C’est la saison : les cours et tribunaux font leur rentrée. Vendredi 24 janvier, c’était le tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre qui recevait les personnalités, dont les avocats, pour ouvrir l’année 2025.
Thierry Pitois-Etienne est président du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre depuis le 21 mai 2024. Il a le recul nécessaire pour faire un bilan de 2024 et engager des projets d’actions pour l’année nouvelle.
Caroline Calbo, procureure de la République à Pointe-à-Pitre, a officiellement pris ses fonctions le 22 septembre 2023.
L’un comme l’autre vont faire le bilan d’une année chargée et dire ce qu’ils souhaitent pour 2025 devant un aréopage prestigieux : la haute hiérarchie judiciaire, le Premier président de la Cour d’appel de Basse-Terre, Michaël Janas, le Procureur général de la Guadeloupe, Eric Maurel, le président de la Chambre régionale des comptes, Pierre Grimaud, le représentant de l’Etat, sous-préfet de l’arrondissement de Pointe-à-Pitre et la Grande-Terre, Jean-François Moniotte, le représentant de la Région, Jean-Claude Nelson, vice-président du Conseil régional, le représentant du Département, Adrien Baron, vice-président du Conseil départemental, Jocelyn Sapotille, président de l’Association des maires, la bâtonnière Marie-Michelle Hildebert et de nombreux avocats, les chefs d’administrations de l’Etat.
Côté uniformes, le général de gendarmerie Christophe Perret, commandant le Groupement de Guadeloupe, venu avec ses colonels, ses chefs de services de recherche et de la police routière, le commissaire divisionnaire, directeur p.i. de la DT Police nationale, Jean-Pierre Frédéric.
Un tribunal judiciaire bien occupé
Thierry Pitois-Etienne a émis le souhait d’une justice plus proche des Guadeloupéens et qui répare. Il a ensuite fait part de mouvements de personnels, qui vont se poursuivre en 2025, avec l’arrivée de 6 magistrats et de 3 fonctionnaires, ce qui fait désormais 30 magistrats au Siège et 10 au Parquet et 110 fonctionnaires et contractuels pour le tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre.
En suivant les explications données, l’observateur comprend que le bâtiment du tribunal, quoique récent, coince un peu aux coutures, tandis que les annexes diverses ont des climatisations défaillantes (mais certaines ont été changées) et le toit qui fuit…
La Cour d’appel est en train de gérer, semble-t-il, ce qui laisse supposer qu’elle a des fonds et que c’est elle qui gère les finances…
Que font les magistrats du Siège dont Thierry Pitois-Etienne est le chef ? Ils rendent des décisions, moins nombreuses en matière pénale en 2024, ce qui ne veut pas dire qu’il y a moins de délinquance, et 20% de plus en matière civile, dont 26% sont terminées.
Comment se fait-il ? Il y a une audience de plus chaque mois en matière civile et la consigne a été donné de ne pas laisser traîner de dossiers.
Les mineurs sont de plus en plus nombreux à venir au tribunal pour répondre de faits divers : 1 753, soit 10% de plus qu’en 2023.
Idem, le contentieux de la Sécurité sociale explose (+95%) avec 1 514 affaires. « Le stock d’affaires à juger, explique le président Pitois-Etienne, a doublé ! »
Le Pôle social du tribunal est en difficulté : il y a une nette dégradation de la situation économique de l’archipel, ce qui se traduit en 2024 par 324 dépôts de bilan, soit une augmentation de 30%. 78% des dossiers de sociétés en difficultés se terminent en liquidation judiciaire. « D’où l’importance de la prévention. Ce doit être la priorité. Dès qu’il y a un problème, il faut tout de suite le traiter avant qu’il soit trop tard. »
Les requêtes en injonction de payer aussi augmentent : plus de 2 000 en 2024.
Le vieillissement de la population entraîne de même des procédures supplémentaires. Il y a 4 500 procédures de mise sous tutelle qui sont en stock…
Quelles sont les perspectives pour 2025 de ce tribunal judiciaire qui travaille mais commence à peiner pour traiter tout ce qu’on dépose à sa porte ?
Le président Thierry Pitois-Etienne es un jeune président, qui a déjà été en poste en Guadeloupe, et qui a une farouche volonté de rendre la justice dans la cité. Il s’est loué de l’ambiance de travail harmonieuse et souhaite ouvrir encore plus les portes de la justice dans son ressort. Améliorer les services aux usagers et travailler dans de bonnes conditions. Quantité et qualité.
Suivant en cela les directives déjà données par le Premier président de la Cour d’appel de Basse-Terre Michaël Janas et le Procureur général Eric Maurel lors que l’audience solennelle de rentrée, il y a une semaine, Thierry Pitois-Etienne va constituer une commission pour parler justice, avec des élus, des administrateurs, des citoyens qui vont permettre d’avancer sur le dossier justice dans la cité par et pour les justiciables.
Thierry Pitois-Etienne :
Se rapprocher de justiciables
Caroline Calbo, procureure de Pointe-à-Pitre, a poursuivi dans la même veine déterminée : elle a rendu compte de ses actions, qui impliquent la société dont les élus puisqu’elle a participé à 15 Conseils Locaux et Conseils Intercommunaux de Sécurité et de Prévention de la Délinquance (CLSPD / CISPD) ce qui lui a permis d’échanger avec des élus, notamment, et de se rendre compte au pus près de la population des difficultés.
Se rapprocher des justiciables, ce sont aussi des audiences foraines, pour des petits délits, 435 décisions en 2024, à Gfand-Bourg de Marie-Galante, Petit-Bourg, Les Abymes, Lamentin, Sainte-Rose.
Un bureau de la prévention, au tribunal de commerce a pour r^le de préserver autant que faire se peut les emplois en prenant les dossiers le plus vite possible après la défaillance. 29 procédures collectives ont été traitées en 2024.
La remise à jour du Registre du commerce et des sociétés est passé par l’envoi de 13 000 courriers incitant à se déclarer. Ceux qui ne l’ont pas fait ont été radiés et ont dû faire des démarches (payantes) pour être réinscrits.
Autre dossier de poids, la prévention des faits délictueux en entreprises. Une session a eu lieu tout récemment avec les commissaires aux comptes pour leur rappeler qu’ils doivent dénoncer leur client s’ils suspectent une fraude.
Caroline Calbo s’est réjouie d’annoncer que la justice abonde les comptes de la Nation : 3,5 millions d’euros ont été saisis aux délinquants. Une récente vente aux enchères de matériels saisis a rapporté 300 000 euros. Une partie de ces fonds a été redistribuée pour faire des travaux dans les tribunaux.
La procureur a salué le bon travail des officiers de police judiciaires, qu’ils soient gendarmes ou fonctionnaires de police.
25 000 procédures sont en cours, dans les brigades et les commissariats, dans les cabinets d’instruction. Les stocks augmente, signale-t-elle, faut de personnels supplémentaires et de moyens.
Côté chiffres, la délinquance augmente, avec beaucoup plus de mineurs, les armes sont exhibés de manière décomplexée et elles tuent, il y a plus de meurtres, de vols avec armes, d’accidents de la route (54 morts en 2024).
Cette accidentologie est essentiellement liée à l’alcoolisme, à l’usage de drogues, aux comportements irréfléchis.
Gros problème aussi, celui du narcotrafic, avec l’interpellation de 48 « mules » à l’aéroport. Elles étaient chargées à la cocaïne.
« La lutte contre les addictions devrait être une grande cause nationale », a martelé la procureur Caroline Calbo.
Le parquet a connu 23 000 plaintes et procès-verbaux en 2024, qui ne sont pas toutes jugées : certaines sont classées sans suite, d’autres font l’objet d’un traitement simplifié. 35% passent devant le tribunal correctionnel, 12% en comparution immédiate.
La situation carcérale a été évoquée : il y a en ce moment 135 détenus qui dorment sur des matelas posés sur le sol de leur cellule surchargée.
Le final était réservé aux avocats, notamment pour le bâtonnier Troupé et la bâtonnière Hildebert avec lesquels il semble que ce soit un bonheur de travailler à faire avancer la justice.
Caroline Calbo :