Guadeloupe. Elections CCIT. Philippe Kalil : « Il faudra que le Quoi qu’il en coûte continue, d’une manière ou d’une autre. »

Philippe Kalil est sur la liste Une CCI qui gagne pour tous. Cette liste se veut celle de toutes les entreprises, en donnant la part qui leur revient aux petites entreprises. Entretien. 

La situation sanitaire a-t-elle été bien gérée par les chefs d’entreprises ?

C’est surtout l’Etat qu’il faut remercier. Or, je vois qu’aujourd’hui la CCI reprend à son compte les mesures Covid alors qu’en fait c’est l’Etat qui a suggeré et mis en application ces mesures économiques. Il faut rendre à César… Si on doit considérer que ces aides doivent entrer à l’actif de la CCI, il faut aussi comptabiliser le passif. Et le passif, c’est que ces mesures ne soient pas une indemnisation donnée aux chefs d’entreprises plutôt qu’un prêt qu’il faut rembourser. D’ailleurs, le président (de la République, NDLR) a dit Je vais rallonger le PGE. Pourquoi ne pas l’avoir fait avant ? Il aurait fallu demander que ces prêts soient comptabilisés dans les fonds propres. Je n’ai eu de cesse de le répéter. Oui, on peut dire que les chefs d’entreprises ont fait le nécessaire mais tout n’a pas été fait. Ainsi, aujourd’hui, beaucoup de petites entreprises n’ont pas eu d’aide, n’ont pas eu de PGE ni de fonds de solidarité parce que ces petites entreprises, ces petites gens, n’ont pas d’informatique. La chambre aurait pu mettre en place tout de suite des conseillers numériques pour qu’à l’exclusion numérique on ne rajoute pas l’exclusion sociale. Je ne jette pas la pierre, mais on aurait pu faire plus. De plus, il y a une très mauvaise répartition de ces PGE ! Ce sont les entreprises les plus solvables, qui avaient un cash flow, qui pouvaient obtenir un PGE. Là, avec ce qu’a annoncé le Premier ministre, la fin du Quoi qu’il en coûte, les chefs d’entreprises se posent des questions auxquelles la CCI ne peut pas répondre. 

« L’Etat a fait le nécessaire à tel point
que l’on s’attendait à plusieurs centaines de dépôts de bilans et que ce n’est pas arrivé. »

L’Etat a-t-il joué pleinement son rôle au plan décisionnaire que de soutien du monde économique ? 

L’Etat a joué son rôle On ne s’attendait pas à un tel déploiement de mesures pendant la crise. L’Etat a fait le nécessaire à tel point que l’on s’attendait à plusieurs centaines de dépôts de bilans et que ce n’est pas arrivé. Il ne faut pas penser que tout va pour le mieux. Je suis de ceux qui pensent que la crise est devant nous parce qu’aujourd’hui, il y a eu une suspension des poursuites : la Caisse de sécurité sociale n’assigne plus, les Impôts n’assignent plus, donc les tribunaux n’ont jamais eu aussi peu d’affaires mais, sur le terrain, nous voyons ce qu’il se passe. Les entreprises souffrent énormément. L’Etat a joué son rôle mais les fruits des mesures n’ont pas été également répartis. La crainte est qu’avec la fin du Quoi qu’il en coûte, on se retrouve devant une bombe, des bombes à retardement. Il va falloir rembourser les PGE, les cumuls de reports d’échéances. Il faudra être doué pour le saut d’obstacle pour s’en sortir.  

Aurait-il été possible de mieux faire ? Comment ? 

On aurait pu mieux faire, ne serait-ce qu’au niveau de la CCI. Je suis un professionnel et je suis habitué à observer les entreprises qui ont de grandes difficultés. On aurait pu assouplir les règles, penser à des moratoires, pour passer ce cap plus tranquillement et retrouver des bases saines. Dans les commerces de Pointe-à-Pitre, Basse-Terre, les centres bourgs comme Capesterre Belle-Eau, il y a une crise structurelle. Il y a une désertification de ces centres, de ces bourgs. Et on assiste à un développement du commerce en ligne. Il y a une mutation qui est en train de s’opérer en plus de la crise et on n’a pas pris conscience qu’il fallait prendre des mesures fortes pour sauver des petites entreprises qui vont disparaître. Ces mesures, la CCI ne les a pas prises, elle a laissé passer le coche. On aurait dû intégrer les commerces et les restaurants dans la zone franche d’activité globale mais la CCI n’a pas bronché parce que le dossier ne l’intéressait pas. Ça aurait permis aux entreprises d’être exonérées de certaines charges. 

Savez-vous que ce territoire est le seul où on a supprimé les zones franches urbaines, à Pointe-à-Pitre et à Basse-Terre ? 

« J’ai vu des groupes récupérer 2 millions de cash, remontés immédiatement à la holding mère. »

Les groupes ont-ils souffert de cette pandémie ? N’ont-ils pas compensé une grande partie de leurs pertes avec les aides d’Etat ? 

Oui, c’est ce que j’appelle les effets pervers de la pandémie. Certaines entreprises qui n’avaient pas besoin de PGE, les groupes, malgré une trésorerie abondante, ont demandé le PGE. J’ai vu des groupes récupérer 2 millions de cash. Remontés immédiatement à la holding mère. L’argent, dans ce cas, ne reste pas dans l’économie guadeloupéenne. Je l’ai vu. Pendant, ce temps-là, les entreprises avec un cash flow serré n’obtenaient pas le PGE. 

Cette élection consulaire est marquée par la crise sanitaire qui a induit une crise économique. Quel est votre plan de bataille ?

Il faudra agir sur tous les fronts. La première étape est de surmonter cette crise qui n’est pas finie. Il faudra que le Quoi qu’il en coûte continue, d’une manière ou d’une autre. A mon avis, il faudra renforcer les mesures. Il faut aussi agir en profondeur : nous avons des circonstances aggravantes, il faudra accompagner réellement les entreprises. Il n’est pas pensable que des entreprises ne soient pas numérisées. Avec l’aide de la Région, il faudrait mettre en place des conseillers en matière numérique. La deuxième priorité, c’est au niveau de la comptabilité : il n’est pas normal que des entreprises simples n’arrivent pas à avoir une comptabilité. Je pense aux marins-pêcheurs, les petits commerces. Il s’agit qu’il y ait un conseiller en la matière, qui soit un relais vers l’expert-comptable. La Région pourrait aider à faire cela. Et puis, il faut identifier les entreprises en très grandes difficultés et trouver des solutions. Un tutorat, peut-être. Personne ne doit être laissé au bord du chemin. Nous n’avons pas demandé cette crise sanitaire ! Il faut que la CCI se modernise, puisse avoir des conseillers en matière d’innovation. Il faut pouvoir aider les gens à déposer des brevets. Il faut se mettre au goût du jour, tout simplement. 

Qui compose cette liste ? Quelle place est faite aux TPE comme aux groupes ? 

C’est une liste d’union où l’on trouve des petites entreprises de toutes les communes, de tous les secteurs. Qui n’arrêtent pas de témoigner de l’inaction de la CCI. 

« Nous avons une expertise qui nous permet de prendre à bras-le-corps le dossier des entreprises guadeloupéennes. »

Avez-vous, dans cette liste, des personnes capables de porter la voix des entreprises locales à Paris ou Bruxelles ?

Nous avons des personnes qui peuvent aller discuter partout. Porter tous les dossiers. Nous avons des hommes et des femmes qui ont de l’expérience et qui connaissent les rouages des ministères et des parlements. Franck Desalme, par exemple, est administrateur de la Fedom, José Gaddarkan n’est pas le premier venu, d’autres encore, moi, j’ai été rodé à ce type d’exercice, d’autres encore le sont tout autant. Nous sommes prêts ! Nous avons une expertise qui nous permet de prendre à bras-le-corps le dossier des entreprises guadeloupéennes. De toutes les entreprises.

Faut-il que la Guadeloupe s’ouvre pleinement aux touristes ? Sans restrictions ?

On n’a pas le choix. Mais, j’ai été surpris de la suppression des tests PCR. Il faudra remettre cette mesure tant que la population n’est pas complétement vaccinée. Pour le tourisme, c’est compliqué, parce que c’est un secteur important de l’économie locale. 

Propos recueillis par André-Jean VIDAL

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