Haïti. Antonio Guterres craint « un effondrement catastrophique des institutions nationales de sécurité »

Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, craint « un effondrement catastrophique des institutions nationales de sécurité » en Haïti dans un contexte de sous-financement de la MMAS et de déferlement de violence des gangs.

« Le fonds d’affectation spéciale pour la Mission n’est doté que de 101,1 millions de dollars. Il en faut bien plus. (…) Le temps presse. Tout retard supplémentaire ou toute lacune opérationnelle dans la fourniture d’un soutien international à la police nationale, que ce soit dans le cadre de la Mission ou de l’assistance bilatérale, fait courir le risque d’un effondrement catastrophique des institutions nationales de sécurité », a écrit Antonio Guterres dans son rapport au conseil de sécurité de l’ONU, le 15 janvier 2025.

« Les gangs pourraient ainsi s’emparer de l’ensemble de la zone métropolitaine, ce qui entraînerait l’effondrement complet de l’autorité de l’État et rendrait impossibles les opérations internationales dans le pays, y compris celles visant à aider les populations dans le besoin. Nous devons nous empresser de faire tout ce qui est en notre pouvoir pour éviter un tel scénario », a appelé le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres qui a « exhorté » « une nouvelle fois la communauté internationale à fournir d’urgence un soutien financier supplémentaire pour assurer le maintien de la Mission et la réalisation de ses objectifs ».

Un rapport macabre de Guterres au Conseil de sécurité

« Entre septembre et novembre 2024, le BINUH a recensé 1 881 victimes d’homicides volontaires, dont 234 femmes, 33 filles et 40 garçons, contre 1 509 au cours de la même période l’année précédente. Le nombre de victimes d’enlèvements se monte à au moins 447, dont 141 femmes, 11 filles et 18 garçons, contre 835 au cours de la même période un an plus tôt. Parallèlement, on a assisté à une augmentation des meurtres perpétrés par des groupes « d’autodéfense » : au moins 248 membres présumés de gangs ont ainsi été tués de janvier à novembre 2024, dont 108 rien que de septembre à novembre. La période considérée a été marquée par une recrudescence de la violence coordonnée des gangs visant sans discernement la population et les infrastructures critiques, dont l’aéroport et d’autres symboles de l’autorité de l’État dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince et dans le département de l’Artibonite.

Le 11 novembre, des gangs ont pris pour cible des avions commerciaux, ce qui a poussé l’administration fédérale de l’aviation des États-Unis d’Amérique à décréter une interdiction de survol de l’espace aérien haïtien jusqu’au 12 mars pour tous les avions immatriculés aux États-Unis, et entraîné la fermeture de l’aéroport international Toussaint Louverture. Dans les quartiers de Solino et du bas Delmas, les gangs ont étendu leur emprise territoriale en détruisant délibérément des propriétés privées pour empêcher leurs habitants d’y revenir. La capacité des gangs à mener des attaques au long cours durant plusieurs jours a progressivement augmenté, démontrant leur aptitude à se procurer de plus grandes quantités d’armes et de munitions et à étoffer leurs effectifs par l’enrôlement de mineurs », a détaillé Antonio Guterres dans son rapport au Conseil de sécurité de l’ONU.

« À la mi-novembre, des gangs ont attaqué simultanément pas moins de 15 sites à Port-au-Prince et se sont livrés à de nombreuses brutalités, proclamant leur volonté de déstabiliser le Conseil présidentiel de transition. Ils ont fait irruption dans des quartiers résidentiels de la classe moyenne, tels que Pernier, Nazon et Vivy Mitchell, et ont cherché à s’attaquer aux dernières zones où les gangs ne sévissaient pas dans les communes de Delmas et de Pétion-Ville. Du 11 au 19 novembre, des membres de gangs ont tiré délibérément sur des hommes et des femmes qui se trouvaient dans la rue ou dans des transports publics et brûlé les corps de certaines de ces victimes en pleine rue. Les gangs s’en sont également pris à des habitations en leur tirant dessus ou en les incendiant, ciblant particulièrement celles appartenant à des policiers ou à des notables de ces quartiers. En réaction, des groupes « d’autodéfense » et des particuliers agissant de leur propre chef ont érigé des barricades pour stopper la progression des gangs et ont poursuivi et lynché des membres présumés de gangs et des individus inconnus dans les quartiers concernés ; de leur côté, des unités de police  spécialisées ont mené des opérations visant à repousser les gangs », a rapporté M. Guterres.

« Au total, ces attaques ont fait au moins 220 morts et 92 blessés et entraîné le déplacement forcé de près de 41 000 personnes. Le 19 novembre, une foule armée de machettes et d’armes à feu s’est livrée à la vindicte populaire en pourchassant et tuant 79 membres présumés de gangs, dont 2 garçons, marquant l’un des épisodes les plus tragiques de cette période, comptant pour 25 % des victimes. Dans la confusion, la foule a également lynché des personnes non affiliées à des gangs, inconnus dans les quartiers concernés mais qui n’ont pas été en mesure de présenter des documents d’identité.

Outre les attaques ayant pour objectif l’expansion territoriale, les gangs ont continué de soumettre les habitants des zones qu’ils contrôlaient à des violations des droits humains afin de renforcer leur emprise criminelle sur la population. À Carrefour, Cité Soleil, Croix-des-Bouquets et Gressier, quatre communes dépourvues de présence de l’État, les gangs ont entretenu un climat de peur et d’intimidation en punissant avec brutalité les individus qui remettaient en cause leurs règles. Au cours de la période considérée, au moins 306 personnes ont été abattues par balles pour avoir volé du bétail ou de l’argent sans « l’autorisation » des gangs, potentiellement coopéré avec la police ou, plus généralement, défié les règles imposées par les gangs. Les policiers et leurs familles qui vivent encore dans ces quartiers ont été notamment la cible de représailles féroces.

Dans le quartier de Sarthe, le 11 novembre, au moins 30 proches de policiers ont été tués ou blessés, dont 7 enfants. Dans des quartiers dont ils se sont récemment emparés, notamment Delmas 24, Fort National et Solino, les gangs ont tiré à l’aveugle sur les habitations et les passants afin de consolider leurs gains territoriaux. Dans ces zones, plus de 45 hommes, femmes et enfants ont été grièvement blessés ou tués dans des fusillades ou des incendies provoqués par des membres de gangs. Entre le 6 et le 11 décembre, des massacres perpétrés sous les ordres du chef de gang qui contrôlait la zone ont fait 207 morts à Wharf Jérémie (134 hommes et 73 femmes). La plupart des victimes étaient des personnes âgées, accusées de pratiquer le vaudou et d’avoir rendu malade l’enfant du chef de gang, tandis que d’autres étaient des proches qui avaient tenté de s’enfuir ou étaient soupçonnés d’avoir fait passer des informations aux médias », peut-on lire dans le rapport macabre de Antonio Guterres au Conseil de sécurité de l’ONU.

Source : Le Nouvelliste

Lien : https://lenouvelliste.com/article/252700/antonio-guterres-craint-un-effondrement-catastrophique-des-institutions-nationales-de-securite

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