Depuis avril, de nombreux acteurs de la prise en charge des victimes travaillent, autour de l’Agence Régionale de Santé, à l’élaboration d’une feuille de route pour l’Est guyanais.
Plusieurs projets ont été présentés, dont une formation à destination notamment des professionnels de santé, prévue à la rentrée à Cayenne et début 2023 à Saint-Laurent du Maroni. En mars, les résultats de l’étude d’Oyapock coopération santé (OCS) sur les violences faites aux femmes dans l’Est guyanais ont fait l’effet d’un électrochoc. Les auteurs décrivent leur « banalisation », la fréquence des viols conjugaux, les difficultés pour protéger les victimes et la confrontation quasi quotidienne des professionnels de santé avec ce phénomène.
Faciliter les dépôts de plainte
Les travaux, débutés en avril, ont permis d’aboutir, dans un premier temps, à la rédaction de fiches réflexes, diffusées aux établissements de santé et aux professionnels, pour faciliter les dépôts de plainte.
Ces travaux se sont poursuivis en présence des associations de prévention des violences sexuelles et d’aide aux victimes, des sages-femmes du réseau Périnat, de la protection maternelle et infantile (PMI), du Planning familial, des services sociaux, des magistrats ou encore d’Isabelle Hidair-Krivsky, déléguée régionale aux droits des femmes et à l’égalité. L’objectif étant d’aboutir à une feuille de route à présenter en fin d’année et fixant les orientations pour les deux années à venir.
Des actions à mettre en place
Plusieurs projets sont envisagés :
- Deux jours de formation à la connaissance, au repérage et à la prise en charge des violences sexuelles à destination notamment des professionnels de santé, en septembre à Cayenne et en janvier 2023 à Saint-Laurent du Maroni, organisés par le réseau Périnat, l’Arbre fromager et l’Association guyanaise d’aide aux victimes (Agav)
- La traduction et l’adaptation à la Guyane du violentomètre, un outil créé en 2018 par la Mairie de Paris, l’Observatoire de Seine-Saint-Denis des violences faites aux femmes et l’association En Avant Toute(s) pour aider à repérer la violence dans le couple
- Une BD pour parler des violences sexuelles aux adolescents
Moins de 13 ans…
Pour établir le profil des victimes de violences sexuelles, le Dr Victoire Menseau s’est plongée dans les 400 dossiers traités par l’unité médico-judiciaire de l’hôpital de Cayenne, en 2019 et 2020. Ses travaux ont fait l’objet de sa thèse, soutenue en début d’année, et ont été présentés aux Journées des soignants, le mois dernier.
Parmi les 400 victimes, on compte 7 femmes pour 1 homme. Une victime sur deux avait moins de 13 ans. Les garçons étant généralement plus jeunes que les filles. Les tranches d’âge les plus représentées étaient les 5-10 ans chez les hommes et les 10-15 ans chez les femmes. La très large majorité étaient nées en Guyane (69,9 %) suivies par Haïti (12 %), le Brésil (7 %) et l’Hexagone (6 %).
L’agresseur est quasi exclusivement un homme (99,2 %) et très souvent connu de la victime (86,7 %). Il s’agissait généralement d’un ami ou connaissance (24 %), du conjoint ou de l’ex-conjoint (10 %), du beau-père (9 %), du père (8 %), de l’oncle (8 %), du frère (7 %), d’un cousin (4 %). 60 % des faits se sont déroulés au domicile de la victime.
Des agressions répétées
La moitié des victimes a subi des agressions répétées et/ou un viol ou une agression sexuelle. Dans un cas sur deux, les victimes décrivent des agressions répétées ; 58,5 % consultaient suite à un viol ou à une agression sexuelle avec pénétration. Dans une très large majorité des viols (82,3 %), l’agresseur n’utilisait pas de préservatif. Douze femmes sur 347 ont eu une grossesse avérée après les faits.
« L’enjeu est principalement de prendre en charge les victimes le plus tôt possible afin d’administrer le traitement post-exposition au VIH et permettre d’effectuer les prélèvements médico-légaux, explique le Dr Victoire Menseau (…) Le délai de consultation est très souvent supérieur à 72 heures, empêchant ainsi une prise en charge optimale. »
C’est particulièrement le cas chez les moins de 20 ans. En revanche, il est plus court quand l’agresseur était inconnu ou quand la victime avait subi des menaces de mort. La thèse du Dr Menseau montre aussi une baisse des consultations à l’Unité médico-judiciaire pour agression sexuelle en 2020 pendant les périodes de confinement ou de restriction de déplacement les plus fortes.