Le chanteur aux pieds nus, le père de la flûte des mornes martiniquaise, auteur aux textes engagés, chanteur à la voix blues, Eugène Mona (13 juillet 1943 – 21 septembre 1991) a tiré sa révérence, après un coup de colère, à Morne calebasse (Fort-de-France).
Une altercation avec un voisin et Eugène Mona (Georges Nilecam) succombe d’une congestion cérébrale, le 21 septembre 1991. A l’annonce de sa mort, c’est la consternation dans toute l’île. Immédiatement, les Martiniquais mesurent la valeur de l’homme et la dimension de sa perte.
Celui qui incarnait « la vi artis red », le « nègre fondamental », lui aussi, au même titre qu’Aimé Césaire, ardent militant de la décolonisation et du patrimoine, avec des titres éloquents, chantre de la vie politique, sociale et culturelle, l’homme mystique, en recherche perpétuelle, quittait la terre des hommes pour rejoindre le « petit chemin » (Ti chimen an), métaphore qu’il utilisait lui-même pour décrire la mort et son parcours irréversible.
Un pilier du patrimoine
Trente ans après, le bilan est là : Eugène Mona ne nous a jamais quittés. Son héritage nous porte aujourd’hui encore et chaque génération est touchée par sa musique, son tempérament de feu, sa dimension humaine, son message au monde alentour. Son combat aura été celui de la mise en valeur du patrimoine musical et culturel de la Martinique. En cela, il aura été un révélateur, un catalyseur, un pionnier, un avant-gardiste.
Infatigable créateur
Au prix d’une lutte humaine sans équivalence, tout comme son homologue, le pianiste martiniquais Marius Cultier pour la biguine et le jazz caribéen, Eugène Mona aura dû puiser dans les racines de nos traditions, infatigable chercheur, infatigable créateur, l’âme même de notre musique.
Un legs qui ne saurait se mesurer au nombre d’années, certes, mais qui nous incombe plutôt de garder dans un coin de notre mémoire individuelle et collective un espace privilégié pour notre chantre, un lieu de la rencontre intime, du partage sans retenue.
Eugène Mona, aujourd’hui, habite chacun de nous, hommes, femmes, enfants, décrit notre réalité insulaire meurtrie, peut-être plus qu’aucun autre, fruit de cette terre qui nous porte, véritable héraut de notre histoire.
Rodolf Etienne
Un héritage inestimable
Crise sanitaire oblige, confinement de surcroît, rien n’est prévu pour dire une fois de plus tout l’amour que son peuple, son pays, sa population, son public portent encore à Eugène Mona. Sans nul doute que la commémoration des 30 ans de sa mort aurait été plus dynamique, plus active, plus vivante si ce n’était la situation sanitaire actuelle de la Martinique, en ce mois de septembre.
Pour autant, cette situation critique ne peut nous faire oublier l’héritage inestimable que laisse Eugène Mona au patrimoine culturel, musical et artistique de la Martinique et plus loin certainement dans la Caraïbe et dans le monde. A défaut de programme de commémoration officielle, sa musique, abondamment disponible sur Internet, peut aisément nous rapprocher de l’homme et de son souvenir. L’occasion aussi de redécouvrir Sur les traces de Mona, le documentaire que lui dédiait Nathalie Glaudon, en 2009.