Guadeloupe. Audience solennelle de rentrée à la Cour d’appel de Basse-Terre

Devant un parterre de personnalités, le Premier président Philippe Cavalerie vendredi 20 janvier a ouvert l’audience solennelle de rentrée de la Cour d’appel de Basse-Terre.

Un parterre de personnalités. Au premier plan, André Atallah, maire de Basse-Terre, le préfet de région Alexandre Rochatte, Valérie Samuel-Césarus, conseillère régionale représentant le président de Région retenu ailleurs.

Cette Cour d’appel — il y en a trente-deux en France — fonctionne dans des locaux anciens. Il s’agit du Palais de justice et Cou d’appel, construit sur des plans de l’architecte Ali Tur en 1932 ou 933.

Beau bâtiment, classé, mais devenu trop étroit. De plus, mal entretenu, il cloque de partout, comme le font remarquer les magistrats.

« L’ensemble des cours d’appel de France et d’Outre-mer, dit le Premier président Philippe Cavalerie, a effectué une évaluation des besoins en magistrats nécessaires : le calcul aboutit à la nécessité d’un quasi-doublement des effectifs en magistrats du siège et du parquet. » En fait, le Garde des sceaux a donné quelques éléments d’information le 5 janvier en présentant son plan de programmation pluriannuelle pour la justice : il y aura, d’ici 2027, le recrutement de 3 000 personnels, 1 500 magistrats, 1 500 greffiers. Pas suffisant, pensent et disent les deux magistrats de Basse-Terre, le Premier président et le Procureur général, Eric Maurel.

Il y a un réel manque de magistrats

Philippe Cavalerie, Premier président de la Cour d’appel de Basse-Terre :

Actuellement, si à la Cour d’appel le compte est bon, il y a pénurie de magistrats dans les tribunaux judiciaires de Pointe-à-Pitre et Basse-Terre : plus de 10% de manquants. Or, il faudra se montrer patient : partout en France il manque de magistrats… parce que le nombre d’affaires augmente inexorablement et que, pour former un magistrat il faut 31 mois d’école, pour former un greffier, 18 mois.

Pour tenter de désemplir les tribunaux, le garde des sceaux et son petit monde ont concocté une réforme. En trois volets : pour la procédure civile, afin de diviser par deux la durée de celle-ci, une « césure » du procès civil : le juge tranche la question de droit, les parties s’entendent avec leurs avocats que le côté réparation du préjudice subi.

La conciliation doit être de mise, tout comme la transaction, le juge étant là pour homologuer le résultat.

Un autre chantier en cours : la révision de la procédure d’appel, trop longue… Problème à travailler avec les barreaux, dont celui de la Guadeloupe sollicité. A suivre.

Le code de procédure pénal réécrit,
le statut des procureurs revu

Pour la procédure pénale, il convient, a dit le Garde des sceaux, de réécrire le code. « C’est illisible, on s’y perd nous mêmes », reconnaît le Procureur général Eric Maurel.

Pendant deux ans, le code va donc être revu et corrigé, par la voie d’ordonnances. Il faut préalablement l’autorisation du Parlement.

Gros morceau, la réforme de l’organisation judiciaire. De quoi s’agit-il ? De concentrer tout ce qui n’est pas dire le droit, donc l’administration, les budgets, etc. à des cours d’appel régionales calquées sur les régions administratives. Les cours d’appel actuelles y perdraient leur autonomie mais…

Les cours d’appel des Outre-mer ne sont pas encore concernées par ce type de réforme. Cependant, à terme, toutes les décisions financières pourraient être transférées à une cour d’appel régionale… en Martinique pour ce qui est de la Guadeloupe et de la Guyane.

Eric Maurel, tout comme son toujours confrère magistrat Philippe Cavalerie, s’est aussi exprimé.

« Toujours confrère » parce que les deux hommes sont magistrats. Or, une réforme du statut du ministère public, procureurs généraux, procureurs, avocats généraux, substituts… est en cours. Elle tendrait à fonctionnariser le ministère public, ce qui fait que les personnels précités deviendraient des fonctionnaires, soumis à l’obéissance des injonctions du gouvernement (politique). Plus de liberté de parole lors des audiences comme aujourd’hui, plus de liberté de poursuivre ou non en fonction de la loi et des actes répréhensibles ou pas. La loi, rien que la loi… et les ordres du ministre.

Quand on demande au Procureur général Eric Maurel si cette conception nouvelle de son rôle lui convient, il réplique : « Non ! »

Un parquet de Guadeloupe déterminé
face à une violence de tous les instants

Eric Maurel, Procureur général de la Guadeloupe :

En attendant ce qu’il pense être peut-être, la croisée des chemins, « le ministère public de Guadeloupe remplit son rôle avec détermination dans le respect des lois de la République », affirme-t-il.

Que fait-il ? Il poursuit, comme il le dit, « une criminalité et une délinquance extrêmement violentes qui couvre tout le spectre, depuis les homicides et tentatives d’homicides jusqu’aux violences impulsives sur la voie publique, souvent dans un contexte d’alcoolisation ou de consommation de produits stupéfiants, en passant par les violences aux femmes, dont malheureusement, en 2022 comme en 2021, deux assassinats ou meurtres par conjoint. »

Avec le lot des trafics de stupéfiants ou d’armes, d’êtres humains, de règlements de comptes sanglants, « on s’entretue aussi pour des motifs futiles », Eric Maurel relève que « cette violence, c’est aussi celle faite aux femmes, aux enfants, aux personnes âgées dans le secret des familles; c’est encore celle qui endeuille des familles sur les routes de Guadeloupe et des Îles du Nord. »

Au parquet, chacun fait son travail en toute conscience.

Nouveau venu dans l’archipel, le Procureur général s’est ému des moyens et conditions de la médecine légale. Les autopsie et la « médecine légale du vivant… » Il va essayer, d’ici la fin de l’année, de signer un protocole sur la médecine légale qui permettra de financer par une dotation ministérielle les autopsie et activer un réseau de médecine légale de proximité. ceci après avoir travaillé avec le CHU « sur l’amélioration des moyens et des process au profit des juridications. » Gros dossier !

Sinon, on bosse bien à la Cour d’appel : les dossiers sont suivis, enrôlés, traités. On ne s’étonnera pas que M. Maurel ait fait de la maîtrise des délais et des stocks devant la chambre des appels correctionnels une priorité. « Un axe stratégique majeur de mon action », précise-t-il.

Madame Morton, avocate générale, avec la présidente de la chambre des appels correctionnels et le greffe s’y sont attelés et, avec engagement, efficacité, le stock des affaires enrôlées a baissé notablement. Les délais sont encore longs, mais…

De la même façon, pour alléger le schmilblik, Eric Maurel a-t-il pris l’attache du président de la Chambre des commissaires de justice pour travailler sur les saisines de la juridiction d’appel et lutter de même contre les renvois qui viennent, à un moment ou un autre… encombrer les salles d’audience.

Des chiffres stables ou en baisse

Tout ceci a été lu et dit devant l’aréopage de personnalités dans la grande salle d’audience. Au nombre de celles-ci il y avait un magistrat néerlandais, du parquet général des îles de la Caraïbe relevant du royaume des Pays-Bas, Robbert-Jan Boswijk, symbole des bonnes relations à Saint-Martin, entre les deux parquets.

Les chefs de cour et leur homologue néerlandais (à gauche, en civil)

Des chiffres ? Stables ou en baisse pour ce qui est des affaires civiles nouvelles ou terminées, les délais d’écoulement n’étant… pas très bons : 19 mois pour les affaires sociales, 18 mois pour les affaires commerciales, 9,6 mois pour les autres affaires civiles.

En Cour d’assises, 65 arrêts rendus contre 46 en 2021 et 50 en 2019 (avant la pandémie).

Les parquets ont reçu 35 014 plaintes et PV, moyenne des quatre dernières années, les tribunaux correctionnels ont rendu 4 824 jugements, là encore moyenne des quatre dernières années, les cabinets d’instruction ont terminé 171 affaires, en ont enregistré 245 nouvelles.

Pour ce qui est de Saint-Martin, il y a eu, en 2022, 667 affaires civiles nouvelles, 680 affaires terminées.

Les conseils des Prud’hommes ont étudié, pour celui de Pointe-à-Pitre, 369 dossiers, le plus faible nombre depuis quatre ans, 229 dossiers à Basse-Terre, stable d’une année sur l’autre.

André-Jean Vidal
aj.vidal@karibinfo.com

François Schuster (à gauche), jeune magistrat, a été présenté aux autorités. Il a été nommé secrétaire général auprès du procureur général, ce qui fera de lui un interlocuteur privilégié des deux procureurs de la République de Guadeloupe (Basse-Terre et Pointe-à-Pitre.)

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