Sorti en janvier, Basses terres, dernier roman d’Estelle-Sarah Bulle est inspiré par les événements liés à l’éruption de la Soufrière en 1976, en Guadeloupe. Un fait réel qui donne une nouvelle occasion à la romancière d’évoquer la société guadeloupéenne d’aujourd’hui.
Depuis votre premier roman, Là où les chiens aboient par la queue, la Guadeloupe est au cœur de votre écriture ?
Estelle-Sarah Bulle : Oui. La Guadeloupe reste une source d’inspiration. Quand j’étais venue en Guadeloupe, au moment de la sortie de mon premier roman, Là où les chiens aboient par la queue, une dame m’avait dit : « Vous n’en avez pas fini avec la Guadeloupe ! » Ses paroles m’avaient marquée, mais elle avait raison : j’ai encore des choses à dire.
Basses terres, votre roman, publié en janvier, en est l’illustration. Comment l’avez-vous construit ?
J’ai collecté quelques témoignages, de mes parents notamment qui s’en souviennent très bien. Moi, je n’avais que 2 ans. J’en ai gardé de « faux souvenirs », construits à partir de ce qu’on m’a raconté. J’ai eu l’idée d’écrire ce roman quand j’étais en Guadeloupe, l’année dernière. J’ai visité une exposition au fort Delgrès, à Basse-Terre, sur l’éruption de la Soufrière, en 1976. En revoyant les images de l’époque, les coupures de presse…, tout cela m’a donné l’idée de prendre l’éruption imminente de la Soufrière comme décor pour une nouvelle histoire à raconter et qui se déroule à nouveau en Guadeloupe.
Une histoire où se mêlent des problématiques plus contemporaines, notamment le scandale du chlordécone, qui minent la société…
L’idée était de revenir sur un épisode réel de la vie de la Guadeloupe, pour ouvrir la réflexion sur la société guadeloupéenne d’aujourd’hui.
Au milieu de l’effervescence que provoque la Soufrière avec l’exil de familles entières qui fuient vers la Grande-Terre, il y a Eucate, inébranlable, qui choisit de rester chez elle…
Face à ce volcan, cette masse énorme que l’être humain ne peut pas contrôler, j’avais envie de mettre, par contraste, ce qu’il y a de plus fragile dans la société : une vieille femme dans sa case. D’où le personnage d’Eucate, que j’ai totalement inventé.
Vous êtes attendue en Guadeloupe pour des rencontres avec le jeune public. C’est une activité que vous menez aussi dans l’Hexagone ?
Oui ! J’interviens beaucoup pour des ateliers d’écriture avec les enfants dans l’Hexagone. Je suis ravie de pouvoir le faire aussi en Guadeloupe.
Partir en livre, programmé jusqu’au 21 juillet, est une opération destinée à maintenir le lien entre le jeune public et la lecture. Vous percevez leur intérêt pour le livre ?
Je leur demande toujours s’ils lisent, ce qu’ils lisent… et j’ai beaucoup de mains qui se lèvent ! Ce qu’ils lisent est très variable : beaucoup de mangas, et globalement les mêmes ouvrages que dans l’Hexagone, des livres Jeunesse qui ont du succès. Je sens qu’il y a une appétence pour le livre, pour découvrir des histoires : ils ne sont pas du tout réfractaires à la lecture.
La lecture a aussi fait partie de vos activités favorites ?
C’était fondamental pour moi, dès l’âge de 4 ans, dès que j’ai su lire, je suis tombée dans le livre : pour moi, c’était un gros refuge ! Mon accointance avec le livre remonte à très loin ! Il est important de mettre en place des actions comme Partir en livre, des rencontres avec le jeune public. Surtout, il faut aussi que les parents montrent l’exemple. D’ailleurs, la lecture est en baisse aussi chez les adultes. Il ne suffit pas de dire aux enfants : « Il faut lire ! » Tout le monde doit s’y mettre ! Je reste optimiste : le livre est là depuis 2000 ans : il ne va disparaitre, mais ça s’entretient.
Vous avez eu un autre parcours professionnel avant de vous consacrer à l’écriture. Le métier d’écrivain est un chemin de persévérance ?
Tout à fait ! C’est un travail qui n’est pas facile, mais quand on l’a chevillé au corps, on le fait. Ecrire demande du temps, de l’isolement, de la persévérance. Mais, c’est le métier que j’ai choisi et je suis ravie de le faire !
En dehors des rencontres publiques, avec petits et grands, vous échangerez également avec des détenus ?
Précédemment, j’ai eu l’occasion de le faire à Basse-Terre et en Martinique. C’est toujours très enrichissant. Une fois que j’ai passé les grilles, que j’ai fait abstraction du bruit des clés…, je suis avec des gens comme les autres. Les détenus qui participent à ces rendez-vous sont volontaires et ils sont contents de rencontrer un auteur.
Entretien : Cécilia Larney
Rendez-vous avec Estelle-Sarah Bulle
- Lundi 8 et mardi 9 juillet, en collaboration avec les associations Lire pour en sortir et l’Acsad (qui organise des activités en prison), Estelle-Sarah Bulle rencontre des détenus de Baie-Mahault, puis de Basse-Terre.
- Mercredi 10 juillet, à Baillif, Estelle-Sarah Bulle ira à la rencontre des enfants des CLSH et des familles dans le cadre de Partir en Livre. Au programme : lecture théâtrale par Carole Raboteur de l’ouvrage Les fantômes d’Issa, mise en musique par la flûtiste Noe Mie. Echanges avec Estelle-Sarah Bulle et Carole Raboteur autour des thèmes de l’ouvrage.
- Jeudi 11 juillet, à 18 h 30, Estelle-Sarah Bulle est l’invitée des Kafés de L’Arawak pour une présentation de son roman, Basses terres. Hôtel L’Arawak, Pointe de la verdure, Le Gosier.
- Vendredi 12 juillet, à Marie-Galante. Lecture théâtrale de Carole Raboteur (Les fantômes d’Issa). Atelier d’écriture animé par Estelle-Sarah Bulle avec les enfants.
- Samedi 13 juillet, à 17 heures, rencontre avec le public autour du roman Basses terres, à La Souvenance-Maison Schwarz-Bart (Goyave). Lecture théâtralisée et une mise en musique par le groupe Duo, de David Eliezer. Tél. 06 90 94 89 79.