Dans une entrevue accordée au journal ce vendredi après-midi, le juge d’instruction Mathieu Chanlatte a confié qu’il s’est déporté volontairement du dossier relatif à l’assassinat du président Jovenel Moïse. Pour cause, aucun moyen n’a été mis à sa disposition pour l’instruction de cette affaire. « J’ai décidé de ne pas instruire le dossier parce que je ne dispose pas de moyens, principalement un dispositif de sécurité personnelle et pour ma famille », a fait savoir le magistrat, alors qu’il se rendait au tribunal pour signer son déport.
Quelque temps plus tard, le magistrat a signé et déposé l’acte de déport. Le juge d’instruction Chanlatte déplore le fait qu’il n’a à sa disposition qu’un agent de sécurité et qu’il utilise son véhicule personnel pour se déplacer dans le cadre de ses fonctions. « Le véhicule que j’ai est à mon service depuis plus de 10 ans. Il est actuellement au garage. À maintes reprises j’ai demandé au Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ) un appui logistique », a déploré le magistrat. Aucune suite n’a été accordée à ces demandes.
Le juge d’instruction a avoué n’avoir reçu « aucune menace directe » pouvant motiver sa décision, tout en précisant qu’il n’avait pas encore pris connaissance des pièces constituant le dossier déféré par le parquet au greffe du tribunal. « Il [NDLR : le dossier] est assurément au greffe du tribunal depuis lundi », a souligné le magistrat Chanlatte.
Selon le juge Chanlatte, il avait accepté de mener cette instruction à condition que les autorités concernées auraient mis à sa disposition un dispositif de sécurité, entre autres.
« J’ai dit au doyen que tous les moyens devaient être assurés avant que je prenne en charge le dossier. Peut-être que, sous pression de la presse, le doyen, sans aucune disposition, a fait savoir que j’étais en charge du dossier », a regretté le magistrat, soulignant au passage que toutes les conditions n’étaient pourtant pas réunies. Il dit regretter de ne pas pouvoir rendre à la république ce service et contribuer à faire la lumière sur cet assassinat.
À ceux-là qui critiquent le juge pour sa partialité ou ses relations présumées avec l’ancienne administration, le juge dit mettre au défi quiconque pouvant montrer qu’il a passé outre à la loi dans le cadre d’une affaire qu’il avait la charge. « Je n’ai pas à être surpris de ce que les gens disent dans la mesure que j’agis dans les limites de la loi », a répondu le magistrat qui a évoqué pour preuve le dossier Dermalog qui est au parquet en l’attente d’un réquisitoire d’informer.
Source : Le Nouvelliste