La Sucrerie et Rhumerie de Marie-Galante (SRMG), qui tire la langue dans sa gestion de l’usine sucrière de Grande Anse, va recevoir un concours inattendu — pas pour ceux qui suivent le mouvement politico-économique — mais déterminé.
Ah, cette usine de Marie-Galante ! Quand elle n’est pas en panne, elle est en réparation. La grosse panne de la précédente saison cannière a secoué le landernau. Soit la SRMG réparait en faisant les poches de l’Etat, des collectivités locales au passage, comme d’habitude, soit c’était la fermeture. Les usiniers ont conservé d’autres périodes de l’histoire cet astucieux chantage à l’emploi… Ça marche toujours, les élus et les gens sont habitués.
A Marie-Galante, supprimez l’usine, ce qui revient à supprimer une grande partie de la sole cannière — sauf ce qu’il faut de cannes pour alimenter les distilleries — et vous tuez l’île et ses trois communes. A moins d’embaucher toute la population à la Communauté de communes et dans les trois mairies. A l’antenne de la Région aussi…
Donc, face à la crise, tout le monde a versé au pot pour que les réparations de chaudière soient faites. Dans le même temps, la présidence de la SRMG a changé, l’ancien directeur général a pris sa retraite, on a renouvelé les cadres… et la Région a fait savoir qu’elle voulait entrer au capital, être actionnaire.
Mais, pas pour donner des sous et regarder passer… Pour avoir droit au chapitre, influer sur l’avenir de cette unité industrielle fatiguée, qui mérite rénovation et surtout qui doit tourner comme une horloge.
Nonobstant ce qu’avaient dit les experts venus de Paris, à savoir que l’avenir de l’industrie sucrière telle qu’on la connaît est compromise… Bizarre, on ne mangera plus sucré dans vingt ans ? De toutes les façons, comme c’est parti, il ne faudra pas compter sur le sucre de betterave d’Ukraine et de Russie pour alimenter le monde libre !
En entrant au capital de la SRMG – 5 millions de capital supplémentaire, capital réparti comme suit : Compagnie financière européenne de prises de participation (Cofepp — La Martiniquaise-Bardinet (Poliakov, Label 5, Cruz, Cutty Sark, Old Virginia, Sam Barton, Porto Cruz, Sant-Vivant, Rhum du Mât, Saint-James, Old Nick, etc…), de Jean-Pierre Caillard, 50%, Région 35% (minorité de blocage), Sicama (les planteurs) 15% -—la Région s’impose comme partenaire de choc.
En effet, tant qu’à mettre des sous, autant ne pas le faire sans contrepartie.
Et puis, qu’on se le dise, en entrant au capital de la Sucrerie et Rhumerie de Marie-Galante (SRMG), le président Ary Chalus et la Région ont signé bien sûr un acte de foi en l’avenir de l’activité sucrière de l’île, ce qui est tout à leur honneur, mais ils veulent faire de cette démarche originale, novatrice, un modèle de développement concerté avec les planteurs.
La volonté de la collectivité régionale, nous dit-on, est non seulement le maintien de la filière canne à Marie-Galante, mais aussi le développement durable de celle-ci en lui offrant de réelles perspectives d’avenir avec des produits phares : canne bio, sucres spéciaux et bien d’autres produits attractifs.
Ecoutez bien ! L’ambition est forte ! L’objectif de la Région, avec ses partenaires du Département, de la CCMG et de la SICAMA, est d’atteindre, sur cinq ans, 120 000 tonnes de cannes produites (12 000 tonnes de sucre). Cette volonté, clairement affirmée devant les planteurs, devrait contribuer à la motivation de ceux-ci
Jamais on n’aura montré une telle détermination pour la Grande galette au nom d’un défi collectif.
Ce n’est pas une OPA hostile
Comment l’industriel, la SRMG, le financier, la COFEPP, la SICAMA, fournisseurs de la matière première, la canne, vont-ils appréhender cette initiative ?
Au fond du trou, difficile pour eux de dire non. D’autant que l’on souligne du côté de la Région — et on veut bien les croire, ils ne sont pas planteurs, ni industriels, ni barons de la finance et cherchent à démêler une situation sociale délicate — que cette initiative ne peut être interprétée comme une OPA hostile.
Bien au contraire, souligne-t-on, il s’agit d’un partenariat Public Privé dont l’objectif premier est la préservation de l’unité sucrière et la sauvegarde des 1 200 emplois induits par le secteur sucrier.
Quand on demande comment la Région va financer cette opération — 5 millions tout de même ! —, la réponse est : c’est en sa qualité d’autorité de gestion des fonds européens (FEDER, FEADER), que la Région va participer au financement de la modernisation de l’unité sucrière dont le coût total devrait avoisiner plus 30 M€.
La nouvelle approche économique ne repose plus sur le versement de subventions ou de dotations — les collectivités ont donné et sont douchées de ce côté-là —, mais sur une implication concrète de la Région Guadeloupe dans les choix de l’entreprise. Il est important pour la collectivité régionale de participer aux décisions stratégiques et de préserver ainsi les intérêts des planteurs Marie-Galantais.
Ça ne vous rappelle rien ? C’est la même démarche que la collectivité régionale met en œuvre dans le secteur de l’économie touristique à travers des prises de participation ou de l’acquisition d’éléments du parc hôtelier pour pérenniser leur existence et éviter ainsi la vente à la découpe. Dernière opération en date — mais pas la dernière : Pierre & Vacance, à Sainte-Anne.
« La Région entend désormais se situer dans le champ de l’évaluation des politiques publiques et de la performance économique. La volonté politique s’exprime afin de créer des emplois nouveaux sur un territoire qui souffre de l’exode de sa jeunesse. Investir durablement pour le territoire tel est notre acte de foi en notre archipel », disait il y a quelques jours Ary Chalus. Il était accompagné de son précieux conseiller, Teddy Bernadotte, qui veille avec attention à ce que, sur des dossiers chauds comme celui-ci, la volonté du président et de la Région ne soient pas contrariées…
André-Jean VIDAL