Après une semaine de mobilisation de l’intersyndicale et ses mandants pour protester contre la vaccination obligatoire et le passe sanitaire, il semble qu’un tournant ait été pris cette nuit de jeudi à vendredi 19 novembre avec des exactions de bandes, puis toute cette journée des prises de parole des élus, un couvre-feu rétabli de 18 heures à 5 heures et une entente sur un possible rendez-vous mardi… pour parler.
La Guadeloupe est passée de quelques barrages sur le territoire, dans des points stratégiques, ronds-points d’axes routiers essentiels à des barrages partout et une nuit particulièrement chaude : des bandes entrent dans Pointe-à-Pitre assez tôt. Vers 19 heures, il y a des vidéos qui tournent sur Facebook, les réseaux sociaux WhatsApp, Instagram. Plus tard, on voit de longues séquences d’immeubles en flammes. La suite, on la connaît, avec l’incendie de magasins… deux attaques de gendarmeries au Moule et à Lamentin, des casses dans des bijouteries (5) à Pointe-à-Pitre, des casses dans des garages, à Baie-Mahault pour partir avec deux voitures et les incendier sur des barrages, au Gosier pour dérober des scooters et mettre le feu au magasin. Quatre salariés au chômage dans ce dernier cas.
Plus personne
n’a la main
Réveil en forme de gueule de bois avec les images sur les réseaux sociaux d’une ville de Pointe-à-Pitre dévastée, cinq immeubles partis en fumées grasses, des sapeurs-pompiers harassés, des propriétaires de commerces défaits. Et toujours plus de barrages, érigé de ci de là, toujours par des bandes.
Les syndicalistes du début ont disparu. Le mouvement social contrôlé par des syndicats éprouvés s’est transformé en autre chose, de plus inquiétant. Plus personne n’a la main sur la situation.
Tandis que les gendarmes mobiles et la police nationale tentent de circonscrire le mouvement au niveau des barrages existant, d’autres barrages sont érigés. A La Boucan Sainte-Rose six barrages sur quelques centaines de mètres, barrages tellement compact que les gendarmes mobiles ne peuvent pas faire grand-chose d’autre que d’éviter les roches qui volent et de détourner la circulation.
Même chose à Sainte-Marie de Capesterre Belle-Eau, à la Kassaverie, toujours à Capesterre Belle-Eau, à Montebello Petit-Bourg, à Mare-Gaillard Le Gosier, à Morne-à-l’Eau, à Mahault Pointe-Noire, à Ferry Deshaies, etc.
Le préfet Alexandre Rochatte dénonçait les exactions et appelait au calme.
Au cours de ces événements, le bruit a couru du décès d’un jeune homme à Montebello, victime d’un tir des gendarmes. Une vidéo a ensuite circulé montrant le jeune homme, qui venait d’avoir un malaise, pris en charge par le SAMU. Pourtant, deux heures plus tard, des podcasts circulaient sur le net relayant cette fausse information.
Le préfet, en fin de journée, réagissait par voie de communiqué : « Le préfet de la région Guadeloupe tient à fermement démentir une rumeur qui circule sur les réseaux sociaux depuis quelques heures selon laquelle un manifestant serait décédé à la suite d’affrontements avec les forces de l’ordre sur un barrage à Petit-Bourg.
Or, aucun manifestant n’a été pris en charge par les services de secours à Petit-Bourg et aucun décès n’est heureusement à déplorer aujourd’hui suite aux nombreux affrontements qui ont émaillé cette journée sur notre territoire.
Le préfet s’insurge contre les fake news qui sont relayées sur les réseaux sociaux, sources de défiance inconsidérée envers les forces de l’ordre mobilisées nuit et jour pour la protection de la population et de leurs biens. »
L’idée d’une gouvernance
locale de la santé est émise
Dans la matinée, on s’était étonné du silence des élus. Jocelyn Sapotille, maire de Lamentin et président de l’Association des maires de Guadeloupe, depuis Paris — il était au Congrès des maires de France comme de nombreux élus —, fait un point, regrette la situation, dit qu’il revient.
En fin de matinée, Ary Chalus, président de Région, est interviewé sur Guadeloupe la Première (radio) et sur karib’Info. Il demande que la Guadeloupe retrouve son calme et propose (énième fois) que la concertation prime sur la violence.
Jean-Philippe Courtois, président du Conseil départemental, fait de même plus tard, développant l’idée d’une gouvernante locale en matière de santé, pour être plus près des populations et de leurs aspirations.
Plus tard encore, les députés et sénateurs, laissant de côté leurs querelles habituelles, émettent un communiqué commun demandant que le Premier ministre prenne les choses en main, qu’à tout le moins il y ait ouverture de discussions. Ils sont prêts à le rencontrer.
En début de soirée, l’information
a filtré : rendez-vos mardi
Dans la matinée, Jean-Yves Ramassamy, président du Collectif des socioprofessionnels, avait lancé un appel aux syndicats et aux élus pour qu’il y ait rapidement une rencontre afin de trouver une solution à cette crise sociale.
Sauf que, si chacun souhaite une rencontre, ce qui semble évident — le LKP et l’UGTG l’avaient demandé depuis quelques semaines, mais, comme dit Elie Domota, leader du LKP : « Personne ne nous a répondu, sommes-nous des chiens pour qu’on ne nous réponde pas ? » — on ne parle pas du représentant de l’Etat. Alexandre Rochatte, en télévision, par téléphone, après avoir arrêté un couvre-feu de 18 heures à 5 heures et l’interdiction de vendre des carburants en bidon, a dit qu’il n’avait pas encore d’information sur le sujet.
Il a tout de même son mot à dire puisqu’il fera remonter les doléances des uns et des autres vers son autorité de tutelle (il a l’appui, dans ses décisions d’urgence, des ministres de l’Intérieur et des Outre-mer, a-t-il écrit dans un communiqué). En attendant, il est tenu de faire appliquer la loi puisque, comme il l’a dit, « il n’est que préfet ».
Le parlement a voté la loi du 5 août 2021 obligeant la vaccination pour les soignants et les personnes en contact avec des malades et le passe sanitaire pour tous. Seul le parlement pourrait abroger cette loi, loi qui s’applique sur l’ensemble du territoire national sans qu’il y ait eu, jusqu’à présent, ailleurs qu’aux Antilles, des défilés et des barrages.
En début de soirée, l’information a filtré : rendez-vous ce mardi entre les parties concernées pour trouver une solution et sortir par le haut de cette crise sociale. Pas si simple… On peut rêver.
Sur les réseaux sociaux, des anonymes promettaient une second nuit, encore plus agitée que la précédente, incitant à la désobéissance civique, à braver le couvre-feu… Et sur ces réseaux sociaux de nouvelles vidéos de feux dans certains quartiers pointois défilaient… peu après 18 heures.