Haïti. Cité Soleil : les femmes martyrisées

Cité Soleil, quartier d Port-au-Prince. @DR

Les femmes ont été des victimes directes de la guerre des gangs qui a éclaté à l’aube du 7 juillet à Cité Soleil opposant deux coalitions rivales, G-9 an Fanmi e Alye et G-Pèp.

C’est dans leur chair qu’elles ont subi les atrocités.

Le RNDDH a recensé au moins cinquante-deux femmes et filles victimes de viols collectifs et répétés dans un rapport publié mardi 16 août.

Plus de 300 personnes assassinées

« Le bilan de ce massacre non encore définitif est lourd. Plus de trois cents personnes ont été assassinées. Au moins vingt-deux personnes ont été blessées par balles ou à l’arme blanche ; au moins deux-cent-dix maisons ont été détruites », a rapporté le RNDDH qui a surtout mis en lumière les actes de violence dont sont victimes des femmes et des filles dans ce bidonville durant l’affrontement des gangs qui a duré au moins 10 jours.

Des récits de ce rapport révèlent que parmi les cinquante-deux femmes et filles victimes de viol collectif et répété, une mineure a été recensée.

Elle est âgée de quatorze ans. « Le 7 juillet 2022, M.A.R. mineure née le 2 juin 2008 ainsi que ses deux petits frères ont été emmenés sur la place publique Shalom située à Soleil 17, par leur mère. Le 8 juillet 2022, M.A.R. a été violée par des bandits armés, en l’absence de sa mère qui était allée chercher à manger », a indiqué le RNDDH.

Douze des survivantes sont âgées de dix-huit à vingt-cinq ans.

« Le 8 juillet 2022, E.P., âgée de vingt-quatre ans s’était barricadée chez elle à Bloc L, Cité Soleil lorsque trois hommes armés et encagoulés ont frappé à sa porte, la menaçant de mettre le feu, si elle n’ouvrait pas. Sa fillette de trois ans qui pleurait et suppliait les bandits de ne pas tuer sa mère a été bousculée. Pour sa part, E.P. a été menacée et injuriée avant d’être violée par l’un des bandits, en présence de sa fillette. »

Tout comme elle, a révélé le RNDDH, vingt parmi les victimes ont été violées en présence de leur progéniture.

Six victimes ont assisté
à l’exécution de leur conjoint

« Le 7 juillet 2022, G.F., née le 28 août 1983, se trouvait chez elle à Soleil 17 et se préparait pour se rendre chez un proche à Bois-Neuf lorsque des bandits armés ont investi sa maison et l’ont violée en présence de son petit garçon. Depuis lors, elle saigne abondamment et souffre d’atroces maux de ventre. Elle affirme aussi être devenue insomniaque. »

Six victimes ont assisté à l’exécution de leur conjoint avant d’être violées à leur tour et quatre autres ont été violées en dépit de leur grossesse. Quatorze parmi les victimes ont été violées à Dèyè Mi.

« Le 7 juillet 2022, N.H., née le 28 juin 1985, mère de cinq enfants, s’est rendue à Simon Pelé en compagnie de son conjoint Frantz Odisson, en vue d’acheter quelques marchandises. Arrivée à Dèyè Mi, N.H. a été violée par au moins six bandits armés, en présence de son conjoint. Après l’avoir violée l’un après l’autre avec beaucoup de violence, ils l’ont forcée à assister à l’exécution de son conjoint », a fait savoir le RNDDH.

Lors de ces événements sanglants, le corps des femmes et des filles est souvent utilisé comme arme de guerre, pour atteindre le groupe rival.

Justement, plusieurs parmi les survivantes rencontrées dans le cadre de cette enquête ont témoigné avoir été soumises à un interrogatoire avant d’être violées comme punition par les bandits armés qui leur reprochaient d’entretenir des relations privilégiées avec le chef de gang Gabriel Jean Pierre alias Ti Gabriel.

« Le 8 juillet 2022, K.B. née le 30 janvier 1983 a fui Bois-Neuf et s’est réfugiée chez des proches à Sou Tè car sa maison a été incendiée le 7 juillet 2022. Dans la soirée du 8 juillet 2022, K.B. a été enlevée par trois bandits armés qui l’ont conduite dans une vieille maison. Ces derniers l’ont accusée d’être la conjointe de Gabriel Jean-Pierre alias Ti Gabriel. Pour la punir, ils l’ont violée à tour de rôle. K.B. est mère d’un jeune homme âgé de vingt-trois (23) ans et estime que ses agresseurs auraient pu être ses propres fils.»

Le RNDDH continue de dénoncer
la complicité de l’Etat

« Le 8 juillet 2022, F.A., née le 1er décembre 1995 fuyant Linthau 2, Cité Soleil, s’était réfugiée sur la place publique de Hugo Chavez. Dans la soirée du 9 juillet 2022, elle a été violée par deux bandits armés qui avaient fait irruption sur la place. Avant de la violer, ils l’ont accusée d’être la conjointe de Gabriel Jean-Pierre alias Ti Gabriel. »

Le nombre de victimes d’agressions sexuelles a exponentiellement augmenté lors du massacre à Cité Soleil, selon l’organisme de droits humains.

Le RNDDH continue de dénoncer la facilité d’accès du G-9 an Fanmi e Alye, au matériel et équipements de l’Etat. Le RNDDH souligne en ce sens qu’au cours du massacre à Cité Soleil objet de ce rapport, « des engins lourds du CNE et du ministère des Travaux publics, Transports et Communications ont été mis à la disposition du G-9 an Fanmi e Alye qui bénéficie aussi de la protection de certaines unités spécialisées de la Police Nationale d’Haïti (PNH). »

Selon lui, le RNDDH condamne encore une fois la passivité des autorités étatiques qui, selon lui, en fermant les yeux sur les massacres et attaques armées dans les quartiers défavorisés ainsi que sur les exactions qui y sont commises, continuent de se faire complices des bandits armés.

« Les bourreaux de la population
sont aujourd’hui très puissants
auprès de la coalition politique »
RNDH

« Elles n’ont jamais rien fait en vue de freiner ces événements sanglants. Les victimes ne bénéficient, pour leur part, d’aucune forme d’assistance. Pire, les bourreaux de la population haïtienne sont aujourd’hui très puissants auprès de la coalition politique actuellement au pouvoir. Par ce comportement, les autorités étatiques ne font que prouver le degré de leur mépris pour la vie de la population haïtienne », a tranché l’organisme de défense de droits humains.

En ce sens, le RNDDH recommande aux autorités étatiques : de fournir une assistance médicale et psychosociale aux victimes de viol collectif et répété ainsi qu’à leurs proches ; poursuivre et punir tous les individus impliqués dans les viols collectifs et répétés perpétrés à l’encontre des survivantes de Cité Soleil.

Source : Le Nouvelliste

Lien : https://lenouvelliste.com/article/237613/massacre-a-cite-soleil-le-corps-des-femmes-et-des-filles-utilises-comme-arme-de-guerre

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