Guadeloupe. Restaurer la sécurité du quotidien : la mission du préfet Xavier Lefort

Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur, a donné pour mission à chaque préfet de région et de département de remettre, au plus tard le 15 janvier 2025, un document précis, audit de l’insécurité dans son périmètre d’action et les moyens d’y remédier. Le préfet Xavier Lefort a reçu la presse, jeudi 20 février, pour expliquer la démarche et les actions qui seront mises en place.

Xavier Lefort a rendu sa copie en temps et en heure au ministre de l’Intérieur. C’est un document comprenant la synthèse de discussions avec les représentants de la Police nationale, de la Gendarmerie nationale et du Parquet. Pour rencontrer la presse, le préfet de région était accompagné du procureur général de la Guadeloupe, Eric Maurel, du commissaire général de police Vincent Le Borgne, du colonel représentant le général de gendarmerie, commandant du groupement de Guadeloupe, Jean-Pierre Rabasté.

De quoi s’agit-il ? D’un plan départemental de lutte contre l’insécurité et la délinquance appelé Plan d’action départemental de restauration de la sécurité du quotidien.

Xavier Lefort, préfet de région :

« La Guadeloupe est confrontée à une délinquance
plus élevée et plus violente qu’en Hexagone. »

On l’a compris, les données du préfet sont catégoriques : la Guadeloupe sombre dans la violence et la délinquance. Et il faut y remédier, même si ça prendra du temps.

Les chiffres : « La Guadeloupe est confrontée à une délinquance plus élevée et plus violente qu’en Hexagone. Le territoire se situe au deuxième rang des régions françaises s’agissant du taux d’homicides (9,4 pour 100 000 habitants, contre une moyenne hexagonale de 1,3 et une moyenne nationale de 1,5). La Guadeloupe est en outre marquée par l’importance des vols à main armée, et en particulier avec armes à feu. Le taux d’incidence des vols à main armée (VAMA) y est beaucoup plus élevé qu’en hexagone : 122 pour 100 000 habitants contre 13 pour 100 000 habitants au niveau national. Une autre spécificité du territoire réside dans le fait que 85 % de ces VAMA perpétrés avec une arme à feu », indique le préfet.

Xavier Lefort ajoute : « Cette situation est d’autant plus critique que la délinquance augmente depuis plusieurs années. Cette recrudescence concerne tant les atteintes volontaires à l’intégrité physique des personnes (AVIP), qui augmentent de 14 % entre 2023 et 2024, que les atteintes aux biens (AAB), en hausse de 16 % sur la même période. Au sein de cette catégorie, les vols avec armes à feu augmentent encore plus rapidement (+18 % entre 2023 et 2024). »

« C’est, commente-t-il, une délinquance interne à la Guadeloupe en plus d’être externe. Il ne faut pas dire que toute la délinquance vient d’ailleurs. »

« Nous sommes dans une zone
intermédiaire entre Bogota et Miami. »

Mais, le préfet Lefort ne néglige pas des données à retenir : « Nous sommes dans une zone intermédiaire entre Bogota et Miami ». Ce qu’il veut dire c’est que la Guadeloupe (et la Martinique est dans la même zone géographique) à mi-distance des producteurs de cocaïne et des consommateurs. »

Or, la Guadeloupe, c’est une île avec 628 kilomètres de côtes à surveiller, c’est un archipel qui permet de multiples entrées sur le territoire, ce qui facilite l’entrée d’immigration illégale, et pas toujours de braves gens, mais de drogues et d’armes, ce qui crée une délinquance exacerbée, le phénomène des gangs pour garder ou conquérir des territoires et une économie parallèle autour de la vente de stupéfiants.

« De plus, ajoute le préfet , le traitement judiciaire des faits de délinquance reflète le haut niveau de violence sur le territoire. Depuis plusieurs années, la Guadeloupe connaît entre 30 et 40 assassinats ou meurtres par an, qui sont traités devant la cour d’assise. En revanche, l’essentiel des vols à main armée avec arme à feu, ainsi que les viols, sauf circonstances aggravantes —par un ascendant ou en réunion— sont traités en tribunal correction pour ne pas engorger la cour d’assise ou la cour criminelle. »

Eric Maurel, procureur général :

Que faire ? C’est le plan du préfet Xavier Lefort.

Quatre axes de travail : prévenir la délinquance, sécuriser l’archipel, lutter contre la délinquance par des actions ciblées, coopérer avec les Etats voisins.

Pour ce faire, les autorités vont mener des actions contre les armes détenues illégalement, impliquer les élus en tenant régulièrement des CLSPD, mettre en place de la vidéoprotection, soutenir les maires en ce qui concerne les établissements recevant du public. Le préfet a relevé que sur un peu plus de 3 000 bars, restaurants, hôtels, etc. il y en avait 300 en règle avec les obligations légales en matière de sécurité. « Le maire a la possibilité, avec sa police municipale, de constater, une fois, deux fois que l’établissement est ouvert après une certaine heure, parfois jusqu’au matin, la troisième fois il déclenche la procédure de fermeture administrative. » 

De même, les grands événements qui concentrent beaucoup de monde sont des lieux propice à une certaine insécurité. « Nous allons accompagner les acteurs de la sécurité privée pour sécuriser ces lieux. »

La Guadeloupe, archipel
sensible aux entrées illégales

Autre point sensible, le contrôle des points d’entrée sur le territoire. La Guadeloupe est accessible par les airs et par la mer. Un scanner mobile qui est arrivé sur le territoire sera installée au port de Jarry. Il permettra de sonder les conteneurs et voir ce qu’ils contiennent plus rapidement puisqu’ils ne seront pas ouverts comme c’est le cas actuellement.

« Il y a l’aéroport international, il y a les ports de Pointe-à-Pitre et Basse-Terre, mais il convient de faire des contrôles aux arrivées des bateaux des Saintes et de Marie-Galante, des marinas, des plages connues pour être des points d’entrée, y compris en Côte sous-le-Vent qui est un lieu de largage des trafiquants. »

Des opérations d’envergure de contrôle seront effectuées dans les jours et les semaines à venir voire en permanence, type place nette, mais aussi des contrôles des flux sur les routes, avec ouverture des coffres. Un volet renseignement opérationnel (pas détaillé par le préfet et pour cause) est prévu, tout comme la coordination et le traitement des étrangers en situation irrégulière qui seront éloignés ou, s’ils ont commis des délits, à l’issue de leur peine, renvoyés chez eux.

Développer la coopération internationale

La Guadeloupe est dans une zone où la violence est prégnante dans les îles voisines pour de multiples raisons. Violence qui s’exporte et parvient, souvent, aux portes de nos îles qui apparaissent tentantes pour des raisons de niveau de vie et d’espoirs de coups juteux.

A ce propos la coopération internationale, spécialité du procureur général Maurel, est engagée. Un fonctionnaire de police est en poste à l’ambassade de France à Castries (Sainte-Lucie) de même qu’une magistrate. Eric Maurel a rencontré l’ensemble des responsables des ministères de la justice des pays de la zone au cours d’un séminaire provoqué par le procureur de Fort-de-France il y a quelques mois. Il a aussi rencontré le chief justice de la Dominique avec lequel des liens sont noués et qui vont permettre de coopérer efficacement, dit-il, révélant qu’il y aura sans doute une convention signée entre la Dominique et la France, bientôt.

Point positif supplémentaire, des gendarmes spécialisés de Guadeloupe forment des maîtres-chiens dominiquais en ce moment et prochainement des officiers de police « à l’intervention professionnelle. »

« L’intervention professionnelle », ou parfois appelée « intervention élémentaire », est enseignée à tous les gendarmes et s’applique à la gestion de situations ou d’événements rencontrés quotidiennement et donc souvent imprévus.

Côté moyens pour mettre en musique ce plan, il y aura une deuxième brigade nautique de la Gendarmerie nationale, basée à Gourbeyre, qui travaillera en sud Basse-Terre et en Côte sous-le-Vent; la Police nationale va faire l’acquisition d’un bateau; un drône (de grande capacité, huit heures d’autonomie) sera utilisé pour surveiller le canal de la Dominique, le canal des Saintes et les abords de Marie-galante; un radar côtier sera installé pour surveiller l’approche suspecte des côtes, et le RAID (Police nationale) aura aussi son bateau. Tout ceci va se mettre en place cette année.

André-Jean VIDAL
aj.vidal@karibinfo.com

LE PLAN

Le plan d’action départemental de restauration de la sécurité du quotiden du préfet Xavier Lefort s’articule autour de quatre priorités et de 17 actions concrètes :

I – Développer les actions de prévention de la délinquance avec l’ensemble des acteurs du continuum de sécurité
Action n° 1 : poursuivre les actions de prévention prévues par le plan départemental de lutte contre la propagation et l’utilisation illicite des armes qui ont montré leurs effets positifs
Action n°2 : faire des CLSPD une instance partenariale structurante de prévention de la délinquance
Action n°3 : développer l’usage de la vidéoprotection sur l’ensemble du territoire
Action n°4 : appuyer les maires dans l’exercice de leur compétence en matière d’ERP
Action n°5 : mieux impliquer les partenaires dans la sécurisation des grands évènements rassemblant du public

Action n° 6 : accompagner et professionnaliser les acteurs de la sécurité privée en Guadeloupe

II – Renforcer la sécurité périmétrique de l’archipel pour endiguer les flux illicites de stupéfiants et d’armes à l’origine de la violence sur le territoire
Action n° 7 : Renforcer la sécurité et les contrôles sur les principaux points d’entrée maritime
Action n° 8 : renforcer les contrôles sur les points d’entrée aériens

III – Consolider les actions de lutte contre la délinquance en renforçant la présence des force de sécurité intérieure, en menant des opérations ciblées et en s’attaquant aux filières alimentant les trafics
Action n° 9 : renforcer l’efficacité de la présence sur la voie publique des forces de sécurité intérieure
Action n° 10 : développer et optimiser l’action complémentaire des polices municipales dans la lutte contre la délinquance

Action n° 11 : sur le fondement des opérations « place nette », organiser des opérations « coup de filet » à géométrie variable, avec l’appui de la Justice
Action n° 12 : agir sur les filières sous-tendant la délinquance par des actions des FSI et des mesures administratives

Action n° 13 : améliorer la collecte et la valorisation du renseignement opérationnel
Action n° 14 : poursuivre le renforcement de la coordination entre les acteurs dans le traitement de la situation des étrangers ayant commis des faits de délinquance
Action n° 15 : réduire le temps alloué par les FSI à des tâches périphériques au bénéfice d’autres acteurs du territoire

IV – Développer la coopération policière et judiciaire avec les Etats voisins afin de lutter efficacement contre le trafic international de stupéfiants
Action n° 16 : renforcer la coopération au niveau institutionnel entre la France et la Dominique
Action n° 17 : renforcer la coopération policière et judiciaire entre les administrations de la France et des Etats voisins de la zone Caraïbe

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