Avant de quitter la Guadeloupe et de se rendre en Martinique, Sébastien Lecornu, ministre des Outre-mer, a tenu à faire part à la presse et aux Guadeloupéens d’une synthèse de son séjour. On retiendra qu’il avait donné rendez-vous aux syndicats et qu’avec eux, il n’y a pas eu d’entente sur deux points : la condamnation par ces syndicats de la violence avant toute discussion. Ensuite, le contenu de la plateforme remise au ministre et qui regarde essentiellement les assemblées locales. Donc, échec des négociations, mais pas abandon de l’idée de se retrouver pour parler. Dès lors que les violences auront été condamnées.
On retiendra aussi que le ministre avait donné rendez-vous aux élus. Si les « grands élus » comme il les a qualifiés n’ont pas répondu, seize maires* l’ont fait avec lesquels les échanges, dit-il « ont été fructueux, notamment sur la jeunesse. »
Hommages
Mais, Sébastien Lecornu a tenu, tout au long de son bilan d’étape guadeloupéenne, à rendre hommage, aux familles éprouvées par les exactions, les violences, pillages, incendies, etc. Puis aux forces de l’ordre qui ont subi des assauts d’une violence sans égale.
Ils recevront, cette semaine, rapidement, un soutien de 70 gardes mobiles et de 10 membres du GIGN pour continuer la mission double : mettre fin aux barrages, mettre fin à la violence.
Ensuite il a rendu hommage aux soignants qui sont vaccinés « et qui eux sauvent des vies », aux sapeurs-pompiers qui font leur travail et desquels il aurait aimé parler plus longuement « si les élus du Département étaient venus au rendez-vous. »
Plus tard dans son propos, un hommage appuyé aux pharmaciens qui sont agressés dans leurs officines, aux maires menacés de mort parfois, ceux qui étaient, a-t-il répété, « à cette réunion de travail. »
Un mot pour les élus
Les mots fraternité, soutien, ont été répété souvent.
D’ailleurs même les élus frondeurs (le mot n’est pas de lui) trouveront en Sébastien Lecornu, ministre des Outre-mer, un partenaire pour faire avancer les dossiers.
Et d’ajouter les exemples d’une réelle volonté de faire avancer certains dossiers délicats, celui de l’eau, avec une nouvelle gouvernance « malgré les appels téléphoniques, les courriers d’élus qui voulaient que rien ne change… »
Sébastien Lecornu n’a pas caché que la situation actuelle, avec certaines réactions des élus, permet de crever des abcès, de mettre les uns et les autres devant leurs responsabilités.
Il s’est malicieusement réjoui de savoir — il a regardé leur intervention sur une télévision à la sous-préfecture — que les présidents des collectivités majeures avaient décidé de prendre en main certains dossiers et de manifester l’intention de jouer pleinement leur rôle dans leurs secteurs de compétences.
André-Jean VIDAL
Verbatim
« Lorsque l’on sait que (les premières victimes des blocages) ce sont des enfants qui n’ont pas pu aller à l’école pendant une dizaine de jours, des personnes malades qui sont privées de soins, les personnes qui ont peur pour leur emploi, les commerçants qui se sont vus saccager leur outil de travail. Derrière, il y a des familles qui basculent. Évidemment, l’émotion est palpable, il faut savoir l’entendre et la ressentir. »
DISSOCIER CE QUI SE PASSE LE JOUR DE CE QUI SE PASSE LA NUIT
« ll y a un préalable républicain (aux négociations syndicales) sur lequel on ne peut céder, c’est la condamnation de la violence. Je l’ai dit, j’ai été surpris, c’est le moins que l’on puisse dire, de voir apparaître dans les communications de l’intersyndicale une revendication nouvelle, celle qui consistait à amnistier, à suspendre, interrompre les différentes procédures judiciaires engagées contre celles et ceux qui, la nuit, s’en sont pris violemment aux forces de l’ordre. Pour le dire clairement, ces malfrats se sont dotés d’armes à feu, de pistolets 9 millimètres, pour tenter délibérément d’assassiner des militaires de la gendarmerie ou des policiers. Je pense qu’il faut le dire puisqu’on s’éloigne là dangereusement d’un dialogue social ou d’un dialogue syndical. Je l’ai dit depuis plus d’une semaine, il n’y a pas de point commun entre ce qui se passe la journée et ce qui se passe la nuit. Cela, ce désir d’amnistie, je ne peux l’accepter et d’ailleurs je pense que personne ne saurait comprendre. »
UNE MARTINIQUE EXEMPLAIRE
« La situation n’est en rien comparable puisqu’en Martinique la condamnation des exactions a été immédiate. Et autant par les élus que par l’intersyndicale, ce qui permet, comme vous savez, d’avoir cet accord de méthode qui dénote la volonté de négocier. Ce sont deux situations différentes. En Guadeloupe, c’est à l’intersyndicale qu’il revient désormais de prendre ses responsabilités en revenant derrière la ligne rouge qui pourtant avait été tracée. »
Sur les blessés parmi les forces de l’ordre : « Les policiers blessés que j’ai vus hier soir étaient des policiers guadeloupéens. Lorsqu’on tire, qu’on arrose au 9 millimètres dans les rues de Pointe-à-Pitre, de Baie-Mahault ou des Abymes, c’est un miracle. Imaginez un enfant de 9 ou 10 ans échappant au couvre-feu qui se serait trouvé sur le tracé d’une balle. J’appelle à une prise de conscience collective. Je sais qu’une majorité silencieuse — encore que de moins en moins — veut que cela cesse. Je veux aussi être leur porte-voix. »
LES MAIRES ENGAGÉS SONT VENUS AU RENDEZ-VOUS
« Je veux d’abord remercier les maires qui ont participé à une réunion de travail organisée en début d’après-midi. Ils étaient 16 sur 32, c’est à dire la moitié. Je les remercie d’autant plus qu’un certain nombre avait reçu un message d’annulation qui leur a été envoyé alors que la réunion était bien programmée. Ceux qui étaient là ? Ce sont des maires engagés. Mais ce sont aussi des maires qui ont été menacés et qui ont subi des violences, souvent verbales, si j’ose dire fort heureusement, parfois pas loin de la violence physique. Le préfet de région, Alexandre Rochatte, a reçu instruction du ministre de l’Intérieur et de ma part de procéder à un renforcement de la sécurité des élus de la République sur le territoire tant qu’ils sont pris pour cible par un certain nombre de malfrats. Je veux remercier les maires car ils m’ont permis d’avancer, notamment sur la jeunesse. »
UN MESSAGE POUR CEUX QUI ONT FAIT FAUX BOND
Et, malicieux : « Je voudrai également avoir un message pour celles et ceux qui m’ont fait faux bond. Déjà parce que, parfois, on les connaît bien. Je m’autorise aussi ne pas être surpris par ce faux bond, mais ne vous y trompez pas, les connaissant, ayant lu le compte-rendu de leur déclaration à la presse, j’y vois une prise de conscience salutaire. Il est vrai que j’étais surpris pendant les quelques dix minutes que j’ai vu Monsieur Domota, de l’entendre me demander d’amnistier des personnes qui avaient tenté d’assassiner des policiers et des gendarmes. Non, ils ne vont pas me demander d’abroger une loi de la République ! Puis, très vite, me parlant de l’aménagement du territoire, des transports, des routes, de l’accès à l’eau potable. Au fond de quoi me parlait-il ? Des compétences qui sont dévolues aux collectivités territoriales. Et maintenant, entendre ces grands élus dire qu’ils veulent travailler à des réponses concrètes sur la plateforme de l’intersyndicale, moi je dis que c’est une bonne nouvelle ! Et bien qu’ils m’aient fait défaut, l’État et le gouvernement et leur ministre, le ministre des Outre-mer est là et qu’ils sachent que je serai disponible dans les heures et les jours à venir s’ils veulent reprendre le chemin de la discussion opérationnelle sur un certain nombre de sujets. »
« Nous n’avons pas à rougir, avec Emmanuel Macron et les gouvernements d’Edouard Philippe et Jean Castex, à vouloir commettre ce rattrapage tant attendu de nos concitoyens, notamment sur des thématiques pour l’eau potable. »
CHICHE POUR UN DÉBAT SUR L’AUTONOMIE
« Sur cette prise de conscience des élus locaux, je l’ai suscitée à ma manière. Quelques secondes sur 15 minutes de mon intervention vidéo de vendredi dernier, en disant, chiche pour un débat sur l’autonomie ! En cela mon objectif est rempli. L’objectif de cette prise de conscience que les collectivités territoriales disposent de moyens pour résoudre aussi les crises locales est une bonne chose et ce n’est pas se défausser de notre part puisque l’Etat va être là, y compris s’il le faut, sur le terrain financier. Non, nous n’abandonnerons aucun Guadeloupéen et nous n’abandonnerons aucune collectivité territoriale. »
TORDRE LE COU AUX CARICATURES
Sur la critique d’avoir répondu à la crise par l’envoi de forces de l’ordre, le ministre est catégorique : « Je veux tordre le cou de ces caricatures disant : il y a un problème social et vous répondez par le RAID, le GIGN. Stop, il en est assez de ces caricatures ! Parce quand on se précipite sur un scooter et qu’on s’arrête le long d’une portière d’un véhicule de police et qu’on cherche à vider son chargeur dans la tête d’un fonctionnaire de police ou d’un militaire de la gendarmerie, ça n’a rien à voir avec un sapeur-pompier qui n’est pas content parce qu’il y a des obligations vaccinales, ça n’a rien à voir avec un soignant qui n’est pas d’accord avec l’obligation vaccinale. Donc, pas de caricature et nous continuons. Il fallait ces renforts parce que la situation est tendue et nous sommes lucides et j’appelle à une prise de conscience collective sur la condamnation de ces violences. »
PRÉPARER LA CINQUIÈME VAGUE
« L’autre volet ? C’est évidemment la santé. Nous nous préparons aussi aux Antilles à une cinquième vague, même si je suis frappé de ne voir presque personne, ici, en parler. Or, nul ne peut penser un seul instant que cette cinquième vague épargnerait, demain, les Antilles. Nous devons d’ores et déjà nous en occuper, avec évidemment les élus locaux. Mais aussi bien sûr, avec les centres hospitaliers. J’aimerai lancer un message de remerciement et de fraternité pour l’ensemble des soignants qui sont vaccinés. Je suis frappée de voir qu’on parle beaucoup de celles et ceux qui ont fait le choix de ne pas se vacciner et on finirait par en oublier l’immense majorité, pas loin de 90% d’entre eux qui, eux, sont dans le service public hospitalier. Et pardon de vous le dire avec un sens fort de la formule, qui eux sauvent des vies. Ce sont celles et ceux qui assurent la permanence des soins au CHU de Pointe-à-Pitre. »
LE MONDE ÉCONOMIQUE CONDAMNE LA VIOLENCE
« J’aimerais avoir un dernier mot pour le monde économique. Il a occupé une partie de la journée aussi avec des contacts téléphoniques que je n’avais pas fait figurer à mon agenda. Ils sont aussi au centre de la relance. L’emploi public ne peut pas être là tout le temps. J’ai vu les représentants du monde économique. Je pense avoir su les rassurer. Ils soutiennent les forces de l’ordre, ils condamnent fermement les violences. La société civile s’exprime, c’est une très bonne chose, mais on aura besoin d’eux aussi pour réussir la relance et pardonnez-moi cette expression, la relance de la relance. »
*L’intervention d’Eric Jalton, devant les maires et le ministre :