Continuité territoriale. Deux mots à la mode, prononcés par les uns et les autres, sans réelle concrétisation à ce jour. Les habitants de l’archipel Guadeloupe ont toujours autant de difficultés à se rendre d’une île à une autre. Une réunion s’est tenue à l’Espace régional.
Les élus, qui pourtant affectionnent les séjours à Marie-Galante, aux Saintes ou à la Désirade, se moquent depuis des lustres que les habitants de ces communes rencontrent de grandes difficultés quand ils doivent se rendre en Guadeloupe. Sans doute font-ils les déplacements en avions ou en bateaux privés.
Jeudi 11 janvier, à l’Espace régional, Ary Chalus a pris les choses en mains après un coup de gueule. Il avait réuni les maires des communes concernées : Maryse Etzol, de Grand-Bourg, François Navis, de Saint-Louis, Jean-Claude Maes, de Capesterre de Marie-Galante, Louly Bonbon, maire de Terre-de-Haut, Loïc Tonton, de la Désirade étant en visioconférence. Et aussi les présidents des EPCI Grand Sud Caraïbes, Thierry Lima, et Riviéra du Levant, Cédric Cornet. Enfin, les gérants des compagnes maritimes : Claude et Guy Vala, de Val Ferry, Orick Deravel, de l’Express des Îles, Philippe Saint-Auret, de Comadile, Raout Deher, de la CTM Deher, Georges Daubin, président de la SMT.
Ary Chalus était accompagné de Philippe Dezac, vice-président en charge du transport, et Camille Pelage, vice-président en charge de l’économie bleue, de Teddy Bernadotte, conseiller spécial, Jean-Louis Boucard, directeur général des services, Denis Céleste, directeur général adjoint à l’économie, André Bon, directeur général adjoint Energie, Eau, Transport, Routes et Désenclavement Numérique, Yannick Ruart, directeur du transport.
Ary Chalus, président du Conseil régional :
Si aucune réelle décision n’est ressortie de cette réunion au sommet, il faudra retenir qu’il semble y avoir une réelle volonté — à confirmer — d’avancer.
La Région Guadeloupe, afin de favoriser la mobilité des personnes qui résident dans les îles, aide à l’achat des billets. Sans limitation jusqu’à présent, mais avec une limite à 5 billet chaque mois par carte de résident. Une convention a été signée avec les armateurs pour qu’ils embarquent les porteurs de cartes, à charge pour eux de se faire rembourser du différentiel entre le prix d’un billet tout-venant et d’un billet aidé.
Tout ceci fonctionne bien… avec une fraude massive. « Des gens achètent 100 billets à 10 euros le billet et les revendent le même prix. Et ils se font rembourser par la Région 15 euros. », signalait Maryse Etzol. Ce à quoi Ary Chalus répondait que les armateurs doivent se responsabiliser.
Combien coûte cette aide régionale ? Fort cher : plus de 5 millions d’euros. Pour un peu pus de 12 000 cartes nominales dont les possesseurs se servent entre 3 et 5 fois par mois.
« La Région fait beaucoup pour la continuité territoriale ! », lançait le président Chalus.
Cette continuité territoriale bancale fait deux catégories de mécontents : les habitants des îles qui veulent plus de rotations et les armateurs qui veulent plus de soutien. Les premiers demandent des rotations de mi-journée quand ils sont de Marie-Galante ou de la Désirade. « Les gens partent à 6 heures pour un rendez-vous chez le médecin à 16 heures parce qu’il n’y a pas de bateau à midi. Ensuite, ils ne peuvent pas prendre le bateau de 17 heures et sont contraints de passer la nuit en Guadeloupe ! », expliquait Loïc Bonbon maire de la Désirade.
Les habitants des Saintes qui ont cinq ou six rotations chaque jour veulent des horaires plus élastiques. « Les vedettes partent presqu’à la même heure alors qu’il y a trois armateurs et six bateaux… », plaidait Louly Bonbon, maire de Terre-de-Haut.
Les seconds mécontents, ce sont les armateurs qui arguent qu’ils ne vont pas faire de rotations supplémentaires pour transporter 10 personnes…
« Le gazole a augmenté de 120%. Ce n’est pas supportable ! », expliquait Orick Deravel, directeur général adjoint de l’Express des Îles.
En fait, s’il y a une problématique commune, celle des rotations plus fréquentes, avec une rotation de mi-journée pour la Désirade et Marie-Galante, chaque commune a son petit problème personnel.
La Désirade. Loïc Tonton a expliqué les deux rotations du matin et du soir, qui obligent à rester sur le continent ou à rester sur la Désirade une journée entière. « Le technicien qui vient réparer une machine, il prend le bateau à Saint-François, une heure après il est à la Désirade, il fait sa réparation… et plutôt que de partir en. milieu de journée, il attend 17 heures. Il a perdu une demi-journée. Pareil pour celui qui a rendez-vous chez le médecin à 9 heures. Il attend 16 heures pour rentrer chez lui. » A ceci vient s’ajouter une autre problématique : les sargasses. « Ce n’est pas l’objet de la réunion », rappelait Ary Chalus.
Marie-Galante. Les trois maires ont le même problème : pas de rotation à mi-journée. François Navis, maire de Sant-Louis, a un autre problème : « Il y a un ponton, pourquoi les bateaux ne s’arrêteraient pas à Saint-Louis. Ils gagneraient du temps. » Réponse de l’armateur : « II faudrait payer deux fois les taxes portuaires… »
Maryse Etzol, maire de Grand-Bourg :
Les Saintes. On l’a vu, les rotations sont nombreuses… Presque toutes aux mêmes heures. Il y a une compagnie maritime, KaruFerry, dont le bateau part de Trois-Rivières pour relier d’abord Terre-de-Bas puis Terre-de-Haut. Gilles Lima, président du Groupe STEP, patron de cet armement, a souligné que son souhait était de ne pas concurrencer les autres armateurs, mais d’apporter un nouveau service. Service qui pourrait, apparemment, être étendu à Saint-Louis.
Louly Bonbon, maire de Terre-de-Haut :
Alternative qui semble faire son chemin : des liaisons aériennes pour compenser les rotations impossibles économiquement parlant. « L’avion peut être une solution pour une clientèle qui a les moyens… », lançait Philippe Saint-Auret, patron de Comadile (La Désirade).
Cédric Cornet a proposé un moyen de rentabiliser une rotation supplémentaire sur la Désirade : transporter les déchets de Sinnoval, et des passagers.
« Nous, on te garantit de remplir ton bateau avec les déchets de Sinnoval ! » disait-il, très sérieux.
Revenons à l’avion : Teddy Bernadotte expliquait posément qu’il y a une possibilité de faire les évacuations sanitaires ou de transporter des malades par avion, la Région prenant à sa charge le coût, environ 3 000 euros, à condition que l’Agence régionale de santé (ARS) délivre les documents nécessaires pour ce type d’activité.
Si l’idée d’une rotation de midi semble être en retrait, l’utilisation de l’avion gagne des partisans. Quoi qu’il en soit, dès avril-mars, des contrôles inopinés vont être effectués sur les quais pour surveiller l’utilisation de billets. La fraude éradiquée, des économies vont être faites pour développer l’aérien sur les îles.
Ary Chalus, président de Région :
Le président Chalus a donné jusqu’à fin février pour que les uns et les autres s’accordent, donnent des idées, que celles-ci soient mises en musique.
André-Jean VIDAL
aj.vidal@karibinfo.com