Troisième nuit, celle du 20 au 21 novembre, qui ne diffère pas des précédentes, malgré l’impression de forces de l’ordre plus nombreuses sur le terrain. Plus nombreuses ou mieux placées. On dénombre trois blessés par arme à feu, une femme de 80 ans, à Pointe-à-Pitre, qui regardait par son balcon et a pris un impact de balle, un sapeur-pompier et un fonctionnaire de police également.
Les barrages, dimanche matin, sont toujours là, toujours plus nombreux, alimentés toute la nuit par des petits groupes, souvent des jeunes riverains, dans une ambiance de fête, avec herbe et alcool.
Au tout début de la nuit, si les réseaux sociaux font état de rassemblement de boosters et d’une ambiance déchaînée — et bon enfant — au carrefour Ignace, avec la présence d’un fourgon de police qui quitte les lieux vers Boissard, ce que les Pointois retiendront de leur nuit, ce sont ces groupes silencieux ou murmurant, qui cherchent des choses à brûler aux carrefours de rues, ou encore ces gamins maigres qui, la capuche enfoncée sur la tête poussent des caddies avec des objets volés.
A Pointe-à-Pitre, toujours, un feu est mis au pied des immeubles en face de la gare maritime. Il alimentera longtemps les fantasmes des internautes. Une voiture qui brûle, un magasin en rez-de-chaussée ?
Des patrouilles de gardes mobiles, de policiers en uniforme, de fonctionnaires de police en civil (la brigade anti-criminalité) s’activent sur tous les fronts. Les interpellations sont nombreuses, les échecs à des tentatives de forcer des magasins tout autant.
Les bandes prennent la fuite dans les rues, agiles face à des militaires ou des policiers plus âgés, plus lourds. Ils ont tôt fait de se retrouver ailleurs, quand ils ne rentrent pas chez eux ou chez un copain, la peur au ventre.
Les sapeurs-pompiers sont au travail toute la nuit. Ils recensent 48 interventions, dont 21 simples, pour éteindre un départ de feu de poubelles, trois fois ils vont se déplacer pour des voitures incendiées, deux à Pointe-à-Pitre (le feu vu en face de la gare maritime) et une aux Abymes, résidence Marius-Cultier.
Deux postes de police municipale vont être ravagés, celui de Morne-à-l’Eau, incendié, celui du Gosier vandalisé (les vandales n’ont pas eu le temps de mettre le feu, une patrouille est arrivée sur les lieux les mettant en fuite).
A Lamentin, l’agence bancaire et le Carrefour Market ont été vandalisés, pillés. Un tractopelle de jardin a été utilisé qui a été abandonné sur place.
Ce matin, le pays est calme. Les barrages sont là*, rendant toujours difficile les déplacements.
Une dame : « Mais pourquoi l’Etat n’enlève pas les barrages ? Il n’y a ûs personne dessus ! »
Sauf que l’entretien des routes, si elles sont nationales ou départementales, c’est Routes de Guadeloupe qui doit venir les nettoyer, et que les petites routes, les rues, ce sont les communes ou les communautés d’agglomération qui doivent les nettoyer.
Cependant, l’Etat prend sa part… les gendarmes ont été filmés nettoyant la route près d’un barrage… Vidéo taquine, en musique. Mais, eux, ils ont fait le job !
Tandis que l’hélicoptère de la gendarmerie survole la Guadeloupe, les Guadeloupéens se dirigent les uns vers l’église pour la messe dominicale, faire une petite prière pour que la Guadeloupe connaisse des jours meilleurs, d’autres vers la boulangerie rejoindre la queue des clients impatients de rentrer chez eux, d’autres encore vers la supérette pour un faire provision d’eau pour les jours à venir.
Le bilan de la Préfecture de Guadeloupe
Pour la troisième nuit consécutive, la Guadeloupe a connu des violences urbaines, regrette le préfet. « Des groupes parfois armés ont tenté de piller et de saccager des commerces dans le centre-ville de Pointe-à-Pitre de Basse-Terre ou à Lamentin en s’opposant systématiquement et avec violence à l’action des forces de sécurité.
Des barrages enflammés ont été dressés pour favoriser ces pillages et interdire l’intervention des services de secours. Une nouvelle fois, les forces de Police et Gendarmerie, mais aussi les sapeurs-pompiers qui intervenaient sur les feux, ont fait l’objet de plusieurs tirs d’armes à feu. Deux membres des forces de sécurité ont été blessés.
Au cours de la nuit écoulée, leur action déterminée a permis de conduire 38 interpellations. Les personnes concernées seront présentées au plus vite aux autorités judiciaires.
L’intention de s’approprier des biens par effraction n’est plus la seule motivation de ces bandes organisées qui recherchent désormais le chaos. Des commerces de première nécessité pour la population, dont quatre pharmacies, ont été fracturées et des voitures de particuliers enflammées.
Il est rappelé à l’ensemble de la population de limiter ses déplacements dans le cadre du couvre-feu instauré. Les multiples barrages installés pour faire échec à la progression des forces de l’ordre sont autant de dangers pour les automobilistes et nuisent à l’intervention des services d’urgence de santé. Ainsi durant la nuit passée, l’hospitalisation d’une fillette en insuffisance respiratoire a été retardée. »
Le préfet de la Guadeloupe « salue le professionnalisme et le courage des femmes et des hommes engagés dans ces actions de sécurisation et de protection des populations, pour faire que l’ordre soit rétabli. »
*La circulation toujours impossible ou difficile
Dans l’agglomération pointoise — mais aussi sur les points stratégiques de la Guadeloupe, occupés depuis quatre jours, les barrages sont bien présents.
La plupart de ceux-ci est hermétique : impossible de passer au pied de Fouillole, ni au rond-point de Perrin aux Abymes, pas plus au rond-point de Montebello à Petit-Bourg. Le barrage de Mare-gaillard, au Gosier, reste occupé par quelques riverains.
Des barrages sporadiques sont toujours présents à Petit-Canal, Port-Louis, Morne-à-l’Eau et Le Moule.
La route nationale à Vieux-Habitants et la départementale à Sapotille Trois-Rivières sont bloquées.
A Sainte-Anne, les ronds-points de Bois-Jalon et Gissac sont venus compléter le maillage des barrages.
Bonne nouvelle : le passage semble possible à Mahault Pointe-Noire, à l’entrée de la route de la Traversée.
Les automobilistes pouvaient passer, en étant patient, à Rivières des Pères Basse-Terre au tout début de la matinée.