Me Zig, avocate en Guadeloupe, a remporté le premier prix du concours d’éloquence du Barreau de la Guadeloupe.
Qui êtes-vous Me Zig ?
Je suis avocate, originaire de Marie-Galante et passionnée par le droit du travail. Après avoir été avocate à Paris, j’ai fait un retour au pays en 2019. J’exerce actuellement au sein du cabinet Houda Avocats situé à Pointe-à-Pitre et Jarry aux côtés de Messieurs les bâtonniers Jamil Houda et Claude Christon ainsi que Me Tania Tardel.
Pourquoi le droit ?
Bonne question, mon plus lointain souvenir remonte au jour où j’ai assisté à ma première audience au Tribunal d’instance de Marie-Galante, j’étais au collège. Cela a été comme une évidence : un jour je serai avocate.
Vous avez choisi des spécialités. Pourquoi celles-ci ?
Au sein du Cabinet Houda Avocats, qui a une activité généraliste à dominante droit des affaires, j’exerce principalement en droit de l’entreprise, en contentieux locatif, bancaire et droit du travail. Ma formation et mon domaine de prédilection sont plus axés sur le droit du travail et contentieux prud’hommal.
J’ai découvert le droit du travail dans le contexte du LKP en 2009, j’ai eu envie de comprendre les relations sociales et les rapports de force entre employeurs-salariés- syndicats après avoir regardé à la télévision les négociations qui ont abouti à l’accord Bino.
La vie de l’entreprise, le conseil et le contentieux me passionnent.
Plaidez-vous parfois au pénal ?
J’assiste des clients en garde à vue en Guadeloupe et à Marie-Galante et il m’arrive d’assister des clients devant le tribunal correctionnel, bien que ce ne soit pas l’essentiel de mon activité.
Les droits des femmes sont-ils des droits complexes ?
En vertu du principe d’égalité, les femmes ont les mêmes droits que les hommes mais la réalité est toute autre car le respect de ces droits pose encore problème.
En effet, nous avons tous droit en théorie à la liberté, l’égalité et la fraternité. Pourtant, il faut encore se battre pour la liberté, notamment de disposer de son corps, l’égalité réelle ou salariale et la fraternité sans être discriminée. L’égalité homme-femme est inscrite dans le préambule de la Constitution de 1946, or il existe en 2022 un secrétariat d’Etat dédié à l’égalité entre les sexes. C’est la preuve que cette égalité n’est que virtuelle.
La Guadeloupe — sinon le monde — est violente pour les femmes. Comment cela s’explique-t-il ? Sans doute par la place subalterne accordée aux femmes, alors que nous représentons plus de la moitié de la population mondiale et que nous donnons la vie.
La femme mérite donc mieux que le statut d’infériorité, de citoyen de seconde zone dans lequel elle se débat dans beaucoup de pays. C’est la peur du changement, les frustrations et les complexes masculins qui exacerbent les attaques des conservateurs contre les droits des femmes. Ces droits sont donc très fragiles.
La législation est-elle suffisamment répressive ?
Nous avons un important arsenal judiciaire à notre disposition. Mais la loi ne peut pas tout. Ce sont les mentalités qu’il faut faire évoluer et cela passe par un inlassable effort d’éducation, de sensibilisation et d’information. L’état actuel des droits des femmes dans le monde (Iran, Afghanistan etc..) et le nombre inquiétant de féminicides chez nous confirment hélas que le combat est long mais il ne faut pas baisser les bras.
La prévention est-elle efficace ?
La prévention passe par l’éducation et par une meilleure information sur les dispositifs existants. Il faut également une surveillance constante et des actes concrets pour protéger les droits des femmes.
Si vous étiez élue et législatrice, que proposeriez-vous ?
Plutôt que de voter de nouvelles lois qui viennent s’empiler sur celles qui existent déjà, je proposerais surtout davantage de moyens humains et matériels pour mener une politique forte et volontariste. Par exemple, des lieux d’hébergement de secours, des téléphones grave danger en plus grand nombre, des personnels formés à l’écoute de la parole des femmes victimes, des moyens efficaces d’éloignement des conjoints violents etc. Des ordonnances de protection et les hébergements d’urgence doivent prendre en considération notre insularité.
Les femmes n’auront le courage de quitter un conjoint violent que si elles ont la certitude que leurs enfants auront un toit et de bonnes conditions d’accueil.
Souvent les femmes restent et continuent à subir un conjoint violent pour maintenir le niveau de confort de leurs enfants.
Lauréate du concours d’éloquence du barreau de la Guadeloupe quel était le thème de votre plaidoirie ? Le sujet portait sur une citation de Simone de Beauvoir extraite de l’ouvrage Deuxième Sexe, publié en 1949 :
« N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant. »
Comment l’avez-vous développé ?
J’ai décidé de faire un parallèle entre cette citation et la vie de ma grand-mère de Marie-Galante qui s’appelle également Simone affectueusement appelée Man Simone.
Ma Man Simone m’a permis de magnifier la vie de nos grands- mères qui ont été les témoins de l’évolution des droits des femmes et des crises de Guadeloupe (Sorin, fermetures d’usines, grèves, mai 1967, Bumidon, bombes, Hugo, vie chère, violences urbaines, crise sanitaire). Ce sont les mémoires vivantes de notre histoire.
Ces femmes nous rappellent que certains droits qui semblent définitivement acquis aujourd’hui n’étaient pas évidents (posséder un compte bancaire, la contraception etc.).
La citation de Simone de Beauvoir date de 73 ans et pourtant elle est très actuelle, il suffit de regarder les nouvelles du monde. Au-delà du monde, on peut analyser ce qui se passe dans notre Guadeloupe. 2135, c’est le nombre de femmes qui ont été victimes de violences en 2020 au pic de la crise sanitaire. C’est plus que la population de la Désirade, des Saintes ou de Vieux-Fort.
Or, personne, aucun Guadeloupéen, n’accepterait que tous les Désiradiens ou tous les Saintois soient pendant une année victimes de violences physiques et morales, viols, agressions, harcèlements, séquestrations, féminicides, le tout dans une indifférence générale. Imaginer cela, c’est choquant et absurde. Pourtant, c’est ce qui est toléré pour les Guadeloupéennes. C’est notamment ce que j’ai voulu démontrer dans ma plaidoirie et dire que nous sommes tous acteurs à notre échelle de la défense des droits des femmes.