Guadeloupe. Justice : pas de complaisance pour Bwana qui recevra des soins et rien d’autre

Bwana recevra des soins, mais il ne sera pas remis en liberté provisoire ni ne percevra des indemnités de l’Etat. Me Gladys Démocrite, du Barreau de la Guadeloupe, avait déposé un référé liberté qui a été partiellement retoqué par le tribunal administratif de Basse-Terre, vendredi 25 mars. 

De quoi s’agit-il ? Le 17 janvier 2022, 7 personnes ont été interpellées dans le cadre des émeutes urbaines liées à la crise sociale, de novembre à janvier 2021. Interpellés parmi une centaine d’autres, ceux-ci condamnés pour avoir érigé des barrages, avoir mis le feu de ci de là, avoir lancé des objets contondants sur les forces de l’ordre, résisté à des consignes de dégager les lieux, avoir aussi un peu pillé quelques commerces. Du moins, c’est ce que disent les enquêteurs et la justice a sévi. Parfois, elle a renvoyé les personnes chez elles parce qu’il n’y avait pas assez de preuves. De tous ces procès, un seul a donné lieu à un appel. Les autres ont sombré dans les oubliettes judiciaire de l’histoire locale. 

Les 7 personnes interpellées en janvier 2022 ont un profil différent, selon les enquêteurs et les propos tenus en conférence de presse par le procureur Patrick Desjardins, procureur de Pointe-à-Pitre. Propos confirmés plus tard lors d’une deuxième conférence de presse. Depuis, le procureur —qui a dit qu’il ne connaissait pas dans ce dossier de Grands frères mais des criminels — a confié le soin de mener la suite de l’affaire à ses collègues de Fort-de-France et ne parle plus de ceci. 

Pourquoi ces personnes bénéficient-elles d’un traitement particulier ? Elles sont présumées avoir profité de la crise sociale et des émeutes pour organiser avec intelligence et esprit d’initiative les conséquences de celles-ci. Pour eux, bien sûr, pour leur bénéfice.

Prenant contact avec certaines bandes de « jeunes » de Baie-Mahault, Grand-Camp, Pointe-à-Pitre, deux ou trois personnes (qui avaient des contacts au plus haut niveau de la classe politique locale), dont un fonctionnaire de police, avaient organisé — selon les enquêteurs —  les choses ainsi : les « jeunes » des bandes attiraient les forces de l’ordre en mettant le feu à des barrages, en incendiant des poubelles, en s’agitant loin des centres économiques… tandis que d’autres pillaient les magasins : bijouteries, marchands de vêtements, commerces d’électronique, marchands de portables et autres objets connectés. Une armurerie en passant. L’antenne des douanes de Pointe-à-Pitre aussi, paraît-il, y dérobant des armes de gros calibre… et certaines à répétition. Des objets dangereux qui ne sont toujours pas retrouvés…

Tandis que celui que les enquêteurs considèrent comme un maillon essentiel de cette belle organisation, le fonctionnaire de police, paradait devant les télévisions en vantant ses qualités de médiateur avec les « Grands frères », jeunes gens qui ont un ascendant naturel sur les bandes de jeunes et disent leur éviter de « faire des conneries », les enquêteurs se posaient des questions, notamment celle-ci : comment les « jeunes » sont-ils si bien informés des patrouilles des forces de l’ordre ? 

Additionnant Alpha plus Béta, ils en déduisaient bien des choses, mettaient quelques téléphones sur écoute, se régalaient en écoutant les conversations… et interpellaient 7 personnes. Dont le fonctionnaire de police médiatique devenu depuis mutique. 

D’autant plus silencieux que quelqu’un a sans doute parlé, affirmant que la bande avait rançonné des commerçants, des patrons de groupes économiques, leur affirmant que moyennant de grosses sommes au black remises de la main à la main, leurs entreprises ne risquaient pas de finir en fumée ou d’être vandalisées… Ils auraient, de même, contacté des élus en leur proposant de verser des subventions à des associations bidons montées pour l’occasion. Si non e vero… c’est bien trouvé !

Se disant victimes d’un complot politique, les 7 accusés ont fait, par l’intermédiaire de leurs avocats qui plaident eux aussi — et encore plus fort, jusque dans la rue et lors de meetings devant le palais de justice où ils accusent les magistrats de turpitudes diverses — le complot politique, un recours en annulation du dossier.

La chambre de l’instruction de la cour d’appel de Basse-Terre a rejeté ce recours, vendredi 4 février. Au motif que le dossier est solide, que les personnes en question font bien partie d’une association de malfaiteurs en bande organisée.

Comme les autres personnes du dossier, « Bwana », qui s’appelle en réalité Frédéric Dumesnil, a été placé en détention aux alentours du 20 janvier.

Détention provisoire qu’il passe dans un service particulier de la centrale pénitentiaire de Baie-Mahault : le service médico-psychologique régional (SMPR). 

Il y est placé à l’isolement. Son conseil, Me Gladys Démocrite, ne comprend pas ce qu’il fait là. Il n’est ni malade psychologiquement ni physiquement. 

D’où le référé liberté pour obtenir d’abord le dossier médical de Bwana, ensuite qu’il perçoive, après condamnation de l’Etat pour cet isolement injustifié, la somme de 3 000 euros, enfin qu’il puisse rentrer chez lui, vaquer à ses occupations habituelles. 

Le juge des référés a tranché, vendredi matin. Il a enjoint le directeur du centre pénitentiaire de permettre, sans délai, au prévenu emprisonné —et qui le restera — l’accès aux soins et aux rendez-vous médicaux. Rien d’autre.

André-Jean VIDAL

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