Le 16 novembre 2022, alors que Charles Caudrelier passait la ligne d’arrivée de la Route du Rhum, course transatlantique mythique, un terrible accident en mer faisait deux morts dans le retournement d’un canot suiveur. Le Bureau enquête sur les événements de mer (BEA MER) a rendu un rapport intermédiaire sur cet accident.
Des dizaines de bateaux entre le mouchoir carré et la bouée d’arrivée de la Route du Rhum en cette nuit du 16 novembre 2022. Des dizaines de bateaux lancés à toute vitesse pour ne pas se faire décrocher du grand voilier surgi de la nuit sous les feux des projecteurs. Une mer hachée, rendue encore plus instable par les sillages des vedettes suiveuses. Vedettes qui engagent une course de vitesse, les unes passant devant les autres pour se rapprocher du voilier, coupant brutalement la route d’autres vedettes aux pilotes tout autant intrépides, parfois inconscients ou trop sûrs d’eux.
L’un de ces canots suiveurs, le Coralia, affrété par la Région Guadeloupe, transportant des officiels de l’organisation, dont deux managers d’OC Sport Pen Duick, organisateur de la Route du Rhum, et des invités, est en difficulté. Surpris par une vague venant de l’arrière, le pilote du Coralia laisse partir son navire sur une vague. Le navire, soulevé de l’arrière bâbord (la partie gauche du canot) par une vague gîte sur tribord (la canot penche brutalement à droite) et plonge sa proue (l’avant du canot) dans une grosse vague. Le canot, devenu incontrôlable, se retourne, avec le pilote et ses passagers, tous porteurs de gilets de sauvetage, conformément à la législation.
Ils étaient neuf à bord. Quatre sont dans l’eau, cinq autres parviennent à s’extraire de sous l’embarcation, aidés par les secours, deux n’ont pas cette chance. Ce sont les deux managers d’OC Sport Pen Duick qui ne pourront jamais être réanimés. Deux morts qui viennent endeuiller la course.
Le procureur de la République de Pointe-à-Pitre, Patrick Desjardins, ouvre une information judiciaire des chefs d’homicides involontaires, blessures involontaires par imprudence et non-respect des textes en matière de sécurité, le 22 novembre 2022. Il faut établir la chaîne de responsabilités dans ce drame de la mer.
Le BEA MER* ouvre une enquête.
Le pilote du Coralia, un jeune guide touristique âgé de 21 ans, qui disposait d’une habilitation pour le transport de jour — le drame s’est déroulé de nuit — a été mis en examen pour homicides et blessures involontaires.
Le Conseil Régional avait lancé un appel d’offres remporté par la société Atmosphère qui avait sous-traité avec le jeune guide. La liste des vedettes avait été soumise, pour vérification des titres de navigation et validation, à la Direction de la mer en Guadeloupe.
D’où, le 12 janvier 2023, une perquisition lancée dans les locaux de l’hôtel de Région par la gendarmerie chargée de l’enquête.
Joseph Bizard, directeur général d’OC Sport Pen Duick, avait confirmé, en conférence de presse, avoir passé une convention avec la Région Guadeloupe pour obtenir la mise à disposition d’embarcations pour transporter les invités VIP et lui « avoir transmis un cahier des charges détaillé décrivant précisément les spécificités auxquelles nous demandons que répondent 24H/24 les bateaux et leurs équipages. »
Depuis le début de cette affaire, les services de la Région Guadeloupe ont fait savoir qu’ils voulait concourir à la manifestation de la vérité pour déterminer les responsabilités dans ce drame.
Le rapport du BEA MER se contente, à ce stade intermédiaire — comme il n’a pas été possible de rendre un rapport complet dans les 12 mois impartis, compte tenu des contraintes liées à l’enquête technique, les enquêteurs ont établi ce rapport lapidaire mais non lacunaire — , de rappeler les faits. Le rapport final et les suites de l’enquête judiciaire ne devraient pas tarder. Deux familles, celles des deux malheureuses victimes, attendent les suites des deux procédures.
André-Jean VIDAL
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Le BEA MER
Le BEA MER est composé d’un noyau central, situé à Paris dans la Grande Arche de la Défense, avec des enquêteurs permanents qui disposent d’une très grande expérience en matière de sécurité maritime. Les enquêteurs suivent régulièrement des formations, sur les techniques d’enquêtes notamment, à l’agence européenne de sécurité maritime.
A ce noyau central s’ajoute un réseau d’enquêteurs, sur le littoral, aux compétences spécialisées dans des domaines variés (navigation de commerce, pêche, plaisance, gaz, pilotes maritimes, etc..), qui participent aux enquêtes selon le type de navire impliqué, l’accident en question, la zone et bien entendu, les connaissances particulières requises. Pour chaque enquête est constituée une équipe spécifique.
Lorsque cela est nécessaire, une étude particulière (résistance des matériaux, stabilité…) peut être confiée à une entreprise experte du domaine.
La politique de l’enquête est déterminée collégialement au cours de comités qui réunissent l’ensemble permanent et les enquêteurs conduisant l’enquête.
Une fois l’enquête achevée, les rapports sont enregistrés dans la base d’accidents de mer communautaire (EMCIP).
Un enquêteur est d’astreinte 7/7 h24. Tous les événements dont le BEA MER a connaissance (de l’ordre de 8000 à 9000 par an, principalement par les SITREP des CROSS) sont analysés par l’enquêteur.
Les événements jugés significatifs sont enregistrés dans la base de données communautaire (de l’ordre de 500 par an), certains font l’objet d’enquêtes préliminaires, d’autres d’enquêtes complètes dont le rapport est publié sur le site du BEA MER.
Les ouvertures d’enquêtes sont décidées par le directeur du BEA MER.
Le BEA MER est certifié ISO 9001:2015.