Guy-Henri Vingataramin est président du Mouvement d’action syndicale de Marie-Galante. Planteur de cannes, il a subi de plein fouet, comme 1 700 planteurs de la Grande Galette, l’explosion de la chaudière de l’usine sucrière de Grande Anse, le 14 avril, deux jours après le début de la campagne et l’arrivée des cannes dans la cour de l’unité industrielle.
Depuis, rien ne va plus sur l’île. Pour protester contre cette situation, les planteurs organisent, le 1er mai, un tour de l’île pour expliquer ce qu’il se passe et sensibiliser la population. Rendez-vous à 7 heures, samedi, devant l’usine.
Que s’est-il passé à l’usine le 14 avril ?
La chaudière de l’usine a explosé. L’usine est morte depuis. Pourtant, il y a un tableau de fonctionnement, un moyen de contrôler ce qu’il se passe pendant le fonctionnement de l’usine. On ne comprend pas. Nous, ce que nous savons c’est que l’usine a donné l’ordre de coupe, à savoir le moment où nous devions couper la canne et l’apporter à l’usine pour qu’elle y soit broyée. Nous avons apporté des cannes deux jours avant, pour que l’usine fonctionne sans interruption. 2 000 tonnes de cannes ont été coupées et livrées à l’usine. Elles ont été mises dans la cour, 3 000 tonnes ont été coupées et étaient dans les champs. Elles y sont encore. Ce sont les cannes qui devaient être apportées au fur et à mesure que les premières étaient broyées. Quand la chaudière a fait explosion, nous avons compris que cette canne ne serait pas broyée de sitôt.
Qu’avez-vous fait ?
Nous avons demandé que les cannes qui avaient été pesées à l’usine, mais aussi celles qui étaient encore dans les champs en attente d’être transportées à l’usine soient analysées pour savoir la teneur en sucre. On nous a dit que la teneur moyenne était de 9,80. Nous nous sommes entendus pour que ces cannes soient payées pour cette richesse. Pas en dessous. Si la richesse est supérieure, il faudra payer le prix de cette richesse. Mais, l’usine se décharge du problème en disant qu’il faut voir avec la Sicama. Nous ne sommes pas d’accord. En attendant qu’on trouve une solution, les cannes se gorgent d’eau, avec les pluies qui sont arrivées, et il y a une perte de richesse.
Vous ne voulez pas que les cannes soient transportées pour être broyées à l’usine sucrière de Gardel, au Moule ?
Non, chaque année, on voit que Gardel ne prend pas toute la canne de la Guadeloupe. On voit bien qu’il y a des camions chargés de cannes qui attendent longtemps leur tour. On voit bien qu’en fin de saison, quand l’usine dit que la campagne est finie, il y a encore des cannes sur pied dans les champs. Vous imaginez bien que la canne de Marie-Galante ne sera pas leur souci. Si on envoie nos cannes là-bas, on va oublier la réparation et on va nous oublier. Et l’année prochaine, l’usine sera fermée depuis un an… Ce sera une affaire finie, la canne à Marie-galante ce sera fini. Ce sera la mort de Marie-Galante !
Il faut pourtant une solution pour vos cannes !
Bien sûr. Mais nous ne voulons pas les apporter à Gardel, comme je vous l’ai dit. Nous voulons que la canne soit payée puisque l’usine a donné l’ordre de coupe. Il y a des quotas par planteur, tout le monde, l’usine comme les planteurs, sait bien ce que chacun a dans son champ. Ensuite, il faut réparer la chaudière, remettre réellement l’usine en état et se préparer pour la prochaine campagne. Sérieusement.
Pourquoi, on ne l’a pas fait sérieusement pour cette campagne-ci ?
L’usine a dit que des travaux ont été faits pendant l’inter-campagne. Et deux jours après le début de la campagne, la chaudière explose ? Il y a un manque de regard sur les subventions qui sont données à l’usine par l’Etat, les collectivités. D’ailleurs, bien avant le début de la campagne, on nous avait parlé de la solution de transporter les cannes à Gardel, de fermer l’usine puisqu’on ne construirait pas la centrale thermique, malgré le protocole qui a été signé par tout le monde. Nous avons écrit au préfet pour lui dire que ce n’était pas possible d’agir comme ça. Il est venu, il a constaté les choses. D’ailleurs, tout le monde est venu quand nous avons attiré l’attention sur ce problème. Nous avons eu des assurances que l’usine ne serait pas fermée, qu’il y aurait bien la centrale thermique. Et deux jours après le début de la campagne, la chaudière explose et tout tombe à l’eau !
Pourtant, la Sicama a assisté à une réunion avec le préfet et les collectivités en début de semaine et la décision a été prise de transporter les cannes à Gardel ?
Nous ne sommes pas d’accord sur ce qu’il s’est passé. On ne nous a pas réunis pour prendre une décision en commun avant d’aller voir les autorités. Nous avons appris que les cannes devaient aller à Gardel, comme les autres Guadeloupéens en écoutant les nouvelles. Nous ne comprenons pas cette façon de faire.
Prochaine étape ?
Nous ne céderons pas. Il ne faut pas fermer cette usine. Nous nous sommes battus pour qu’elle continue de tourner et de broyer la canne des Marie-Galantais. Si elle ferme, c’est la fin. Samedi, nous allons faire le tour de Marie-Galante pour que tout le monde soit sensibilisé à ce gros problème.
Propos recueillis par André-Jean VIDAL