Ary Chalus a lancé le concept d’économie bleue. Elle est aujourd’hui portée par un des vice-présidents, Camille Pelage. Le Marie-Galantais connait bien son sujet.
Camille Pelage, président de la Commission Economie Bleue de la Région :
La Région, tête de ligne du développement économique de l’archipel, a mis les grands moyens pour soutenir l’économie bleue : elle accompagne l’activité de pêche marine.
Une nouvelle flotte de pêche soutenue à hauteur de 60% par la Région, l’aide à l’assurance, à la formation, soutien pour réaliser des bilans comptables (les patrons-pêcheurs sont des chefs d’entreprises), les aides aux chantiers de construction et de réparation navale.
« Nous avons réussi le pari de l’acculturation aux choses marines des personnels de la Région », souligne Camille Pelage, accompagné de Jessica Julan, directrice de l’Economie Bleue.
« Nous devons travailler ensemble. Déjà, nous avons le Mercato chaque trimestre pour mettre les problèmes sur la table, trouver des solutions. Nous nous dirigeons vers une autre instance, de rencontre, de concertation, le Parlement de la mer. »
Charly Vincent, président du Comité régional des pêches, est cash. « Merci l’agriculture ! », lance-t-il, tandis que les derniers auditeurs de l’atelier souveraineté alimentaire quittent l’amphithéâtre du MACTe. « Merci d’avoir pollué 20% de l’espace côtier de la Guadeloupe avec le chlordécone. »
Quand Charly Vincent ne tourne pas les agriculteurs en dérision, il est passionnant et connaît son sujet pêche sur le bout des doigts.
Charly Vincent :
Le secteur de la pêche mobilisait 500 navires, en Guadeloupe, en 2021 ; le secteur a perdu plus de 300 bateaux et 850 pêcheurs embarqués, en l’espace de 13 ans. Il ne reste plus que 530 navires inscrits.
On construisait 60 bateaux chaque année au début des années 2000, seulement une douzaine sort des chantiers navals aujourd’hui. Des bateaux professionne plus longs, plus puissants, plus rentables mais aussi beaucoup plus chers qu’il y a 20 ans.
En 2022, un navire coûtait en moyenne 90 000€ hors véhicule de tractage, hors remorque et hors engins de pêche ; ce coût a presque doublé en 5 ans pour des bateaux qui ne font plus 7 mètres mais 8,60 mètres.
Comment le patron-pêcheur finance-t-il son nouveau bateau ? Par un apport de fonds propres, à hauteur de 60%, des apports extérieurs (parts vendues à des connaissances), pour 15%, des aides diverses, surtout régionales, à hauteur de 7% (ne pas oublier la défiscalisation). Le reste ce sont des emprunts, difficiles à obtenir de banques rétives.
Quelle pêche assure la rentabilité d’une activité de pêche ? La pêche pélagique, riche en ressource. La pêche côtière est lourdement impactée par la présence de chlordécone (20 à 25% de la côte en Basse-Terre, de Petit-Bourg à Trois-Rivières.
« La ressource pélagique n’est pas toujours là, parce qu’il y a des changements de courants, des changements liés aussi au climat. »
Les marins-pêcheurs sont tout comme leurs collègues du monde agricole d’une moyenne d’âge de 40 ans et 50 pour les patrons-pêcheurs. Se posera rapidement le problème du renouvellement des générations.
Enfin, Charly Vincent met sur la table une évidence : il y a cinq grands pôles de pêche marine : La Désirade (le plus grand nombre de marins-pêcheurs), Saint-François, le Nord Grande-Terre, le Nord Basse-Terre et le centre. Là, il faut miser pour développer, équiper ces zones. « Et, ajoute-t-il, direct : les ports pas utiles, il faut en finir, pas besoin de gaspiller des fonds publics. Chaque commune n’a pas besoin d’un port. »
Charly Vincent regrette qu’il n’y ait pas de réelle politique publique pour l’économie bleue : « Le département a la propriété des ports et la Région les fonds pour financer. Nos élus ne sont pas conscients de leur responsabilité en matière économique. »
Il appelle à une union, « sinon, avec la nouvelle législation, nous sommes morts. »
Il accuse les retards structurels, les manques d’équipements pour les marins-pêcheurs obligés — « heureusement que les privés sont là » – de se ravitailler dans les marinas quand ils veulent faire de l’essence.
Autres intervenants, M. Weber, directeur de la Mer, qui a rappelé les missions de l’Etat en mer, Marie-Laure Ciprin, présidente du Cluster maritime, qui a appelé à se mettre ensemble pour concilier économie maritime et environnement.
Et puis Marie-Luce Penchard, vice-présidente de la Région, présidente du Conseil de surveillance du Grand Port maritime de la Guadeloupe (GPMG).
Marie-Luce Penchard :
Le GPMG voué aux Gémonies parce que les activités nautiques pratiquées avec des navires de plusieurs centaines de mètres de long, porte-conteneurs ou paquebots, dans un espace restreint, la zone portuaire de Pointe-à-à-Pitre, ça laisse des traces. Et pourtant, non.
« Quand je suis arrivée au Grand Port, dit-elle, j’ai été étonnée de voir que, depuis 2009, les dirigeants avaient pris en compte l’environnement et fait en sorte d’éviter de polluer l’environnement. »
Plusieurs plans ont été mis en place pour que les activités maritimes impactent le moins possible l’environnement. Pourtant, le GPMG traite 3,5 millions de tonnes de marchandises chaque année. Mais, son rôle économique est essentiel : il approvisionne la Guadeloupe en marchandises diverses, produits alimentaires, biens de consommation, fait travailler 120 entreprises, 2 800 personnes.
Et le GPMG multiplie, depuis plus de 15 ans, les actions de protection de la biodiversité.
Mais, rappelle Mme Penchard : « Les bateaux qui viennent en Guadeloupe sont pour la plupart équipés pour être propres à quai. Ils ont les équipements qu’il faut pour passer du thermique à l’électrique. Mais, sommes-nous prêts quand on sait qu’un paquebot à quai consomme autant d’énergie électrique qu’une ville comme Pointe-à-Pitre ? »
Marie-Luce Penchard a mis en avant la politique de la Région Guadeloupe qui veut que l’énergie soit 100% renouvelable en 2030.
Ce vendredi, dernière journée de cette manifestation qui marquera l’année.