Après deux mois de discussions, les producteurs de cannes réfractaires pourraient apporter leurs cannes à l’usine de Gardel, au Moule, dès lundi. Ils ont levé les barrages rapidement. Les autorités, Etat, Région, Département, ont ouvert avec les producteurs de cannes un cycle de réunions pour réformer la filière.
Que s’est-il passé ? Il y a eu une réunion de négociation, vendredi 26 avril, toute la matinée entre le préfet de région, Xavier Lefort, le président de Région, Ary Chalus, Blaise Mornal, vice-président, représentant le président du Conseil départemental, Guy Losbar, et les représentants du collectif des producteurs de canne.
La veille, Xavier Lefort et Ary Chalus avaient convoqué l’usinier, Nicolas Philippot, pour lui demander de faire un effort supplémentaire. Nicolas Philippot a expliqué que la perte en sucre est de 5 000 tonnes déjà, qu’en tout l’usine a perdu 5 millions d’euros.
Le préfet a donné le la des efforts supplémentaires en mettant sur la table 900 000 euros, suivi par le président de Région pour 500 000 euros. Le président Guy Losbar a fait une rallonge de 250 000 euros, qui viennent en plus du million et demi prévu pour dératiser les champs de cannes. L’usinier a consenti 500 000 euros. On sent l’effort.
En ouverture de la réunion, le préfet Lefort a martelé que l’Etat avait fait le maximum, la Région et le Département aussi.
Ce à quoi un des syndicalistes a répliqué : « Nous n’avons rien demandé que de recevoir le juste fruit de notre labeur. »
Ambiance :
En fait, ce que veulent ces producteurs de cannes c’est que l’usinier partage les bénéfices de son activité. Ou, à tout le moins, qu’il partage avec la profession ce qu’il retire de la vente de la bagasse à Albioma, de la mélasse à Bonne-Mère, et de l’écume qui est un excellent engrais que l’usinier utilise pour son faire-valoir direct. Il verse aux producteurs une partie des revenus tirés de ces activités annexes, mais tout ceci reste flou à leurs yeux.
Le président de Région et le préfet l’ont répété plusieurs fois au cours de cette réunion : ce n’est pas là, en une journée, que ces détails seront décortiqués et trouveront une solution. « Ce qu’il faut c’est sortir de cette crise, débloquer les activités économiques, commencer la campagne pour lundi », a dit Ary Chalus. Pour les discussions sur les différents point d’un éventuel nouvel accord qui lie tous les partenaires de la filière, il y aura des réunions à venir.
Ary Chalus :
Xavier Lefort : « Les efforts des uns et des autres, la Région, le Département, l’Etat, l’usinier, sont importants. Il faut comprendre que ce serait difficile de faire plus. Maintenant, il faut démarrer la coupe sur des bases saines, celles d’une meilleure rémunération des planteurs. Il faut sortir de cette crise, repartir sur un bon pied. L’année dernière, la campagne a été catastrophique, cette année elle ne va pas être meilleure. On ne pourra pas se permettre d’avoir une troisième année comme ça. Moi, je vous le dis : l’Etat ne va pas continuer à soutenir la filière dans ces conditions. Donc là il faut couper ! »
XavierLefort :
Quoique moins concerné au premier chef — les questions économiques sont plutôt l’affaire de la Région — le Département a fait son job : abonder la cagnotte de 250 000 euros, sachant qu’une somme de 1,5 million viendra soutenir les planteurs dans la lutte contre les rongeurs. La dératisation est aussi un moyen d’avoir des cannes plus saines, plus abondantes. On estime à 10% les pertes liées aux rats. Dératiser c’est gagner 40 000 tonnes de cannes. Ce qu’a rappelé Blaise Mornal.
Blaise Mornal :
Les producteurs de cannes dont les mandants bloquent les accès à Jarry, donc la vie économique du territoire, sont-ils satisfaits ? « Vous nous avez lancé plein de chiffres. Il faudrait nous les donner écrits », lance un représentant. La séance est suspendue pour que les représentants des producteurs discutent entre eux des propositions, le directeur par intérim de la DAF mettant à disposition son écran de portable avec les tableaux de chiffres…
Une demi-heure plus tard, retour dans la salle. Les agriculteurs veulent un écrit pour monter à leurs mandants qu’ils ont bien négocié : c’est normal.
Nicolas Philippot, directeur délégué de Gardel, commente le résultat des négociations. C’est pas la joie, mais lundi il aura de la canne à broyer… jusqu’en juillet, termes de l’accord (alors que normalement la campagne s’arrête en juin) puisqu’il faut rattraper le temps perdu et éviter qu’un gros tas de cannes reste dans les champs. Mais, déjà le directeur de Gardel sait que tirer du sucre de la canne achetée en juillet… va être difficile.
Le préfet rappelle qu’il s’agit d’un one shot, les dispositions pour cette campagne sont non reconductibles. « C’est pour cela que je veux, et j’y tiens, qu’il y ait des discussions jusqu’à la fin de la campagne pour déterminer le juste prix de la tonne de cannes. Là, plus personne n’y comprend rien : la formule date de 1983. On empile huit briques les unes sur les autres pour avoir un prix qui ne satisfait personne. Les services de la DAF et de la Région vont travailler sur ça. On ne va pas revenir l’an prochain avec les mêmes problèmes. Il faudra revoir aussi la détermination du taux de sucre, mais ça, c’est acté; là aussi il va y avoir un travail d’audit. Maintenant, il faut libérer l’activité économique en levant les barrages et il faut couper pour livrer la canne lundi matin à l’usine. »
Yannick Kindeur, administrateur des Jeunes Agriculteurs de Guadeloupe :
André-Jean VIDAL
aj.vidal@karibinfo.com