Guadeloupe. Un bilan énergétique en demi-teinte

L’OREC Guadeloupe, Observatoire Régional de l’Energie-Climat, et Synergîles, pôle d’innovation de la Guadeloupe, ont présenté leur bilan annuel avec leurs partenaires que sont l’Etat, la Région, l’ADEME, la DEAL Météo France, EDF, la SARA, Albioma, le Sy.MEG, l’AFD.

Disons-le tout net : la Guadeloupe n’est pas un très bon élève. Peut mieux faire. On importe quasiment tout ce qui permet de créer de l’énergie… et on en importe chaque année plus — 44% des ces importations sont des carburants pour les véhicules. Cependant, des efforts — pas encore suffisants — sont fait pour développer des énergies alternatives, locales. C’est d’autant plus urgent que la situation internationale est en train de s’assombrir et que la dépendance à l’extérieur est toujours prégnante. et puis, il y a le réchauffement climatique et ses corollaires… Certains intervenants ont clairement mis en évidence un manque d’ambition ou de perspective des collectivités…

Andres Mézière, président de Genergies Antilles-Guyane, directeur de Synergîle, résume dans son intervention le drame de la Guadeloupe — qui est aussi le drame de la Martinique : l’approvisionnement en énergie primaire se fait par 90% d’import, produits issus du raffinage du pétrole, charbon et pellets de bois, soit de l’énergie à 85% fossile (hors pellets).

« Nous dépendons de l’extérieur dans un contexte international difficile, avec la guerre en Ukraine, une situation internationale tendue dont les conséquences peuvent nous affecter », poursuit-il.

Il faut faire droit — et c’est une nécessité vitale pour la Guadeloupe — aux potentialités locales. Les acteurs du territoire doivent réduire la dépendance extérieure et favoriser les potentialité locales qui sont importantes. Il y a des efforts faits mais, selon lui, ils ne sont pas suffisants. Il faut pousser les recherches et les réalisations en géothermie, solaire, éolien…

« Remplacer le charbon par la biomasse
ne résoud pas la dépendance de nos îles. »

Une fois ces secteurs dynamisés, que faire encore ? « Remplacer le charbon par la biomasse, temporise Andres Mézière, mais cette décarbonation ne résoud pas la dépendance de nos îles. » « Changer le charbon par des pellets de bois… oblige pour de longues périodes, 25 à 30 ans, et impose des investissement lourds.»

Selon l’expert, les filières locales souffrent d’un déficit d’usage :
. la géothermie peut faire peur
. l’éolien déplaît à une certaine partie de la population (nuisances sonores, mutilation des oiseaux, etc.)
. Le solaire peut créer des nuisances aussi.
« Mais, dit-il, ces filières créent des emplois. »

Il s’étonne du manque d’audace des collectivités et prend l’exemple des toitures des collectivités territoriales qui pourraient accueillir, systématiquement, des panneaux solaires. « Ce n’est pas fait ! », regrette-t-il.

Un autre point important, les collectivités doivent prendre plus de contrôle sur les énergies. Il cite en exemple la Région qui a mis en place sa propre législation thermique.

Andres Mezière incite à se montrer ambitieux : « Il faut aller plus loin contre les angles morts de Paris et revoir la législation sur le photovoltaique. » Il y a des textes votés… qui n’ont jamais été mis en application Outre-mer en la matière.

Andres Mezière, président de Genergies Antilles-Guyane, directeur de Synergîle :

« Le transport routier représente
les 2/3 de la consommation énergétique. »

Sylvie Vanoukia préside avec brio la commission énergie de la Région Guadeloupe.

Sylvie Vanoukia au pupitre. @AJV

Elle affirme que la part des énergies renouvelables a plus que doublé en dix ans. Et qu’en 2022 les Énergies renouvelables progressent toujours.

Une électricité 100% renouvelable d’ici 2030 est l’objectif de la Région Guadeloupe. « Le pilotage individuel de la consommation doit être un réflexe, en retenant que la soleil et les alizés sont primordiaux dans nos réflexions sur la transition énergétique. »

« Le transport routier, déplore-t-elle, représente les 2/3 de la consommation énergétique. Mais, j’ai bon espoir puisque Région et Etat poursuivent leur plan concerté de réduction énergétique. »

Elle rappelle l’arsenal de lois qui vont dans un sens d’une économie énergétique et une transition bien pensée : la loi climat et résilience, la loi d’accélération des énergies renouvelables, et en fin d’année, la loi de programmation de l’énergie et du climat.

Jérôme Roch, directeur de l’Ademe, souligne l’importance de la fonction d’observation pour évaluer et réajuster les politiques publiques. D’où le travail de l’Orec Guadeloupe qui est amené chaque année à publier un bilan pointu de toutes les données consacrées à l’énergie.

« Nous vivons une période mouvementée avec la fin de la crise sanitaire, la guerre en Ukraine, une inquiétante accélération du réchauffement climatique. Où en sommes-nous en matière de transition énergétique pour tenter d’éviter une catastrophe ? Nous avons une législation qui favorise la transition énergétique, mais le temps s’accélère. Localement, nous travaillons beaucoup sur certaines alternatives au fossile avec les recherches sur la production d’hydrogène et le développement des véhicules électriques. »

Milène Stervinou est directrice adjointe d’EDF SEI (la centrale).

« EDF accompagne l’OREC depuis 11 ans », rappelle-t-elle, regrettant qu’on en soit encore à un mixe énergétique très carboné tout en se félicitant que les ENR représentent 40% de l’énergie sur l’archipel. Pour les néophytes, les ENR sont les énergies renouvelables.

En fait, avec les ENR, les défis sont dans la gestion du système électrique. Il faut du courant tout le temps, or, le vent, le soleil… ne sont pas constants…

D’où l’important travail d’adaptation et d’innovation pour garantir la sûreté de la distribution.

Milène Stervinou se félicite que la consommation baisse grâce à l’efficacité énergétique et une maîtrise de la consommation par les clients.
« 109 GWh ont été évités en 2022 », dit-elle en appui à ses propos.

En fait, EDF ne se repose pas sur ses lauriers techniques, mais travaille avec les collectivités pour rationaliser les dépenses énergétiques, tout en faisant des investissements importants pour être leader de la transition énergétique, « source de fierté pour les équipes. »

Milène Stervinou, directrice adjointe d’EDF SEI :

« Ne nous faisons pas d’illusion,
tout ne pourra pas être électrique. »

Pedro Selgi, directeur de la Sara en Guadeloupe, fait un petit cours d’histoire en rappelant que la SARA a 53 ans, née de la volonté du chef de l’Etat d’alors, le général de Gaulle, qui souhaitait l’autonomie énergétique dans les Outre-mer. Original quand on sait que 90% de l’approvisionnement vient de l’extérieur. Mais, c’était une autre époque.

« Aujourd’hui, dit-il, il faut redéfinir cette autonomie et participer à la transition énergétique. C’est pour cela qu’il faut mesurer la consommation énergétique et les rejets que celle-ci induit. »

Quels bouleversements pour nos société ?
« Nous avons besoin d’accompagner la transition en douceur. Je donne pour exemple l’hydrogène sur lequel nous travaillons. Les carburants de synthèse peuvent aussi aider à la transition. Ne nous faisons pas d’illusion, tout ne pourra pas être électrique. Mais, il ne faut pas s’attendre à un bouleversement de nos habitudes plutôt à une transition. »

Pédro Selgi, directeur de la Sara en Guadeloupe :

CLIN D’ŒIL

Albioma

Albioma est un producteur d’énergie renouvelable engagé dans la transition énergétique grâce à la biomasse, au solaire et à la géothermie. Présent en Guadeloupe — en Martinique aussi et ailleurs Outre-mer — depuis 1998, Albioma opère la centrale thermique biomasse du Moule qui fournit 21 % de l’électricité disponible sur le réseau. En plus de la bagasse, le Groupe cherche à mobiliser de nouvelles formes de biomasse locale et sans conflit d’usage en dehors des campagnes sucrières. Depuis novembre 2020, la tranche 3 de la centrale fonctionne exclusivement à la biomasse. « Nous travaillons actuellement à la conversion intégrale de la centrale en visant l’abandon total du charbon sur les tranches historiques de cogénération », affirme Nicolas de Fontenay, directeur général.
Depuis 2008, Albioma développe son activité solaire en Guadeloupe. Le Groupe exploite aujourd’hui quatre centrales photovoltaïques à Jarry, Sainte-Rose et Basse-Terre qui se trouvent toutes dans des zones sans conflit d’usage. En 2019, Sainte-Rose a considérablement permis d’accroître les capacités de production d’énergie verte d’Albioma en Guadeloupe.
Enfin, Albioma c’est aussi la géothermie.

Nicolas de Fontenay, directeur général d’Albioma :

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