L’enquête sur l’assassinat du président Jovenel Moïse patine encore. Désigné au mois de mai, le juge d’instruction Walter Wesser Voltaire a communiqué, mercredi 31 août, au doyen et au commissaire du gouvernement près le tribunal de première instance de Port-au-Prince, qu’il ne peut pas respecter le délai de trois mois imparti pour instruire l’affaire. Dans son ordonnance, le juge n’a pas sollicité la prorogation du délai.
Le juge d’instruction Walter Wesser Voltaire, cinquième juge d’instruction désigné sur ce dossier, fait savoir, dans son ordonnance, que certaines formalités ne sont pas encore remplies.
« Par ces motifs, disons et déclarons que nous ne pouvons pas respecter le délai de trois mois qui nous est imparti par l’article 7 de la loi du 26 juillet 1979 sur l’appel pénal compte tenu du fait que certaines formalités ne sont pas encore remplies ; ordonnons en conséquence la communication de la présente ordonnance au doyen et au commissaire du gouvernement près le tribunal de première instance de ce ressort pour les suites de droit », peut-on lire dans l’ordonnance.
Trois mois c’est trop court
« La désignation quoique intervenue à la fin du mois de mai 2022 n’a été suivie d’effet qu’au cours du mois de juillet où un bureau et les pièces du dossier sont mis à ma disposition », a indiqué le juge d’instruction Walter W. Voltaire, soulignant qu’il ne peut pas respecter le délai de trois mois en raison du fait que les inculpés ne sont pas encore interrogés.
Le juge Voltaire rappelle les dispositions de l’article 7 de la loi du 26 juillet 1979 sur l’appel pénal selon lesquelles le juge d’instruction saisi d’un dossier a un délai de trois mois répartis ainsi : deux mois pour la conduite de l’instruction et un mois pour l’ordonnance de clôture.
« Attendu que ce même article précise qu’au cas où le juge d’instruction se trouve dans l’impossibilité de boucler son enquête dans le délai qui lui est imparti, il doit justifier son retard par une ordonnance motivée qu’il adresse au doyen et au commissaire du gouvernement », a écrit le juge d’instruction Walter Wesser Voltaire, évoquant le caractère complexe de cette affaire puisqu’il s’agit « de crimes transnationaux organisés ». « Le recours à l’entraide judiciaire s’avère indispensable », a, par ailleurs, mentionné le juge Voltaire.
Plus de 40 suspects ont été arrêtés dans le cadre de l’assassinat du président, dont au moins 18 soldats colombiens et 20 policiers haïtiens.
L’instruction du juge d’instruction Voltaire devrait être menée contre les nommés : Christian Emmanuel Sanom, James Solages, Joseph Vincent, Joseph Félix Badio, Marie Jude Gilbert Dragon, Reynaldo Corvington, Dominick Cauvin, Jean Laguel Civil, Dimitry Hérard, Jhon Joël Joseph, German Alejandro Rivera Gracia, Jhon Jairo Suarez Alegria, Naiser Franco Castaneda, Victor Albeiro Pineda Cardona, Neil Caceres Durant, Francisco Eladio Uribe Ochoa et consorts, inculpés des chefs d’association de malfaiteurs, de vol à main armée, de terrorisme, d’assassinat, de tentative d’assassinat au préjudice de Son Excellence Jovenel Moïse.
Courage, fuyons !
Rappelons que les quatre précédents juges désignés pour instruire le dossier de l’assassinat du président Jovenel Moïse n’arrivaient pas à boucler l’enquête. Le premier juge instructeur Mathieu Chanlatte s’était vite déporté de l’affaire.
Le juge Garry Orélien, désigné pour instruire ledit dossier, avait formulé une demande de prorogation de délai rejetée par le doyen Me Bernard Sainvil. Il avait été pointé du doigt par le Réseau national de défense des droits humains (RNDDH) pour des faits de corruption présumée.
Le juge Mathieu Chanlatte s’est déporté du dossier en août 2021 parce que « les moyens » n’ont pas été mis à sa disposition pour instruire le dossier.
Craignant pour sa sécurité, le juge Chavannes Etienne, 3e juge désigné en février 2022 pour instruire le dossier relatif à l’assassinat du président Jovenel Moïse, s’est déporté quelques jours après.
Quant au juge Merlan Belabre, il s’est déporté de l’affaire pour des raisons de sécurité. « Aucune disposition n’a été prise pour assurer sa sécurité et celle de sa famille », avait-il déploré.
Notons que dans le cadre de cette affaire, le président Jovenel Moïse a été assassiné dans sa résidence dans la nuit du 6 au 7 juillet 2021 par un commando armé.
Source : Le Nouvelliste