Haïti. Assassinat de Lincoln Bien-Aimé : ses parents accusent la police

Au moment de l’attaque ses collègues ont refusé qu’il monte dans le blindé pour se protéger.

La famille de Lincoln Bien-Aimé, agent I, immatriculé 17-28-03-16786, affecté au Bureau de lutte contre le trafic de stupéfiants (BLTS), assassiné le 2 décembre 2022 à Croix-des-Bouquets, dénonce la passivité des policiers de l’Unité départementale de maintien de l’ordre (UDMO) qui étaient à bord du véhicule blindé dénommé Timagali ,au moment de l’attaque des bandits du gang des 400 Mawozo, contre leur fils.

Les policiers en question ont refusé à l’agent de la BLTS l’accès à bord du char alors qu’il se rendait chez lui à Ganthier, a déploré Léo D. Pizo Bien-Aimé, grand frère de la victime, aux funérailles symboliques du policier, en l’église Notre-Dame d’Altagrace à Delmas, le vendredi 23 décembre 2022.

« Selon les faits, ces policiers semblent être complices dans l’assassinat crapuleux et suspect de Lincoln Bien-Aimé. Il est à rappeler que les policiers à bord du véhicule blindé n’ont pas réagi au moment où les bandits assassinaient l’agent de la BLTS qui ont emporté son cadavre. La famille éplorée se sent indignée de ne pas trouver la dépouille de son fils pour faire le deuil », a indiqué le frère de la victime.

« Je considère cet acte barbare comme une honte totale pour l’institution policière dont la mission est de protéger et servir. Je condamne l’attitude des policiers de l’UDMO qui se font complices parce qu’ils ne portent pas assistance à des personnes en danger, encore moins un frère d’armes, tel que prévu par l’article 52.1 de la Constitution haïtienne et puni par la loi selon l’article 52. 2 de la loi mère. Il faut à tout prix combattre la corruption au sein de cette institution républicaine en Haïti qu’est la police. Il faut que la justice haïtienne puisse agir pour punir et condamner ces policiers pour leur forfait. J’exige que l’IGPNH identifie les policiers qui pilotaient le véhicule blindé le vendredi 2 décembre 2022 vers les 8 heures a,m. et les mette à la disposition de la justice », a déclaré au journal Léo D. Pizo Bien-Aimé le lundi 26 décembre.

Dans une correspondance adressée à Fritz Saint Fort, l’inspecteur général en chef de la Police nationale d’Haïti, en date du 22 décembre 2022, le Réseau national de défense des droits humains (RNDDH) s’empresse d’attirer son attention sur des informations préoccupantes parvenues jusqu’à lui, entourant l’assassinat de Lincoln Bien-Aimé.

Selon les informations rapportées par le RNDDH dans la correspondance, le policier assassiné, accompagné de sa conjointe, ont passé la nuit au sous-commissariat de Calvaire, comme à l’accoutumée afin de prendre place, le lendemain matin, à bord d’un blindé en direction de Ganthier, leur commune de résidence. Le 2 décembre 2022, alors qu’ils montaient à bord du blindé en question, des agents qui s’y trouvaient déjà leur en ont interdit l’accès, arguant qu’il n’y avait pas suffisamment de place pour eux.

Lincoln Bien-Aimé, qui suivait le véhicule blindé à motocyclette, a été stoppé par un groupe de bandits lourdement armés qui, après avoir identifié le policier, l’ont criblé de balles ainsi que sa conjointe. « Selon des riverains, le blindé est revenu sur les lieux du crime. Il ne s’est même pas arrêté, ne serait-ce que pour récupérer le corps des victimes », a rapporté le RNDDH, précisant qu’en raison du fait que le blindé devait récupérer des individus ayant payé leur passage, Lincoln Bien-Aimé  et sa conjointe n’ont pas été autorisés à y monter.

« Le RNDDH ne vous cache pas sa sidération et vous invite à diligenter rapidement une enquête autour des circonstances ayant entouré l’assassinat du policier et des faits de trafic de matériels et d’équipements policiers à des fins économiques et à prendre les sanctions qui s’imposent contre tous agents fautifs », lit-on dans la correspondance.

« Sur ce point, il convient de souligner que le droit de monter à bord du blindé s’achète à deux mille cinq cents (2 500) gourdes au moins ou cinq cents (500) dollars américains. Cette variation de prix repose sur le statut de la personne qui achète le service, du simple citoyen à l’entrepreneur. Il a aussi été rapporté au RNDDH que les blindés sont aussi utilisés pour protéger des convois. A titre d’exemple :

Pour accompagner un camion transportant des légumes, les frais varient entre deux-mille-cinq-cents (2 500) et cinq mille (5 000) gourdes; pour accompagner des containeurs en provenance de la République dominicaine, les frais varient entre sept cents (700) et mille (1 000) dollars américains; Pour accompagner des camionnettes de transport en commun en provenance de Malpasse les jours de marché, les frais peuvent aller jusqu’à dix mille (10 000) gourdes».

« Aujourd’hui, comment croire que la police est effectivement en train d’œuvrer en vue de ramener l’ordre dans le pays quand le matériel ainsi que les équipements policiers sont trafiqués par ceux-là qui sont appelés à combattre le banditisme dans un contexte d’insécurité généralisée où la vie — même celle d’un policier, d’une policière — ne coûte rien ?», se demande le Réseau national de défense des droits humains.

Lincoln Bien-Aimé est originaire de Ganthier. Né le 2 décembre 1990, il a été assassiné le 2 décembre 2022 à Croix-des-Bouquets, le jour de son anniversaire.  Il a été formé en journalisme dans un centre à Port-au-Prince entre 2015-2016. Il a terminé ses études en psychologie à la Faculté d’ethnologie (FE) de l’Université d’État d’Haïti (UEH). Il était admis au programme de master en radiologie à l’Université Internationale des sciences de la santé Saint Camillus (UniCamillus) en Italie dont il a déjà obtenu le visa d’études. Lincoln Bien-Aimé a été un passionné du savoir scientifique, a fait savoir son frère.

Source : Le Nouvelliste

Lien : https://lenouvelliste.com/article/239724/assassinat-de-lincoln-bien-aime-le-rnddh-fait-des-revelations-inquietantes

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