Guadeloupe. Le procureur Sicot s’explique sur sa demande de non-lieu dans l’affaire Jean-Pierre

Le 5 février, le procureur de la République à Basse-Terre a requis un non-lieu dans l’affaire Claude Jean-Pierre. Cet homme, 67 ans, grand-père, est décédé au CHUG quelques jours après un contrôle de gendarmerie mobile à Deshaies en 2020.

Une information judiciaire avait été ouverte pour homicide involontaire.

Et depuis 2020, sous la houlette d’un juge d’instruction, le dossier suivait mollement son cours, entre analyse de la bande vidéo d’une caméra de surveillance de la mairie qui avait enregistré l’interpellation, audition des deux gendarmes, prises de position d’organisations nationalistes, d’avocats, d’élus nationaux ou locaux.

A plusieurs reprises, des marches se sont déroulées à Deshaies pour protester contre une potentielle impunité dont bénéficieraient les forces de l’ordre quand elles commettent ce que l’on considère comme des bavures.

Depuis ce réquisitoire, les actions de soutien de la part de sa famille, de personnalités politiques et aussi d’anonymes se multiplient sur les réseaux sociaux. Tous demandent la tenue d’un procès. Le ton monte, on parle de racisme institutionnalisé, la représentation nationale est interpellée à l’Assemblée nationale et au Sénat…

Xavier Sicot, procureur de la République à Basse-Terre, a diffusé mercredi 8 mars 2023 à la presse un communiqué dans lequel il explique le non-lieu requis. Ce qui n’a pas modifié les prises de positions des une ou des autres. Le dossier a trop tardé à être instruit…

« Pour faire suite au réquisitoire définitif aux fins de non-lieu rendu le 5 février 2023 par le parquet de
Basse-Terre dans le cadre de l’information judiciaire ouverte contre X le 10 décembre 2020 du chef
d’homicide involontaire suite au décès survenu le 3 décembre 2020 de Monsieur Claude Jean-Pierre, réquisitoire porté valablement à la connaissance des parties civiles constituées, il
apparaît nécessaire d’apporter un éclairage sur le contenu de ce réquisitoire.
Il convient de rappeler qu’aux termes de l’article 105 du code de procédure pénale, une mise en
examen exige l’existence d’indices graves et concordants.
Or il convient de remarquer que le juge d’instruction ayant eu à connaître de cette information n’a
jamais procédé à la mise en examen des deux gendarmes intervenus lors du contrôle police route
du 21 novembre 2020 opéré à Deshaies. En effet, il a considéré qu’au regard des éléments
figurants à la procédure, y compris l’exploitation ultérieure de l’intégralité de la vidéo protection de
la ville de Deshaies, il n’existait pas d’indices graves et concordants permettant cette mise en
examen en application de l’article 80-1 du code de procédure pénale, que cela soit au stade de
l’interrogatoire de première comparution ou bien après le retour de l’ensemble des investigations
sollicitées. Dès lors, conformément aux dispositions de l’article 116 du code de procédure pénale,
faute pour le magistrat instructeur d’avoir procédé à la mise en examen des deux militaires, ce
dernier était tenu de les placer sous le statut de témoins assistés.
Ledit statut empêche en droit d’envisager toutes réquisitions aux fins de renvoi devant une
juridiction.
Le réquisitoire définitif pris par le parquet de Basse-Terre s’avère donc une analyse juridique faite
au regard de l’ensemble des éléments présents dans la procédure et des règles de droit
applicables en matière pénale.
S’ il est compréhensible que le décès d’un proche dans de telles conditions puisse interroger et
émouvoir, il n’en demeure pas moins que l’information judiciaire menée par un juge indépendant a
cherché à faire toute la lumière sur les raisons de ce décès. Après les nombreux actes réalisés, le
parquet de Basse-Terre a conclu en droit que ce décès ne pouvait pas être imputé sur un plan
pénal aux deux gendarmes intervenus sur ce contrôle.
Il appartient désormais au magistrat instructeur de se prononcer sur les suites à donner à cette
information, en prenant en compte notamment les observations juridiques que pourraient formuler
les parties civiles suite à ce réquisitoire. »

La balle, en fait, est dans le camp des avocats des parties civiles. S’ils ont des arguments juridiques, ils peuvent tenter de convaincre le magistrat instructeur. Si c’est la rue qui leur sert de code de procédure pénale… ils risquent d’être déçus et leurs clients encore plus.

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