Les autorités fédérales américaines ont observé « une augmentation récente » de la contrebande d’armes et de munitions des Etats-Unis vers Haïti. Parmi les armes saisies, figurent des pistolets, des fusils d’assaut, dont de calibre 50, capable de percer certains blindages.
« Il y a définitivement une augmentation du flux d’armes, tant en nombre qu’en types de puissance de feu, à destination d’Haïti », a déclaré Anthony Salisbury, l’agent spécial en charge de Homeland Security Investigations du bureau de Miami, au Miami Herald, mercredi 17 août 2022. Il a ajouté qu’il y a une augmentation de l’activité et des saisies.
« Homeland Security Investigations et ses partenaires enquêteront et chercheront à poursuivre en justice tout individu impliqué dans le trafic illégal d’armes », a déclaré Salisbury en conférence de presse.
« C’est inquiétant de voir la quantité [d’armes à feu] et l’augmentation de la puissance de feu que nous voyons envoyées là-bas », a-t-il poursuivi.
Bien que le HSI ait déjà saisi des armes destinées à Haïti et enquêté sur un certain nombre d’affaires impliquant la région des Caraïbes et certains pays d’Amérique latine, M. Salisbury a insisté sur le fait que les agents fédéraux « constatent une recrudescence. »
Lors de cette conférence de presse des tableaux de fusils de précision de qualité militaire, de mitrailleuses à alimentation par ceinture et de pistolets semi-automatiques saisis qui étaient destinés à Haïti ont été montrés.
Le groupe de partenaires auquel M. Salisbury faisait référence comprend le Bureau des alcools, du tabac, des armes à feu et des explosifs, également connu sous le nom d’ATF, et le ministère américain du Commerce.
« Nous accordons la priorité à l’inspection des avancées du fret dans les milieux aériens et maritimes qui sont destinés à Haïti. Nous nous intéressons également aux voyages des compagnies aériennes commerciales, ainsi qu’à l’aviation générale », a déclaré Vernon T. Foret, directeur des opérations sur le terrain des douanes et de la protection des frontières des États-Unis à Miami et au bureau de Tampa.
Parmi les armes à destination d’Haïti qui ont été récemment saisies dans le sud de la Floride, ont été identifiés des fusils d’assaut de calibre 50 de qualité militaire, équipés de balles « de la taille d’une bouteille de Tabasco », selon un haut responsable de la police haïtienne ayant connaissance de la saisie.
Pourtant, selon cet article du Miami Herald, il est presque impossible d’arrêter le flux de la contrebande d’armes et de munitions, selon des experts, qui citent le commerce de la drogue profondément enraciné en Haïti, les réseaux de contrebande, la corruption systémique et les profits lucratifs du marché noir des armes à feu — ainsi que les lois laxistes des États-Unis sur les armes à feu.
« Les États-Unis sont le plus grand magasin d’armes à feu de l’hémisphère occidental – par le volume, par la fabrication, par la culture », a déclaré Carlos A. Canino, ancien agent spécial chargé des bureaux locaux d’Alcohol, Tobacco, Firearms and Explosives à Miami et Los Angeles.
Pour illustrer la puissance des gens impliqués dans le trafic d’armes et de munitions, la Miami Herald a évoqué, selon des rapports de police, la présence d’anciens officiels venus pour récupérer la cargaison d’armes et de munitions retrouvée à bord du navire Miss Lilie, à Port-de-Paix.
« Lorsque le cargo Miss Lilie a quitté Miami un après-midi récent pour entrer dans un port de la côte nord-ouest d’Haïti, il présentait toutes les caractéristiques d’une opération gouvernementale légitime. Des hommes en canoës ont attendu la nuit pour décharger la cargaison et la cacher sur une île voisine. Des agents armés chargés de la lutte contre le trafic de drogue se sont présentés sur le quai et ont prétendu avoir été envoyés pour prendre la cargaison, tandis que des véhicules portant des plaques officielles de l’État et de la police attendaient pour transporter le chargement sur une route périlleuse contrôlée par les gangs. Mais la cargaison était loin d’être légale. Elle contenait 120 000 cartouches de grande puissance, une cache mortelle interdite par la loi américaine. Et ce n’est pas tout. Selon deux rapports de police obtenus par le Miami Herald, les munitions étaient destinées à de hauts responsables politiques de Port-au-Prince », peut-on lire dans cet article du Miami Herald.
La Caraïbes, destination de premier ordre
Le bureau de l’industrie et de la sécurité du département du Commerce, qui collabore avec d’autres agences fédérales, dont le HSI, indique que depuis 2020, environ la moitié des enquêtes sur les exportations d’armes à feu se sont concentrées dans la région des Caraïbes.
Une destination de contrebande de premier ordre alimentée par la demande des trafiquants de drogue et les marges de profit au marché noir des armes à feu de fabrication américaine. Les 50 % restants sont dispersés dans d’autres régions du monde, toujours selon le Miami Herald.
Les armes à feu les plus populaires pour les exportations illégales des États-Unis sont les pistolets : le Taurus Model G2C, le Micro Draco 5.5, qui peut tirer des balles de fusil, et les Glocks 9mm.
Les gilets pare-balles et les munitions sont également des exportations populaires sur le marché noir.
Par exemple, en raison de la popularité de leur marque, les pistolets Glock 9 mm peuvent se vendre entre 400 et 500 dollars l’unité dans un magasin d’armes à feu sous licence fédérale ou dans une exposition d’armes privée dans le sud de la Floride. Mais peuvent être revendus entre 2 000 et 5 000 dollars à Saint-Thomas, dans les îles Vierges américaines, et atteindre 10 000 dollars en Jamaïque, à Trinidad ou en Haïti.
En Haïti, où la police a saisi des centaines d’armes ces derniers mois, les fusils automatiques comme les AK-47, le Galil de fabrication israélienne et les fusils de qualité militaire atteignent également des prix élevés.
Ces derniers sont déjà entre les mains de certains gangs, selon une personne ayant connaissance de l’armement des gangs, a indiqué le Miami Herald.
Ces derniers mois, plusieurs personnes dont des Haïtiens, des Américano-Haïtiens ont été inculpés pour trafic d’armes.
Source : Le Nouvelliste (Roberson Alphonse)