Dire qu’Ary Chalus, président de la Région Guadeloupe, est profondément blessé, c’est ne pas dire les choses. Ary Chalus est meurtri par le comportement du gouvernement à son égard. Son amertume, on l’a vue, il l’a portée de télévision en radio sur les chaînes nationale au cours d’un séjour à Paris. Reçu sur RTL, il a dit bien des choses…
A de nombreuses reprises, Ary Chalus a prévenu les instances gouvernementales pour dire que la crise sanitaire avait laissé de profondes marques sur la société guadeloupéenne et qu’il fallait faire quelque chose. On lui a répondu avec le Plan de Relance National et son volet local, auquel la Région a abondé. De l’argent, mais les observateurs pensent qu’Ary Chalus attendait autre chose, le soutien dans cette réforme de la société locale qu’il appelle de ses vœux pour éviter une explosion de cette société.
Personne ne peut dire que le Baie-Mahaultien ne connaît pas la jeunesse des quartiers. En pleine crise sociale de 2009, il est allé au-devant de jeunes révoltés, en pleine nuit, pour leur dire de ne pas mettre le feu à la plus grande surface commerciale des Antilles… Ils l’ont écouté.
AJV
SUR LA CRISE SOCIALE
« Non, je n’approuve pas que le ministre (de l’Intérieur) fixe le retour au calme comme préalable à toute discussion parce que chaque fois c’est la même chose. Je pense que, depuis longtemps, j’ai beaucoup alerté le gouvernement et chaque ministre concerné par la situation de la Guadeloupe.
Tout le monde sait qu’à la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane, la Réunion même nous avons un retard structurel, sur l’économie, sur le développement, sur les infrastructures.
Nous ne demandons pas directement qu’on puisse nous donner de l’argent, mais nous avons toujours besoin d’un accompagnement.
Aujourd’hui, il y a une plateforme de revendications (de l’intersyndicale) de plus de 32 points. Il y a aussi le problème des soignants et des pompiers. Pour ces derniers, je pense qu’on peut trouver une solution pour calmer la situation. Pour les soignants, nous avons fait des propositions en attendant qu’on puisse effectivement calmer les choses, se concerter, dialoguer et peut être, pourquoi pas, faire des reclassements pour que ces pères et ces mères de famille ne puisse pas perdre leur emploi.
Aujourd’hui, je constate qu’on a eu plus de 500 morts (de la Covid) entre septembre et octobre. On n’a vu aucun ministre se déplacer. Quand on gifle un jeune devant un lycée quelque part dans l’Hexagone, quand on bouscule quelqu’un, il y a immédiatement quatre ou cinq ministres qui se déplacent.
Aujourd’hui, nous sommes dans le chaos, aujourd’hui, les routes sont barrées, l’économie est mise à genou. On n’a vu encore aucun ministre.
Et aujourd’hui, on entend dire effectivement qu’il y a des tirs à balles réelles contre les forces de l’ordre. »
SUR SES RAPPORTS AVEC LE GOUVERNEMENT
« C’est une exaspération qui a explosé, mais personne ne peut dire qu’Ary Chalus, président de région, n’avait pas alerté par des messages, par des appels, par courrier les autorités de l’Etat.
Après une rencontre de plus de 4 h 30 avec le syndicat UGTG, j’ai fait un courrier au président de la République, au Premier ministre, ministre de l’Intérieur, au ministre des Outre-mer. Aucune réponse ! C’est inadmissible !
Le dernier ministre de l’Intérieur que nous avons vu en Guadeloupe était Bernard Cazeneuve.
La Guadeloupe a donné plus de 11% des résultats français, une pluie de médailles aux Jeux olympiques. On n’a jamais vu une ministre des Sports depuis un certain temps.
Je le dis, je sais que certaines choses ont été demandées au plus haut de l’Etat mais rien n’a été fait. On n’a pas entendu ce que nous disions, nos alertes : c’est une mobilisation qui dépasse le cadre sanitaire aujourd’hui et qui se transforme en crise sociale alors qu’un tiers des guadeloupéens vivent sous le seuil de pauvreté.
Je ne suis pas content des décisions gouvernementales. Je comprends qu’il faille rétablir l’ordre et qu’en 24 heures on envoie des renforts, mais nous avons attendu 6 mois pour avoir des respirateurs, des lits, des masques alors que les gens mouraient.
C’est la région Guadeloupe qui a mis en œuvre certaines choses pour accompagner : nous avons financé une entreprise pour fabriquer des solutions hydroalcooliques. Nous avons acheté plus de 2 millions de masques. Nous avons eu des aides des régions de France qui nous ont accompagnés. Nous avons aussi donné aux 32 communes des boites de masques, pareil aux soignants, aux infirmiers, à certains médecins, aux dentistes.
Nous avons dépensé et on n’a pas été compensés. On n’a rien demandé, on a fait notre travail. »
LE SENTIMENT D’UN ABANDON QUI NE DIT PAS SON NOM
« Quand il s’agit de Marseille, Sarkozy, puis Hollande, maintenant Macron donnent 3 milliards. Nous demandons à être aussi traités de la même manière qu’une région de France. Nous ne demandons pas autant, mais il y a des choses qu’on peut régler rapidement.
Nous sommes français, nous devons être traités de la même manière, au même niveau qu’une autre région française.
On ne nous a pas entendu quand nous alertions sur la situation en Guadeloupe et maintenant, la Martinique est entrée en mouvement aujourd’hui et peut être demain la Guyane. Et puis la Réunion…
Les Guadeloupéens ont souffert depuis deux ans de cette crise sanitaire qui s’est transformée en crise sociale. Au moment où nous essayons de nous relever, nous avons une crise majeure avant les fêtes de Noël et ce qui est triste, c’est qu’avant cette pandémie, la Guadeloupe avec une croissance de 4 %, mieux qu’au niveau national, une baisse de 7% du chômage. La Région Guadeloupe avait beaucoup investi, depuis elle s’est engagée pour accompagner la jeunesse, pour pouvoir aider les entreprises, la création d’emplois, l’innovation et aujourd’hui, voilà, on se retrouve dans cette situation.
Il faut maintenant que l’État prenne ses responsabilités et pour cette raison, je lui demande une délégation interministérielle avec le ministre de l’outre-mer, celui de la Santé, avec Ce lui de l’Economie et aussi le ministère du Travail pour que nous puissions discuter avec l’intersyndicale pour calmer les choses Si on fait ça, j’estime que, rapidement, on pourra sortir de cette crise. »