Le préfet de Région, Alexandre Rochatte, le président de l’association des maires, Jocelyn Sapotille, le directeur de cabinet du préfet, Tristan Riquelme, le général de gendarmerie Vincent Lamballe, le directeur territorial de la Police national, Laurent Chavanne, le colonel Félix Anténor-Habazac, directeur du SDIS971, les représentants de l’Etat concernés par la sécurité, accueillaient, au CWTC, jeudi 10 novembre, les maires, adjoints, conseillers municipaux, chefs de polices municipales, pour une matinée consacrée à la sécurité sous toutes ses formes.
La suite d’autres rencontres initiées par le préfet de Région, soucieux d’harmoniser ces services complémentaires, mais aussi de mettre l’accent sur les problèmes de sécurité rencontrés sur l’archipel.
Un sujet d’ouverture était réservé pour la fin de la réunion : voir où il faudrait créer des brigades fixes ou mobiles pour renforcer la densification rationnelle des gendarmeries sur le territoire, pour appliquer localement ce qui va se faire au plan national où 200 gendarmeries nouvelles vont être créées.
En fait, comme le rappelait Alexandre Rochatte, cette réunion permettrait de partager les informations, de poser des diagnostics et d’engager des propositions.
Le président Jocelyn Sapotille intervenait pour dire l’importance de la coordination des actions des maires avec l’Etat en matière de sécurité.
Le pouvoir déconcentré fait que le maire est aussi officier de police judiciaire et assure, dans son périmètre, la coordination des mesures de sécurité.
Il posait la question du comment mieux faire fonctionner ces outils pour un mieux-vivre des populations.
« Il s’agit d’un enjeu politique fort. Pas question de laisser un terrain vide pour les extrêmes… », prévenait-il.
Le thème essentiel de cette réunion était de rappeler les données en matière de délinquance, de dire ce qui marche et qui devrait être mis en œuvre dans les communes.
Les gendarmes sont très sollicités
Le général Vincent Lamballe, commandant la Gendarmerie en Guadeloupe et Îles du Nord, donnait les chiffres de la délinquance dans son secteur d’intervention (en dehors des villes), délinquance à la hausse (+6%).
Les gendarmes sont très sollicités : 140 000 appels chaque année ; ils sont sur le terrain, 16 700 interventions, 45 interventions par jour, de leur propre initiative, 4 à 5 interventions par heure sur sollicitation.
Des gendarmes qui doivent gérer une hausse des violences sur leur périmètre (rural), avec un chiffre de vols à main armée qui représente 27 fois celui de l’Hexagone pour 100 000 habitants, des taux pas nouveaux mais qui marquent, grâce à un bon travail, un fléchissement, entre 2015 et 2021 pour ce qui est des vols simples.
Des gendarmes efficaces dans leurs enquêtes puisque le taux d’élucidation est supérieur à celui de l’Hexagone (37%)
Les gendarmes — mais nous verrons que les fonctionnaires de police ont le même problème — rencontrent de plus en plus d’armes à feu dans les vols à main armée.
Les gendarmes sont présents sur 28 communes (95% du territoire). Une commune a l’originalité d’être partagée entre Police nationale (le bourg) et la Gendarmerie (les quartiers) : il s’agit de Capesterre Belle-Eau.
Pour assurer ce service, il y a 657 personnels, plus 250 gendarmes mobiles et 260 réservistes.
Il y a en tout 29 implantations dont une brigade maritime, une brigade aérienne, etc.
L’importante de la coproduction est prégnante par le biais de contacts avec les maires, essentiel pour des échanges permanents, la collaboration avec les polices municipales (26 conventions), la participation citoyenne, l’alerte commerce (qui va être développée avec la CCIT), la vidéoprotection.
A ce sujet, il y a 6 projets qui ont été mis en place, 4 en cours de finalisation, 10 qui sont non aboutis, à relancer, regrettait le général Lamballe.
Il expliquait ce qui pourrait être mis en place, notamment des aides à apporter aux commandants de brigades en leur dégageant du temps. Comment ? Les gendarmes assurent l’entretien des abords des brigades, s’occupent des espaces verts dans celles-ci, ce qui occupe des militaires à d’autres taches que celles pour lesquels ils sont faits. « Nous perdons l’équivalent d’une patrouille chaque semaine… », soulignait le général.
Cet entretien pourrait être effectué par les agents municipaux, moyennant un arrangement financier ou autre.
Le général Lamballe soulevait un problème auquel on ne pense pas toujours, celui du manque d’eau, chronique dans certains secteurs. « Il m’est difficile de conserver des gendarmes qui sont en Guadeloupe avec leurs familles ou qui veulent venir y travailler s’ils n’ont pas d’eau courante. Parfois, des gendarmes demandent leur mutation ou refusent de venir en Guadeloupe pour cette raison… »
Il demandait aux élus de l’aider à lutter contre le sentiment d’insécurité ambiant, donc de lutter contre les rumeurs, de faire de la médiation.
Le général Vincent Lamballe développait ensuite le projet gouvernemental des 200 brigades : sous le pilotage et l’autorité du préfet, il s’agit de la possibilité de création de nouvelles gendarmeries supplémentaires. Pas question d’en supprimer qui existent déjà.
L’intérêt pour la Guadeloupe c’est d’en avoir plus, dans des zones où il y a un manque.
Il affirmait, cependant, qu’il y a une belle couverture du territoire, avec 20 brigades sur 28 communes, plus d’autres unités : brigade maritime, brigade aérienne, etc.
Il s’agirait d’établir des brigades fixes ou mobiles, là où il n’y en a pas à savoir dans huit communes.
Les élus doivent faire des propositions et dire comment les communes peuvent aider à la mise en place de ces nouvelles unités, soit par la mise à disposition ou la location de locaux…
Une direction territoriale
pour rationaliser les missions
Le DTPN Laurent Chavanne expliquait l’intérêt de la réorganisation des polices en une entité territoriale, avec un seul chef. Les missions restent identiques dans les différents services.
« Il s’agit, disait-il, d’une stratégie adaptée au territoire, avec des moyens mutualisés. »
La Police nationale, localement, c’est 1 000 personnels dont 800 personnels sur le terrain (120 sur Saint-Martin).
Ils s’occupent de la sécurité en zone urbaine essentiellement.
M. Chavanne déplorait une délinquance plus violente, avec beaucoup d’armes à feu, surtout des armes de poing, mais aussi des armes d’épaule.
La délinquance générale a diminué sur son périmètre d’activité (-4%).
Les vols à main armée, ce sont 100 faits recensés, les vols avec violence, 200 faits (+3%).
Les atteintes aux personnes et les violences intrafamiliales sont en baisse.
Les homicides sont nombreux : 16 depuis le début de l’année, plus 37 tentatives avec souvent des armes à feu. Il s’agit de chiffres qui sont 5 fois plus importants que sur l’Hexagone pour un même nombre d’habitants.
Il se félicitait de la saisie de 61 armes de poing, de 17 armes d’épaules et de 1 000 munitions.
L’opération Déposez les armes a permis de récupérer 12 armes. Une nouvelle opération va être ouverte prochainement.
En matière de sécurité routière, s’il y a moins de tués depuis le début de l’année, le nombre d’accidents est toujours important.
Le taux d’élucidation des affaires est important.
Les priorités de la Police Nationale sont la lutte contre les armes à feu (contrôles, réseaux), la lutte contre les trafics de stupéfiants. Il signalait 23 points de deal répertoriés et rappelait que la Guadeloupe est victime du trafic international puisque point de passage et d’envoi de drogues vers l’Europe.
En matière de sécurité routière, les contrôles se sont multipliés, les fonctionnaires de police font la chasse aux portables au volant, traquent les consommateurs d’alcool ou de stupéfiant qui conduisent…
Bien sûr, la Police Nationale s’occupe des violences intrafamiliales. Une brigade spéciale a été créée, l’accueil des victimes est assuré avec plus d’efficacité et plus d’empathie.
« Le partenariat avec les élus est bon. Avec les polices municipales aussi puisque nous assurons des patrouilles conjointes. Cependant, il y a des progrès à faire pour ce qui est de la vidéoprotection. »
M. Chavanne rappelait la mise en place de formations pour la réserve opérationnelle de la Police Nationale.
Faire vivre les CLSPD, souci du préfet
Le préfet de Région Alexandre Rochatte soulignait que les Comités locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) ne fonctionnent pas, cinq vivent réellement…
« On part de loin alors qu’il y a un réel intérêt à les mettre en œuvre. C’est la même chose pour la vidéoprotection dont on sait que c’est une technique qui marche, avec une aide technique, voire même financière si les EPCI veulent mutualiser au niveau de l’achat d’équipements pour les polices municipales de leur territoire. »
Georges Boucard, représentant de la mairie des Abymes, soulevait l’absence de la douane dans cette réunion, soulignant que les trafics, trafics d’armes importants et trafics de stupéfiants créent l’insécurité et la constitution de gangs.
« La mise en place des CLSPD permettrait de traiter ces dossiers », répondait le préfet.
Un élu de petit-Canal citait le cas de sa commune de sa commune où la brigade de gendarmerie a été fermée même si les gendarmes et familles habitent là.
« Anse-Bertrand, Port-Louis, Petit-Canal, quand il y a un problème, les gens attendent des heures pour avoir une réponse. »
Le préfet répliquait : « Pour Petit-Canal, le problème mérite d’être creusé. Mais, les gendarmes n’attendent pas des heures pour intervenir. La moyenne c’est 15 minutes. »
Pour les polices municipales, ce sont les maires qui déterminent combien il faut de fonctionnaires, mais c’est en fonction du nombre d’habitants. Le moyen d’avoir satisfaction, c’est de mutualiser ces polices municipales par le biais des EPCI.
Jocelyn Sapotille invitait les maires à multiplier les conventions polices municipales-gendarmerie.
Le rappel des règlements
Nouvel intervenant, le directeur de cabinet du préfet, Tristan Riquelme.
Il développait les différentes interventions de l’Etat : la sécurité routière, pour laquelle des campagnes de prévention/sanctions sont assurées.
Il rappelait aux élus que les manifestations doivent répondre à une réglementation précise, avec déclaration aux mairies pour les petites manifestations, à la préfecture pour celles qui sont susceptibles d’attirer plus de 2 500 personnes. Mais, il faut déposer un dossier avec des exigences en matière de sécurité sanitaire : dispositif santé avec secours, accès pour personnes à mobilité réduite, un lieu choisi lui aussi sécurisé et la sécurité assurée par des vigiles (les gendarmes ou la Police Nationale peuvent assurer des patrouilles pour les grosses manifestations autorisées).
Pour les manifestations sportives il faut là encore faire une déclaration avec présentation d’un dossier sécurité. M. Riquelme rappelait que la sous-préfecture de Pointe-à-Pitre est compétente pour toutes les manifestations sportives.
Il rappelait aussi qu’il faut une autorisation pour les épreuves motorisées chronométrées.
« Une fête dans une villa avec 200 personnes c’est interdit. Idem pour les fêtes nautiques sauvages ! », lançait-il.
Pour ce qui est des établissements recevant du public il y a une législation stricte.
Les bars et restaurants dans des villas sont interdits, pareil pour les bars mobiles qui sont interdits s’ils ne sont pas déclarés.
Des maires inquiets
Jeanny Marc, maire de Deshaies, intervenait pour donner quelques anecdotes qui lui font dire que « les maires sont devenus des têtes à claques, personne ne les écoute. »
Elle citait les rassemblements de motards « costauds », qui consomment de l’alcool. « Un coup ils ne sont pas là et puis ils sortent de partout, des dizaines, qui font du scandale. »
Pareil pour les fêtes d’anniversaires dans les sections, qui rassemblent des centaines de personnes… ou des restaurants qui restent ouverts toute la nuit, avec des fêtes alcoolisées.
Hélène Polifonte, maire de Baie-Mahault, regrettait les roulottes qui vendent de l’alcool, les boîtes sauvages… dans des restaurants qui ouvrent en milieu de nuit après les dernières patrouilles de gendarmerie.
Tristan Riquelme répondait qu’il y a des contrôles dans les villas : « Il y a une dizaine d’organisateurs de ce type de fête, avec toujours les mêmes DJ. On les connait. On les verbalise. Mais, il faut des renseignements pour mettre en place des dispositifs. Vous avez besoin de nous, nous avons besoin de vous. », concluait-il.
Jeanny Marc : « Les gens ne pensent pas que nous ayons des pouvoirs de police. Ils font n’importe quoi. On ne peut pas faire grand-chose avec les policiers municipaux. Les deux gendarmes que nous avons sont bien gentils, mais… »
Elle réclamait au préfet qu’il y ait une campagne d’information générale par l’Etat pour que les restaurants, par exemple, ferment à des heures précises… « Il faut rappeler la loi aux gens qui disent qu’ils se rattrapent après deux ans de fermeture de leurs établissements… »