immédiatement rejeté jusqu’à ce jour. Quel genre d’avenir l’attend, elle et son enfant ? Comment consoler l’homme ligoté chez lui, contraint de regarder sa femme et ses deux filles se faire violer et mutiler ? Au cours des 13 jours où j’ai quitté le pays, deux jeunes mères ont été assassinées. L’une d’elles a été abattue devant sa fille de 4 ans, laissant derrière elle deux enfants, dont un bébé d’un an, et un mari qui a été kidnappé l’année dernière. L’autre, une urologue nouvellement formée, venait de rentrer des États-Unis en Haïti pour servir son pays. Elle laisse derrière elle un mari et un jeune enfant », a expliqué le Dr Jean William Pape.