Guadeloupe. Un mystérieux mausolée honoré aux Abymes

Chaque année, un hommage est solennellement rendu à Deshaies aux victimes du crash d’un Boeing 707 de la compagnie Air France survenu le 22 juin 1962. Cette année, pour certains, l’hommage s’est rendu au cimetière des Abymes.

Le vol du 22 juin 1962 assuré par le Boeing 707 immatriculé F-BHST s’est écrasé sur le morne du Dos d’Âne à Deshaies en Guadeloupe, alors qu’il était en approche sur l’aéroport du Raizet de Pointe-à-Pitre, provoquant la mort des 103 passagers et des dix membres d’équipage.

Albert Béville.
Justin Catayé

Parmi les 103 morts, deux activistes, Albert Béville, écrivain sous le nom de Paul Niger, administrateur des colonies, indépendantiste guadeloupéen, fondateur du Front Antillo-Guyanais pour l’Autonomie avec Edouard Glissant et Marcel Manville, et Justin Catayé, député de la Guyane dont les prises de paroles à l’Assemblée nationale, sans équivoque et pour une large autonomie de la Guyane, agaçaient.

Aimé Césaire, député de la Martinique, qui devait être sur ce vol, avait changé d’avis.

La rumeur dit que d’autres encore ont été dissuadés de prendre ce vol…

Des zones d’ombre

La présence à bord des deux hommes politiques a donné lieu à bien des conjectures, dont celle de l’attentat. Quoique la commission Stora ait conclu à une négligence des pilotes, des points d’ombre subsistent.

Le 22 juin 1962, le retentissement de ce crash est mondial. Le vol Air France 117 était un vol reliant Paris à Santiago (Chili) via Lisbonne (Portugal), Santa Maria (Açores), Pointe-à-Pitre (Guadeloupe), Bogota (Colombie) et Lima (Pérou). Des passagers de ces pays étaient à bord.

L’avion avait décollé de l’aéroport d’Orly à minuit, heure locale. A l’escale de Lisbonne quelques passagers descendaient et huit autres embarquaient. Après une nouvelle escale aux Açores, l’avion se dirigeait vers la Guadeloupe, où il arrivait de nuit, vers 4 h du matin.

Le temps était orageux, avec des éclairs, de la pluie et des vents de 30 à 40 nœuds. L’avion faisait une première approche vers la piste dans des nuages bas mais a, semblait-il, des problèmes avec son train d’atterrissage.

Il survolait la piste et faisait alors un demi-tour sur la gauche, selon la procédure d’approche interrompue.

L’équipage s’annonçait à la verticale de la balise NDB à 5 000 pieds, puis la communication avec la tour de contrôle était perdue et quelques minutes plus tard, l’avion heurtait la montagne dite du Dos d’Âne, à environ 420 mètres d’altitude, dans une zone boisée au nord de l’île de Basse-Terre, à 23 kilomètres de l’aéroport.

Immédiatement les secours étaient constitués, une expédition était lancée à travers la forêt, vers la zone en feu.

Sur place, c’est le chaos des corps dans la montagne, les débris, certains énormes, de l’appareil qui ont labouré la terre rouge de Deshaies.

Les corps étaient redescendus vers des chapelles ardentes établies à Pointe-à-Pitre.

Soixante ans plus tard, plusieurs stèles commémoratives s’élèvent sur le lieu de l’accident au Dos d’Âne, une placée le 22 juin 1992 (stèle du Parti socialiste guyanais à la mémoire de Justin Catayée), puis en 2002 (stèle officielle de la commune et de la région avec la liste de toutes les victimes) et enfin en 2012 (stèle pour le cinquantenaire à la mémoire d’Albert Béville).

Le lieu est en pleine forêt au bout d’une petite route, les stèles sont posées sur la terre, et partout, enfoncés dans le sol rouge mais surgissant au fil des années, sous l’effet du mouvement de la terre et des pluies, des débris métalliques rappellent le drame. Dans une ravine, il y a un train d’atterrissage, des morceaux de moteur. Il y fait froid alors que le soleil brille…

Mais, si la plupart des corps des malheureuses victimes ont été rapatriées ou transportés jusque dans des cimetières en Guadeloupe ou Martinique, certains corps n’ont jamais été récupérés par les familles. Ils étaient difficilement identifiables… C’étaient eux, mais pas tout à fait eux. Des morceaux d’humains tourmentés.

Ces corps reposent néanmoins dans un tombeau commun du cimetière des Abymes, érigé par la Compagnie Air France, visiblement entretenu, mais un peu oublié.

C’est là que, jeudi 22 juin 2023, Julien Mérion, universitaire, fondateur du CORECA, qui a beaucoup travaillé sur la tragédie historique de cet accident, avec Alain Andréa, historien, d’autres encore, sont allés découvrir cet énorme tombeau qui comporte quinze cases et une plaque faisant mention de treize noms.

La vile des Abymes étaient représentée par Faber Michely, premier adjoint au maire, Charles-Edouard Leffet, Eliane Giougou et Nadiah Surville Pérafide. La ville de Deshaies était représentée Robert Nicoise, adjoint au maire.

Alain Andréa, dans un moment d’hommage au cimetière des Abymes, a expliqué comment les membres du CORECA ont retrouvé ce tombeau, ajoutant un peu de mystère à un crash dont les origines sont tout autant mystérieuses.

Des gerbes ont été déposées au pied du tombeau.

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