Guadeloupe. In memoriam Amélius Hernandez

Amélius Hernandez, ancien président du SIAEAG, Syndicat intercommunal d’alimentation en eau et d’assainissement de la Guadeloupe, est décédé lundi 6 mars, en République dominicaine, des suites d’un AVC, dimanche. Hospitalisé en urgence, il n’a pas survécu. Il s’est éteint à l’âge de 73 ans.

Amélius Hernandez a été condamné le 28 novembre 2019 par le tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre au terme d’une longue enquête. On lui reprochait des détournements de fonds et du favoritisme dans la gestion du SIAEAG. Trois ans de prison, dont deux avec sursis, 150 000 euros d’amende pour des dossiers portant sur plus de 6 millions d’euros de communication, dont l’organisation des fameuses Journées de l’Eau qui ont enrichi des prestataires et permis aux élus du SIAEAG de mener belle vie pendant une dizaine d’années… tandis que le service de l’eau tombait en quenouille une fois repris par les élus à la Générale des Eaux (Veolia), accusée de tous les maux pour faire passer l’incompétence et la gabegie des élus du SIAEAG et cette propension à fermer les yeux sur des pratiques louches

Sympathique, Amélius Hernandez, Mémé pour les amis, était un jeune élu municipal du Gosier quand il a été désigné comme représentant de la municipalité au conseil syndical du SIAEAG. Deux ans plus tard, il en devient le président. Inamovible de 1997 à 2014.

Le SIAEAG, qui n’était qu’une petite structure chargée d’entériner les décisions prises plus haut, va devenir un Etat dans l’Etat de l’eau. L’argent coule à flots, pour entretenir les réseaux, en créer de nouveaux. Mais, les réseaux ne sont pas entretenus tandis qu’au SIAEAG, c’est la fête perpétuelle.

Comme le souligne un fameux rapport de la Chambre régionale des comptes sur la gestion du SIAEAG sur la période 2005-2011, cette gestion est étonnante. Le SIAEAG a dépensé 6,9 millions d’euros pour sa communication, dont la moitié pour les Journées de l’Eau, faisant venir des spécialistes et des élus de tous les territoires de la République, avec voyage et séjour payé, y compris des fêtes à n’en plus finir… Le champagne coule à flots.

Entre 1997 et 2003, c’est la fête permanente… les soutiens d’Amélius Hernandez, à gauche comme à droite, préparent l’autonomie (après la déclaration de Basse-Terre)… il faut donc que la Guadeloupe ait un service de l’eau totalement coupé des directives de l’Etat français. D’où cette gabegie. On s’y croit déjà… sauf que le référendum de 2003 vient comme une douche froide : la Guadeloupe ne sera pas autonome. Entretemps, l’Etat s’est désengagé du SIAEAG puisque les élus veulent tout faire… et c’est la catastrophe.

Les représentants de l’Etat successifs ont-ils compris déjà que la vétusté du réseau d’eau, pas entretenu, va devenir, dix ans plus tard, un scandale national ? Toujours est-il qu’ils laissent les élus se dépatouiller…

Catastrophe accélérée quand le Département décide de prendre en main le réseau d’eau brute agricole jusque-là géré par la Générale des Eaux. Un nouvel appel d’offres permet à la Nantaise des Eaux de se voir confier la délégation de ce service public. Toutes les communes de la Grande-Terre vont être desservies, ce qui permettra à Cap Excellence de quitter le SIAEAG, d’acheter l’eau brute à la Nantaise des Eaux (que le groupe Suez va racheter), puis à d’autres collectivités — 6 — de devenir clientes à leur tour. Ceci va entraîner la faillite du SIAEAG. Amélius Hernandez, quoique se sentant lâché par les élus, va s’accrocher à son fauteuil de président… jusqu’en 2014.

La suite est connue. Quelques mois après son départ du SIEAEG, Amélius Hernandez est l’objet d’une enquête. Les caisses sont vides, c’est sûrement lui qui les a vidées… Ses anciens amis ne le connaissent plus… Lors d’une enquête parlementaire en 2021 consacrée à la mainmise d’intérêts privés sur la ressource en eau en Guadeloupe (et ailleurs), interrogé par la députée LFI Mathilde Panot et le député (DVG) Olivier Serva le 7 juin, Amélius Hernandez, bracelet électronique à la cheville, va témoigner, mouiller tout un tas de personnes… La Générale des eaux, les préfets, les sous-préfets, des élus…

Où est le rapport ? Quelles suites seront données (ou pas) à ces déclarations ? Depuis, Amélius Hernandez avait rejoint la République dominicaine, se reposait de ses émotions… jusqu’à ce dimanche fatal.

La réaction de Guy Losbar, président du Conseil départemental :

Le président du Conseil départemental, Guy Losbar, a appris ce matin avec tristesse, la disparition d’Amélius Hernandez, dit « Mémé », ancien président du Syndicat intercommunal d’alimentation en eau et assainissement de la Guadeloupe (SIAEAG).

Il salue la mémoire d’un homme politique engagé, ancien conseiller général du deuxième canton du Gosier, particulièrement impliqué dans le dossier de l’eau.

Sa grande humanité, son contact chaleureux et son sens de l’écoute figurent parmi les qualités qu’il a eu à cœur de mettre au service de la Guadeloupe.

Le président Guy Losbar présente ses plus sincères condoléances à sa famille et à ses proches dans ce moment douloureux.

La réaction d’Ary Chalus, président de la Région Guadeloupe :

« Le président de la Région Guadeloupe, Ary Chalus a appris le décès d’Amélius Hernandez, qui fût président du SIAEAG (Syndicat intercommunal d’alimentation en eau et d’assainissement de la Guadeloupe), conseiller départemental, acteur de la vie politique particulièrement impliqué au sein de la ville du Gosier et du Département.

Le président Chalus et l’ensemble des élus régionaux ont une pensée émue pour sa famille et son entourage, auxquels ils adressent leurs sincères condoléances. »

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