Erika Sennoaj : «La Covid-19 a altéré les relations sociales»

Consultante en ingénierie sociale, Erika Sennoaj partage son analyse des effets de la Covid sur les relations humaines et sociales en Guadeloupe.

Comment analysez-vous le rejet de la vaccination anti-Covid-19 en Guadeloupe ?

Une partie de la population ne se sentait pas suffisamment informée, voire pas du tout concernée par ce qui se passait très loin, « là-bas ». Ensuite, cette posture s’est un peu transformée et on a commencé à voir une scission avec le décompte des décès. Sachant qu’entre le moment où tout cela commence et le décompte, il y a un certain nombre d’informations qui ont été diffusées parfois de manière contradictoire.

La 4e vague, avec l’hécatombe de victimes de la Covid, aura servi d’électrochoc pour que certains se sentent concernés ?

Cette 4e vague a engendré la peur. Quand on a perdu ou qu’on apprend la mort de plusieurs personnes, parfois d’une même famille, proches ou pas, cela crée quelque chose dans le subconscient de certains.

De l’autre côté, on a ceux qui se positionnent clairement dans la défiance médicale, économique, politique, sociale… Chacun va avancer un argument qui n’est pas forcément en lien avec des questions médicales, ni la recherche, ni même le vaccin. Mais, cette défiance va se mettre en place, petit à petit, jusqu’à la cristallisation que l’on observe aujourd’hui en Guadeloupe.

Selon vous, la médecine traditionnelle, pointée du doigt, suffit-elle à justifier le refus de se faire vacciner ?

Non. C’était, à mon sens, de la poudre aux yeux, une manière d’agiter l’opinion publique et de détourner l’attention.

Les réseaux sociaux ont été plus influents dans la décision prise par les uns et les autres ?

Oui. Par rapport aux messages véhiculés ici et ailleurs, le citoyen lambda n’a pas la possibilité, ni l’envie de vérifier l’information, ni la crédibilité de la personne qui diffuse cette information. Quand on a accès à un message, un témoignage, une étude, cela peut suffire à insinuer le doute, voire à convaincre ceux qui étaient déjà hésitants.

Comment expliquer les fractures que la question de la vaccination contre la Covid-19 a causées au sein de familles, de groupes d’amis, de couples, dans les relations de travail…

Depuis deux ans, la Covid est « le » sujet, l’actualité qui rythme notre quotidien. Toutes les attentions sont ramenées à cela. Nos relations humaines et sociales ont été remodelées. Même si on sort de cette tension, je crois qu’elle laissera des traces. Il y a des scissions réelles. La société est coupée en trois : les Pour, les Contre et ceux qui ne veulent entendre parler ni des uns, ni des autres. Toutes les dynamiques sont remises en question, y compris au niveau familial.

Cette pandémie nous aura brutalement projetés dans un « monde d’après » qui continue d’évoluer…

Et, les choses peuvent encore bouger, mais pas forcément dans le sens de la sérénité. On le voit dans le comportement des uns et des autres sur les routes, aux caisses des magasins… On voit que cette tension est présente et altère les relations sociales. Au fur et à mesure qu’on avancera dans cette crise, on verra les conséquences sur nos relations sociales.

C’est un effet de l’enfermement et du flot d’images de cercueils qui s’accumulaient, des milliers de morts… qu’on a visionnées pendant une période ?

C’est sûr. Il y a des personnes qui ont été traumatisées par cela. Nous sommes un peuple de l’oralité, une communauté qui vit à l’extérieur, on passe notre temps à échanger avec l’autre. Et, subitement, on s’est retrouvé enfermé sans trop comprendre ce qui se passait.

Une fois qu’on en est sorti, il y a eu une succession de confinements, couvre-feux, des restrictions… Forcément, il y a un impact chez les personnes âgées, les actifs, les jeunes, les étudiants… Aujourd’hui, les enfants doivent apprendre à lire, écrire, compter, chanter… avec un masque sur le visage. On risque de voir grandir des enfants avec d’autres troubles que ceux que nous connaissons aujourd’hui parce qu’ils n’ont pas pu percevoir des sons, des formes, des émotions…

Que préconisez-vous ?

Que nous maintenions le lien les uns avec les autres, tout en prenant des précautions. Les réunions Zoom, c’est bien, mais l’humain a besoin d’autre chose !

Propos recueillis par Cécilia Larney

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