Cindy Pierre-Louis, 30 ans, est une conteuse et comédienne totalement dévouée à son art. La jeune femme non-voyante a réussi à dépasser sa cécité pour se comporter tel un faisceau lumineux sur scène.
C’est par son spectacle que s’ouvrira, ce dimanche 2 octobre prochain au Yanvalou, la 7e édition de la Quinzaine internationale handicap et culture en Haïti.
Cindy Pierre Louis jouera pour une énième fois la lodyans « J’ai vengé la race », de Maurice Sixto. Une œuvre qu’elle considère comme le déclencheur de son inspirante carrière de conteuse et de comédienne.
Le 14 juin 2019, à un moment où elle s’est attelée à dompter ses doutes quant à son potentiel, elle a joué pour la première fois cette œuvre magistrale de Sixto, au Yanvalou. « C’est le spectacle qui allait définir ma carrière. Car je ne pensais pas pouvoir jouer « J’ai vengé la race ». Quand je l’ai fait, je me suis dit que je pouvais vraiment être une comédienne », se souvient Cindy Pierre Louis.
En octobre de la même année, elle s’est envolée pour la France, précisément à Agen, où elle a présenté ce spectacle au festival Octobre Soleil. C’est déjà un grand exploit pour la jeune femme qui venait à peine de s’assumer en tant que comédienne.
« Je pensais que tous les enfants étaient comme moi »
Cindy Pierre Louis est venue au monde avec les yeux qui ne s’ouvrent pas. Devant ce désarroi, ses parents avaient tout de suite décidé d’aller voir un médecin. Après lui avoir administré des médicaments, ses yeux allaient finalement s’ouvrir, mais elle n’aura jamais trouvé la vue.
Enfance difficile à cause de cette déficience, mais quand-même remplie de bonheur. Elle a été élevée par une tante de sa mère, Saintane Octave, qui a fait d’elle son petit bout de chou.
Il lui a fallu attendre son adolescence pour rejoindre sa mère, Wagline Rochasse. Cindy se souvient avoir été comblée d’amour et d’attention dans la maison familiale à Fontamara. Comme tous les autres enfants, elle jouait et rêvait autant qu’il était possible.
Elle pensait que le monde n’avait pas de couleurs, et que tous les enfants étaient comme elle car Cindy jouait à tous les jeux auxquels jouaient les enfants du quartier, même le cache-cache.
« J’ai commencé à ressentir la différence quand j’ai constaté que les livres de mon amie d’enfance n’étaient pas comme les miens. Quand je touchais ses livres, je ne pouvais pas les lire et la forme était différente des miens qui étaient surtout des blocs de feuilles en braille », se rappelle Cindy Pierre Louis.
Après avoir consulté plusieurs médecins, on a suggéré aux parents de Cindy de l’inscrire à l’École St-Vincent pour les enfants à déficience. Elle n’avait pas encore atteint l’âge (6 ans) recommandé par l’école quand elle y est allée, tant elle était fougueuse et intéressante.
Cindy va rester à cette école jusqu’à la fin de ses études primaires. Par la suite, elle a été envoyée au Nouveau collège des frères adventistes de Diquini pour passer le troisième cycle fondamental avant de boucler ses études secondaires au Collège adventiste de Morija, toujours à Diquini.
Cindy Pierre Louis va ensuite étudier la Communication à l’Université de Port-au-Prince (UP). Jeune femme brillante et studieuse, elle a toujours porté le soleil sur son visage ; toujours, sourit-elle, toujours exprime-t-elle sa joie de vivre. Cindy est une boule d’énergie pour celles et ceux qui la fréquentent.
Au commencement était l’histoire
Depuis son enfance, Cindy est passionnée par les histoires : elle aime les raconter autant que les écouter. Mais à aucun moment elle ne pensait que cela pourrait être un métier, le sien encore moins. « A l’école comme à l’église, je prenais plaisir à écrire des sketchs à chaque fois qu’il y avait une activité. Je me suis toujours vue comme une scénariste », nous dit-elle.
En 2009, elle a remporté la couronne du concours Miss filles au soleil organisé par l’association Filles au soleil (AFAS). Après ce sacre, elle a intégré cette association et c’est là qu’elle a trouvé l’opportunité qui allait changer sa vie.
« Le 1er mai 2017, Johny Zéphirin (directeur artistique de la Quinzaine internationale handicap et culture en Haïti, NdlR), était venu faire des recrutements pour la 2e édition du festival à Filles au soleil. Je n’étais pas là la première fois qu’il était venu. La coordonnatrice m’a dit qu’elle pensait que ça devrait m’intéresser. Elle m’a expliqué et on m’a appris un extrait du texte Thézinc. Et j’ai passé l’audition avec succès », raconte celle qui est devenue aujourd’hui une conteuse très talentueuse.
Elle se rappelle avoir joué Thézinc pour la première fois au Centre d’Art, ensuite au Yanvalou. Et depuis, les prestations s’enchaînent. Festival Quatre chemins, Kont Anba Tonèl, rien n’allait arrêter Cindy dont la carrière allait prendre son envol. Depuis 2017, elle fait partie des artistes les plus en vue de la Quinzaine internationale handicap et culture en Haïti.
Source : Le Nouvelliste
Lien : https://lenouvelliste.com/article/238374/cindy-pierre-louis-comedienne-non-voyante-au-destin-radieux