Le cinéaste haïtien Arnold Antonin a le goût de la peinture. Après Jambes de bois ou Gérard Fortuné, le dernier des naïfs , Lafortune Félix, le dernier des grands peintres de l’Artibonite, le producteur propose Wa Egzil nan lakou Levoy, un film documentaire sur Levoy Exil, artiste du mouvement Saint-Soleil du célèbre peintre Jean Claude Garoute dit Tiga. A la projection de ce film, à la cinémathèque de Piment-Rouge, à Turgeau, dans le cadre des Rencontres du documentaire en Haïti, le public a été enchanté.
Wa Egzil nan Levoy est un court-métrage de 27 minutes. A bien visionner ce documentaire, ce n’est pas une mise en scène classique, mais un dialogue, des dialogues précis. Dans ce film documentaire, c’est un Levoy Exil, chez lui, décontracté, qui se confie au cinéaste. Le peintre est entouré de ses proches. Il peint, mange et chante. Il parle de son vécu, son parcours et ses maîtres en peinture.
Un autodidacte inspiré
A l’instar de beaucoup de grands peintres haïtiens, Levoy n’a pas été instruit. Pour subvenir à ses besoins et ceux de sa famille, il se fait maçon. Un jour, il rencontra Tiga, dans les années 70, qui lui demandait s’il voulait aussi devenir peintre. A sa réponse positive à cet imminent peintre, Levoy va aussi créer sa propre voie dans le mouvement Saint-Soleil.
Son art en pointillé d’une facture impressionnante va s’imposer dans le paysage pictural haïtien. « Les toiles de Levoy Exil mobilisent l’attention, le plaisir esthétique et la curiosité. Ce qui fascine dans les œuvres de Levoy Exil, ce n’est pas tant de comprendre son expression artistique mais la découverte derrière chaque toile de la nature, du soleil, de l’univers et des dieux de la mythologie vodou… »
« Je suis connecté avec l’univers et la nature. Parfois, quand je peins il y a une force qui m’habite, il y a des éléments qui me rendent visite. Saint-Soleil est un secret », explique Levoy Exil au cinéaste, dans ce film-documentaire.
Malraux et les artistes du Saint-Soleil
Dans cette production cinématographique, le peintre rend un vibrant hommage à André Malraux qu’il a rencontré, lors de sa visite en Haïti. Il a rappelé comment l’homme politique français voulait à tout prix rencontrer les artistes du Saint- Soleil. Il rend aussi hommage à son maître Tiga pour lui avoir tenu la main et fait de lui un artiste.
Pour honorer la mémoire du maitre, il lui a fait construire un mausolée. Le natif de Pétion-Ville se confie aussi sur ce mouvement artistique initié par le fils d’Antonine Garoute. Selon le peintre, il y a Saint Soleil et cinq soleils. Il parle de la nature de laquelle il dit s’inspirer tout en faisant ressortir sa beauté et sa magie, s’appliquant, avec des petits coups.
Hommage au bòs mason
Comme dans les autres documentaires portant sur des peintres, Arnold Antonin donne à voir de la vie et de l’oeuvre de Levoy. Il s’attelle à mettre à l’écran son parcours inspirant et de sa place dans l’éternité. C’est comme un hommage qu’il rend à ce bòs mason devenu peintre. Une grande reconnaissance envers cet homme qui n’est pas né peintre ni grandi dans un univers artistique, mais qui par une rencontre fortuite avec Tiga, va devenir l’une des grandes figures de la peinture haïtienne. Partageant la table avec Levoy, Arnold Antonin nous plonge dans l’univers de ce grand peintre Saint Soleil empreint du mysticisme.
Source : Le Nouvelliste
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