Guadeloupe. Interview. « Les jeunes se sentent d’abord Guadeloupéens et Caribéens avant de se sentir Français »

Présidente de la Commission Génération numérique, Nouvelle économie, Internationalisation du CESER, Laurence Maquiaba a commenté une étude de Qualistat portant sur la jeunesse guadeloupéenne. cette étude a été présentée dans le magazine L’hebdo Antilles-Guyane n°149*.

Vice-président du CESER, vous avez commandé une Étude sur l’engagement et la participation citoyenne et politique des jeunes guadeloupéens. Pourquoi ?

La commission n°5 du CESER que je préside s’intéresse aux questions concernant la génération numérique, les nouvelles économies et l’internationalisation. Avec les membres de la commission et le Président du CESER, Christophe Wachter, nous avons choisi de nous pencher sur la réalité des jeunes guadeloupéens. Génération numérique désigne tout ceux qui sont nés avec les usages numériques, ces digitales natives utilisent naturellement les usages numériques de façon intensive. Cependant, ils sont peu audibles dans le débat public en Guadeloupe alors que les politiques publiques décidées aujourd’hui s’appliqueront à eux dans quelques années. Il nous important de comprendre pourquoi ils ne participent pas d’eux-mêmes aux débats et surtout, si les institutions usent de moyens suffisamment efficaces pour les entendre.

Pour mener à bien cette mission, nous avons mis en place un comité de pilotage avec des associations représentant les jeunes engagés sur divers sujets (dans les quartiers, réinsertion, emploi, médias etc.), les représentants des étudiants, des éducateurs qui travaillent avec eux, les centres sociaux ainsi que des institutions le PAJ (Région Guadeloupe), la DJSCS, par exemple.

Les échanges ont duré plusieurs mois. Le comité de pilotage a choisi les thématiques qui ont été évoquées lors d’une journée de consultations dans l’hémicycle de la Région. Pour étayer, cette consultation le cabinet Maragnès et le Qualistat ont réalisé une étude qualitative et quantitative en interrogant près de 300 jeunes guadeloupéens. Ces travaux ont permis aux membres du CESER de porter des préconisations qui ont été présentées aux élus au mois de décembre.

« Les préconisations portées par le CESER
s’adressent aux responsables politiques et institutions. »

De quels jeunes s’agit-il ? De ceux qui vont en classe, se dirigent vers des études supérieures ou de ceux qui sont en marge, hors de tout système ?

Nous avons choisi d’interroger des jeunes entre 16 et 30 ans venant d’horizons différents. Certains sont étudiants, d’autres chômeurs, créateurs d’entreprise, doctorants. Nous avons tenté de tenir compte de toute la diversité de la jeunesse guadeloupéenne et des disparités géographique.

Ce qu’il en ressort c’est qu’ils ne sentent pas suffisamment légitimes pour participer aux actions publiques. Ils ont peu confiance dans les représentants politiques et ils ont la sensation que leur parole n’est pas légitime. Les préconisations portées par le CESER s’adressent aux responsables politiques et d’institutions afin qu’ils prennent en compte cette parole. Être un citoyen ce n’est pas seulement voter, c’est aussi participer aux concertations, s’engager dans une association. Les mobilisations de Novembre 2021 ont montré au delà des barrages que les diverses « Républiques » ont porté les revendications, les doléances exprimées par une jeunesse qui n’est pas déconnectée de son pays.

Les jeunes ne votent pas, mais ils ne sont pas les seuls… Outre-mer ! A-t-on Outre-mer et singulièrement en Guadeloupe le sens civique ?

L’étude réalisée par Qualistat a confirmé ce que nous pensions déjà, comme dans beaucoup de territoires, la moitié des jeunes seulement a déjà voté. Les jeunes les plus diplômés sont plus inscrits sur les listes électorales. 88% d’entre eux ont déjà participé à au moins une élection. Il faut noter qu’un jeune sur 4 participe aux actions citoyennes, en particulier lorsqu’il s’agit d’opérations de nettoyage. 7/10 se disent prêts à s’engager plus en adhérant à une association ou des groupes de pression.

Plusieurs ont exprimé le fait qu’ils ne se sentaient pas suffisamment informés pour savoir comment agir, qui joindre, quels moyens sont à leur disposition. Pour ces raisons, nous avons préconisé qu’un guide du citoyen leur soit distribué largement afin de leur donner les clés pour qu’ils puissent agir sur les sujets qui les intéressent.

« Le regard posé sur la jeunesse,
toujours infantilisant, doit changer. »

Comment les jeunes interviewés pour ce sondage perçoivent-ils la Guadeloupe ? Et les Guadeloupéens ? Mettent-ils en avant une identité guadeloupéenne ? Une certaine fierté d’être Guadeloupéens ?

Les jeunes interviewés se sentent d’abord Guadeloupéens et caribéens avant de se sentir Français. En comparaison avec des études menées avant par Qualistat ne montraient pas des résultats aussi nets. Les jeunes revendiquent fièrement leur identité guadeloupéenne, ils ont une vision plutôt positive du territoire même s’ils voient bien les défis qu’ils ont à relever. Ils sont conscients de bénéficier d’un cadre de vie exceptionnel, leur offrant une qualité de vie plus agréable qu’en Hexagone. Ils expriment leur fort attachement à la culture qui constitue leur ancrage.

Ils expriment néanmoins le sentiment d’être désavantagés en Guadeloupe pour leur inclusion. Ils mettent en exergue des problèmes structurels récurrents : l’eau, le chômage, la vie chère… Ainsi la moitié des jeunes disent envisager un départ hors de Guadeloupe pour un projet d’étude ou un projet professionnel.

Cette initiative nous a permis de mieux cerner cette génération numérique mais surtout de confirmer leur envie de participer au débat public. Plusieurs ont exprimé l’idée que c’était la première fois qu’on leur demandait leur avis, sur leur vision du pays, sur les sujets qui leur importent, sur leurs perspectives. Ils espèrent à l’avenir que les maires, les institutions, les responsables politiques, ouvrent des espaces de concertation où ils pourront participer à la réflexion sur les projets du territoire. Le regard posé sur la jeunesse, toujours infantilisant doit changer. Ce sont des futurs adultes, des citoyens en construction, leur parole doit compter aussi.

André-Jean VIDAL
aj.vidal@jkaribinfo.com

POUR SE PROCURER L’HEBDO ANTILLES-GUYANE N°149 : hebdoantillesguyane.com

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