« Le véhicule dans lequel se trouvait Éric Jean Baptiste et son garde du corps Peterson Virnuïs a été criblé de balles », selon le juge de paix de Pétion-Ville, Clément Noël.
Éric Jean Baptiste, secrétaire général du Rassemblement des démocrates nationaux progressistes (RDNP) et ancien candidat à la présidence d’Haïti, n’a pas survécu à ses blessures, vendredi 28 octobre 2022 dans la soirée, sur la route menant à son domicile à Laboule 12.
« J’ai constaté 14 impacts de balles. Les agresseurs ont utilisé des armes de gros calibre. Certains projectiles ont transpercé le blindage de niveau 4 (du véhicule). J’ai remarqué un impact de balle au niveau du siège arrière où se trouvait Éric Jean Baptiste et qui l’aurait atteint au niveau du bassin ».
« Le corps du chauffeur est méconnaissable. Son crâne a explosé. Il a reçu plusieurs projectiles », a décrit le juge Noël, soulignant que le véhicule, qui s’est renversé au cours de l’attaque, a subi d’importants dommages.
Le Nouvelliste avait confirmé la nouvelle du décès d’Éric Jean Baptiste auprès du porte-parole du parti, Ricardo Nordin, et auprès d’une autre source proche de la victime. L’attaque mortelle s’est produite à quelques mètres de l’immeuble Jane Barbancourt aujourd’hui Château Ternier, à l’entrée de Laboule 12.
« Des hommes lourdement armés ont criblé de balles le véhicule dans lequel il se trouvait au niveau de Laboule. Son agent de sécurité est décédé sur place. Eric Jean Baptiste a été conduit à l’hôpital mais il n’a pas survécu », avait indiqué en pleurs le porte-parole.
Qui est Éric Jean Baptiste ?
Dans le bouquet d’hommages qui est rendu à Éric Jean-Baptiste depuis son décès, l’un dépasse d’une tête les autres. Le Rectorat de l’Université d’Etat d’Haïti (UEH) s’est déclaré indigner par l’assassinat « odieux » du dirigeant politique et entrepreneur Eric Jean-Baptiste.
L’Université d’Etat d’Haïti le présente comme « un entrepreneur avisé, un patriote intraitable, soucieux de la sauvegarde de la souveraineté nationale et d’un philanthrope remarquable. »
Pour rappel, sa fondation avait financé la construction de l’immeuble devant loger l’Ecole de Droit et des Sciences économiques de Jacmel.
L’histoire d’Éric Jean Baptiste, né le 13 août 1970, est d’abord celle d’un homme d’affaires qui dirige depuis des années une chaîne d’échoppes de vente de loterie (borlette), « Père Éternel Loto », puis celle d’un mécène qui parcourait le pays pour distribuer des masques, promouvoir le lavage des mains, distribuer des téléviseurs, offrir des livres aux bibliothèques tout comme il s’illustrait dans l’aide aux victimes des catastrophes naturelles qui ont frappé le pays. Réputé pragmatique, l’homme d’affaires s’est illustré à travers la Fondation qui porte son nom. Il aidait aussi bien des écoles, des universités et des petites gens.
En 2020, quand Le Nouvelliste le classe dans son palmarès des Personnalités de l’année, Eric Jean Baptiste est décrit comme un homme politique qui s’est « forgé une stature de leader modéré en 2020. Profitant de la pandémie de Covid-19, il s’est engagé dans une campagne massive de prévention visant toutes les couches de la population et dans tous les départements. Distribuant conseils, masques et gallons de gel, avant les pouvoirs publics, Éric Jean Baptiste a été à la pointe de la bataille contre le coronavirus. Il s’est aussi impliqué dans le financement de divers projets d’intérêt public, dont l’École de droit de Jacmel. Plus que la politique, il est devenu un acteur du social », pouvait-on lire de lui en janvier 2021.
Chaque semaine, dans les pages du Nouvelliste et sur plusieurs radios, Eric Jean Baptiste partageait ses idées avec le public à travers une série d’éditoriaux. Le 16 juin 2022, dans le cadre de la foire Livres en folie, il avait signé « La terre natale en terre promise », un résumé de sa vision politique et humaniste. Il avait hissé son ouvrage parmi les bestsellers.
C’est depuis la commune de Carrefour où il avait connu sa première grosse implantation qu’Eric Jean Baptiste s’est fait connaître. Son entreprise de loterie possédait l’un des immeubles les plus imposants de la ville. C’est à partir de son fief qu’il s’est lancé dans le social, puis dans la politique jusqu’à se porter candidat aux présidentielles de 2015 sous la bannière du Mouvement action socialiste (MAS).
Le 16 août 2018, il change de catégorie. Eric Jean Baptiste est élu secrétaire général du Rassemblement des démocrates nationaux progressistes (RDNP). Depuis cette date, il dirigeait le RDNP, parti d’obédience démocrate-chrétienne, fondé en 1979 par l’ancien président d’Haïti, le professeur Leslie François Manigat. Il avait remplacé à la tête du parti la constitutionnaliste Mirlande Manigat.
Pourfendeur des casques bleus de l’ONU après l’introduction du choléra en Haïti par des soldats népalais, il avait annoncé que la Fondation Eric Jean Baptiste allouait une enveloppe de 57 millions de gourdes pour combattre la COVID-19 en Haïti.
Laboule 12, zone de non droit
Eric Jean Baptiste avait déjà échappé à une tentative d’assassinat le 1er octobre 2018. A l’époque, il emmenait ses trois enfants à l’école lorsque sa voiture avait été la cible de plusieurs projectiles d’origine inconnue au niveau de Carrefour-Feuilles.
Laboule 12, quartier aisé de Pétion-Ville, est le théâtre de crimes violents, de tuerie et d’enlèvements depuis plusieurs mois. Cette zone est contrôlée par le gang dirigé par Carlo Petit-Homme, alias Ti Makak. Le gang affronte régulièrement la police et les hommes de Mosanto Petit dit Toto, dans la même zone.
Le groupe armé de Ti Makak avait été indexé dans l’assassinat du directeur général de l’organisme étatique « Entreprise publique de promotion de logements sociaux (EPPLS) » et ancien sénateur Yvon Buissereth, tué puis brûlé dans son véhicule en août dernier avec son chauffeur.
Plusieurs policiers ont été tués dans la même zone après des affrontements avec des membres de gangs. Au début de l’année 2022, deux journalistes ont été tués dans le même quartier.
Tous les points fixes et commissariat de police dans la zone ont été attaqués ces derniers mois et la Police Nationale d’Haïti a déserté la zone depuis plusieurs semaines après plusieurs défaites sur le terrain.
Deux groupes s’affrontent dans le secteur sur fond de conflit terrien. L’un est lié à un homme d’affaires, grand propriétaire terrien, Monsanto Petit dit Toto et l’autre est emmené par Ti Makak, un jeune né dans le quartier de Laboule 12, immense territoire qui relie Port-au-Prince, Carrefour, Carrefour-Feuilles et les hauteurs de Pétion-Ville.
Source : Le Nouvelliste
