Guadeloupe. Politique : Josette Borel-Lincertin claque la porte du Parti socialiste

C’est le moment de régler les comptes, semble-t-il, avec des camarades pas réellement corporate… si l’on en croit sa lettre de démission.

« Je quitte le parti. » Cette petite phrase, prononcée en privé juste avant la plénière de la Région, les yeux baissés, les mains croisés dans son giron en dit beaucoup. Pour Josette Borel-Lincertin, c’est le temps de la retraite politique après un parcours brillant de 17 ans.

Josette Borel-Lincertin a été, ces dernières années, l’un des piliers les plus solides de la Fédération guadeloupéenne du Parti socialiste. Après le dur combat mené il y a quelques mois pour conserver son siège de conseiller départemental tout en menant la liste socialiste aux Régionales, elle s’est épuisée. D’autant que le PS n’a pas fait un bon score aux régionales et que la charmante Josette a perdu son siège de conseiller départemental.

Depuis 2004, un joli
parcours politique

Socialiste encartée au parti en 2004, elle entame une belle carrière politique aux côtés de Victorin Lurel qui a compris que cette femme intelligente, hardie, libre de toute contrainte professionnelle (elle venait de prendre sa retraite) pouvait lui apporter un joli réservoir de suffrages tant aux Abymes, où elle habite qu’à Marie-Galante dont elle est originaire et aussi à Basse-Terre où elle a été proviseur au lycée Gerville-Réache.

La liste Lurel est élue à la Région en 2004. Décidément une belle année pour Josette Borel-Lincertin qui devient première vice-présidente de la Région Guadeloupe. Lors de la réélection de 2010, elle conserve cette fonction. Entretemps, elle a conforté sa position politique en devenant première adjointe d’Eric jalon à la mairie des Abymes.

Le 10 juillet 2012, Victorin Lurel, qui vient d’être appelé à Paris, ministre des Outre-mer de François Hollande, président de la République, lui cède la place. Le 3 août, Josette Borel-Lincertin devient présidente du Conseil régional.

Une grand-mère
charmante et déterminée

Deux ans plus tard, Victorin Lurel rentre au pays. Il ne sera pas une seconde fois ministre dans le nouveau gouvernement de Manuel Valls qui ne l’apprécie pas trop. De plus, l’éloignement a isolé Victorin Lurel de la Guadeloupe où les régionales approchent à grands pas.

Mais, Josette Borel-Lincertin a pris goût aux ors de la République, même s’ils se trouvent à Basse-Terre. Elle rend son fauteuil de présidente de Région à Victorin Lurel qui était impatient de le retrouver.

Un an plus tard, elle est élue conseillère départementale puis présidente du Conseil départemental. A ce poste elle a un fidèle de Victorin Lurel pour la cornaquer, Olivier Nicolas, directeur de cabinet de l’un pendant deux mandatures qui reste à la même fonction essentielle pendant une mandature au conseil départemental.

A ce poste aussi, Josette Borel-Lincertin va donner toute la mesure de sa capacité politique. Elle gère une machine sociale complexe mais essentielle. Pour l’accompagner, elle a l’ancienne équipe en ce qu’elle a de meilleur et de nouvelles têtes apparaissent soigneusement choisies. Des techniciens pour une administration qui tourne rondement.

Josette Borel-Lincertin, de prime abord, est une femme charmante, une grand-mère attentive. Mais, derrière cette façade de bonhommie se cache un volcan. Essayez de la tromper ou de la contrarier quand elle sait qu’elle a raison… A plusieurs reprises, la présidente du Département va prendre sa plume (trempée dans l’acide) pour dire leur fait à certaines personnalités politiques.

D’abord à Ary Chalus pour des questions financières — la Région perçoit certaines taxes dont elle doit rétrocéder une partie au Département : ainsi le Fonds d’Investissement Routier et des Transports (FIRT) est réparti entre la Région, le Département, les Etablissements Publics de Coopération Intercommunale (EPCI) de plus de 50 000 habitants et les communes.

Mais elle écrira aussi aux Premiers ministres sur les moyens de compensation financière donnés par l’Etat dans des domaines où ce dernier s’est débarrassé de certaines compétences sur le Département (le dossier RSA entre autres).

Avec les ministres des Outre-mer, c’est beau fixe. Sauf qu’il ne faut pas mésestimer ses capacités de réaction. Quand elle est en tête à tête, elle dit les choses…

Deux élections en
même temps, c’est trop

En 2017, Josette Borel-Lincertin qui en rêve, se présente aux sénatoriales. Mais, elle est quatrième sur la liste socialiste. Deux sont élus, Victorin Lurel bien sûr, et Victoire Jasmin, qui a de l’allant (elle est ancienne syndicaliste et n’a pas froid aux yeux : elle fera le job).

Josette Borel-Lincertin finit son mandat de conseillère départementale en 2021. la suite est connue : à courir deux lièvres… Mais il faut dire que le PS, depuis François Hollande, n’est plus ce qu’il était.

« Pendant les élections, on a dit que j’étais trop vieille. Je ne me reconnais plus dans ce parti. Tout ce qui se passe… » Elle n’en dira pas plus.

Son courrier aux instances fédérales, qui circule sur les réseaux sociaux, expriment son amertume et dénonce les coups fourrés dont elle a été victime de la part de certains camarades pas très corporate durant la campagne et ces derniers temps encore…

Ah, si. Pendant cette même plénière (voir plus haut) Josette Borel-Lincertin a demandé la parole au président Ary Chalus et a prononcé un petit discours, pour appeler les élus à méditer sur l’abstention, « abstention qui est de la responsabilité des élus », a-t-elle dit.

Elle les a donc appelés ne pas négliger les Guadeloupéens, à se comporter bien, à être pédagogues, à faire une politique pour les Guadeloupéens. « La politique, a-t-elle rappelé, est l’incarnation des aspirations des Guadeloupéens. »

« L’abstention, a-t-elle prévenu, est une forme d’expression quand elle est appliquée en toute conscience. » A méditer.

André-Jean VIDAL

Un courrier entre accusations et tristesse

Le courrier qui a été expédié par Josette Borel-Lincertin aux instances fédérales n’est pas publiable en l’état. Josette Borel-Lincertin y dénonce des comportement réels ou supposés de personnes bien précises.

« J’ai mis de l’affectif donc de la loyauté dans ma vie politique et j’en suis fière. Mais, c’était oublier la férocité et la fourberie de certains qui ont perdu le sens de la parole donnée… »

C’est le ton général.

En fait, il semblerait qu’après lui avoir promis une somme pour les régionales, afin qu’elle puisse mener campagne, la Fédération lui ait laissé les dettes à éponger… toute seule. Si non è vèro…

De même, elle ne comprend pas l’attitude de certains camarades qui, accuse-t-elle, ne l’auraient pas soutenue au moment de la campagne des régionales (ne parlons pas de la campagne des « cantonales »).

Elle signale le comportement d’un autre camarade — et non des moindres — qui, au lendemain de la défaite, a parlé d’erreur de casting… Et Josette Borel-Lincertin de regretter qu’il ait été sur sa liste après qu’il se soit illustré sur les réseaux sociaux quelques semaines auparavant. « Quelle grossière erreur de ma part ! »

Et elle conclut : « Mes chers camarades, je pense avoir servi le Parti avec loyauté et humilité et avoir contribué à son rayonnement. Mais, au vu de la fourberie et du mépris affichés à mon endroit, vous comprendrez donc que je n’ai pas d’autre alternative que de démissionner du Parti…

Je tenais à vois dire non pas ma vérité, mais la vérité car les valeurs du socialisme ont été traînées dans la boue et cela est lamentable et m’est particulièrement insupportable. »

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