Souvent, une discussion franche et sans langue de bois entre élus — et cette fois-ci le représentant de l’Etat, le préfet Xavier Lefort, invité par le président Ary Chalus — permet de crever l’abcès et d’avancer sur des dossiers sensibles, comme celui du SMGEAG.
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CTAP à l’espace régional du Raizet, convoquée par le président de Région, Ary Chalus, en présence de Maryse Etzol, vice-présidente, remplaçant le président du Conseil départemental empêché, Marie-Luce Penchard, vice-présidente de la Région, Sylvie Gustave Dit Duflo, elle aussi vice-présidente de la Région. Et la présence exceptionnelle du préfet Xavier Lefort, préfet de région Guadeloupe.
De quoi s’agit-il ? La CTAP est la Commission paritaire de l’action publique. Paritaire parce qu’elle réunit les présidents de Région et du Dé
partement. Elle réunit aussi les présidents des EPCI (les communautés d’agglomération ou leurs représentants), les deux présidents du CESER et du CCEE, pour avis. Généralement, sauf si on les questionne, ils écoutent et ne disent rien. Il y a aussi, dans cette pièce pas très grande et vite encombrée de l’Espace régional, aux Abymes, les directeurs de cabinets, secrétaires généraux et autres directeurs de services appelés à donner des informations techniques sur certains dossiers.
Mercredi après-midi, le menu est copieux. L’emploi, avec une présentation des chiffres, des améliorations par le directeur régional, M. Marie-Rose, qui met en avant le bon travail des équipes de France Travail.
On a parlé du SMGEAG
Deuxième dossier posé sur la table et qui va donner lieu à des échanges édifiants, l’eau et le SMGEAG.
Le SMGEAG, c’est le syndicat unique de l’eau souhaité pour rationaliser la distribution de l’eau potable en Guadeloupe et remettre en état les stations d’épuration (4/5 ne fonctionnent pas). Il y avait, auparavant, le SIAEAG, qui regroupait la gestion de l’eau et de l’assainissement de plusieurs communes, et des régies communales. Parfois déléguées à des sociétés spécialisées.
Après le scandale du SIAEAG — une sorte de tonneau à fond percé, dans lequel Etat et collectivités mettaient des sommes folles pour un service pas fait — qui a révélé que l’entretien des réseaux n’avait pas été effectué depuis des décennies, l’Etat, la Région et le Département, qui ne sont pas compétents mais versent des dizaines de millions pour l’eau — ont décidé de créer un Syndicat Mixte de gestion de l’Eau et de l’Assainissement, SMGEAG. Depuis le 1er septembre 2021, le Syndicat a repris l’ensemble des missions du service public de l’eau potable et de l’assainissement collectif et non collectif sur l’ensemble de la Guadeloupe (excepté Marie-Galante).
Un premier président, Jean-Louis Francisque, flanqué d’un directeur général délégué, Marcus Agbekodo, spécialiste du secteur et plein de bonne volonté, ont essuyé les plâtres. Pendant trois ans, ils ont géré tant bien que mal pléthore de salariés (avec deux statuts différents suivant qu’ils venaient des régies communales ou des sociétés chargés de gérer l’eau puisqu’il a fallu réembaucher tout ce petit monde) et relancer les factures d’eau pour des usagers qui avaient pris l’habitude de ne pas payer le service de l’eau… Après avoir pris des coups, été soupçonné de vilaines choses — ce qui est faux à ce stade des connaissances —, M. Francisque a démissionné.
Un deuxième président occupe le fauteuil depuis quelques mois, Ferdy louisy, maire de Goyave, vice-président du Département, élu, on l’a appris hier, malgré l’avis défavorable d’Ary Chalus. Celui-ci l’a dit nettement : « Je ne conteste pas la compétence de Ferdy Louisy, mais je ne voulais pas de maire. » Effectivement, l’expérience Francisque, maire de Trois-Rivières, lui aussi sans doute plein de qualités mais pas celle de gestionnaire de l’eau, a suffi.
Ferdy Louisy a trouvé une situation difficile
Ferdy Louisy a pris la parole pour dire qu’il a trouvé une situation financière et sociale difficile : pas de fonds, sauf ceux accordés par l’Etat, sous condition, par la région et le Département. Et aussi des difficultés sociales, avec un personnel pléthorique pour lequel, car il faut payer régulièrement les salaires, les fonds alloués pour investir dans des travaux sont utilisés pour payer lesdits salaires.
M. Louisy, pour se couvrir ou parce qu’il est expert-comptable de métier, a écrit récemment au préfet pour dire qu’il souhaitait l’ouverture d’une enquête judiciaire et financière sur la gestion précédente…
Le préfet a été invité à donner son expertise de la situation.
Le préfet Xavier Lefort qui avait, il y a quelques mois, bloqué à la demande de l’administration centrale le versement d’une aide de 3 millions parce qu’on refusait de transmettre les bilans et pièces comptables de la structure. Une fois ces documents transmis, le préfet a demandé à la direction régionale des finances publiques de se pencher sur la gestion comptable du SMGEAG pour se rendre compte qu’il y avait deux problèmes dont il subodorait l’existence et qu’il fallait étayer : le recouvrement des factures est à 60%, ce qui ne permet pas de compenser les dépenses… au nombre desquelles les salaires des agents. C’est le deuxième problème.
« Moi, je ne peux pas admettre, a dit le préfet, qu’il y ait des agents qui ne voient les compteurs qu’à partir de vendredi à 14 heures quand ils peuvent être rémunérés en heures supplémentaires ! »
Ferdy Louisy a hoché la tête. Ary Chalus a fait les yeux ronds. Tout le monde sait mais…
Tout le monde, y compris les services administratifs
et les collectivités doit payer ses factures d’eau
Pour ce qui est du recouvrement des factures, chacun a fait son mea culpa.
« Nous devons, vous, moi, l’Etat, les collectivités, a dit le préfet, être vertueux. Les usagers ne peuvent pas comprendre que des administrations, des collectivités ne paient pas les factures d’eau et qu’on se tourne vers eux pour les faire payer. »
Il a demandé aux collectivités présentes, Région, Département, EPCI et, au travers de ceux-ci, les communes, que chacun vérifie ses factures et paie. Il s’est engagé à faire de même pour des services de l’Etat qui seraient en retard pour ces paiements.
« Il faudrait aussi, a dit Ferdy Louisy, qu’on évite des sorties médiatiques contre le SMGEAG. Le maire de Sainte-Rose, dont je ne conteste pas les raisons, a dit qu’il allait faire un procès au SMGEAG parce que les gens n’ont pas eu d’eau pendant quelques jours. Juste après, nous sommes passés de 60% de recouvrement à 40%… »
Seconde épine et de taille dans le pied du SMGEAG, le personnel dont les salaires ponctionnent une grande partie des sommes versées par l’Etat,la Région et le département. Que faire ?
Le plan de départ volontaire fait consensus :
il faut mettre 12 millions rapidement
Marie-Luce Penchard, vice-présidente de la Région, est catégorique (et courageuse, mais nul n’en doute) : « Il faut un plan de départ volontaire car on ne peut plus laisser cette situation perdurer. »
Ary Chalus, le préfet Xavier Lefort, acquièsent. Mais, un plan de départ volontaire, ça a un coût. 12 millions, paraît-il. C’est, du moins, le chiffre lancé sur la table.
« Il vaut peut-être mieux donner 12 millions cette année que d’attendre encore et de verser 3 millions par ci ou 3 millions par là, régulièrement pour payer des salaires et gréver l’investissement », lance encore Mme Penchard. Tout le monde hoche la tête.
« De toutes les façons, commente le préfet, si on ne fait rien il faudra, à ce rythme, trois ou quatre ans pour arriver à une situation d’équilibre et je ne vais pas, enfin l’Etat, ne va pas donner chaque année 20 millions d’euros pour combler le déficit… Un jour ça va s’arrêter. »
Chacun s’accorde à dire qu’il faut assainir, donc faire payer les usagers et dégraisser le mammouth. Si chacun met au pot, ce pourrait être fait cette année… Gageons qu’il n’y aura pas de bousculade pour annoncer cela aux syndicats.
Ferdy Louisy a annoncé le départ prochain du directeur général délégué du SMGEAG, missionné pour redresser la situation et qui, a-t-il tranché, « a échoué. »
M. Louisy va lancer un appel à candidature rapidement.
Pour être complet, M. Adgekobo a, par un courrier qui a circulé, expliqué son départ par le « climat délètère qui règne au SMGEAG ces temps-ci. »
Avec les rumeurs qui circulent, sur une enquête judiciaire et financière et un possible (probable) plan de départ volontaire, on peut comprendre que l’ambiance ne soit pas extraordinaire au SMGEAG, ce qui explique peut-être pourquoi le président Louisy s’adresse aux syndicats par courrier…
Pour la carrière de Deshaies
une solution prochainement
Autre dossier, celui de la carrière de Deshaies, pour lequel le préfet va signer un arrêté de remise en activité bien bordé — « Je n’ai pas envie de me retrouver en prison ! », a-t-il dit — permettant d’exploiter le côté sud de la carrière, les côtés nord et ouest étant interdits d’exploitation. « Il faudra ensuite que le juge qui a décidé de fermer la carrière accepte cette solution. » En attendant, les chantiers, gros ou artisanaux, se débrouillent avec la carrière de Rivière-Sens et des importations de matériaux de Martinique ou de la Dominique.
« L’idéal serait que le propriétaire de la carrière achète les terrains des personnes qui ont été lésées par l’effondrement de la carrière de leur côté… il y a quand même eu une maison qui est tombée au fond de la carrière… le site est fragile… » a esquissé le préfet Lefort.
« Oui, c’est lié aux ouragans, Fiona, avec toute la pluie… Ça a fragilisé le coin… », commente Ary Chalus, qui connaît bien le problème.
Dernier dossier, celui du littoral pour lequel le président Chalus voudrait qu’il puisse être exploité pour créer des activités touristiques… Malheureusement, il y a le passage des tortues marines quand elles vont pondre d’un côté à l’autre de la route bordant les plages… Cette histoire de tortues à l’air de l’agacer… « Il faut faire quelque chose ! », lance-t-il.
« Il y a des solutions », a dit Sylvie Gustave dit Duflo, présidente de l’Office Français de la Biodiversité dont c’est le rôle de protéger ces animaux. L’étude de ce dossier est remis à une prochaine réunion.
On a compris que cette CTAP était essentiellement convoquée pour avancer sur les problèmes du SMGEAG qui ponctionnera, ces trois prochaines années, plus de 200 millions d’euros de fonds publics.
André-Jean VIDAL
aj.vidal@karibinfo.com
ILS ONT DIT
A l’issue de cette réunion, plusieurs élus se sont exprimés.
Maryse Etzol :
Ferdy Louisy :
Xavier Lefort :
Ary Chalus :