En Guyane, le carnaval malgré le Covid-19

Samedi 9, puis samedi 16 janvier, Nana n’a pas ouvert ses portes. L’université carnavalesque de Cayenne, inaugurée en 1953, accueillait pourtant les bals paré-masqué depuis 1959.  Mais, début janvier, les maigres espoirs des carnavaliers étaient douchés : à l’image des discothèques, « tous autres établissements à caractère commercial ayant pour objet l’exploitation d’une piste de danse ne peuvent accueillir de public », tranchait la préfecture. Il en faudra pourtant davantage pour réfréner les ardeurs des carnavaliers.

Les touloulous ne pourront donc pas retrouver leurs cavaliers dans les dancings. Quant aux cavalcades du dimanche, soumises à autorisation préfectorale, comme tout rassemblement organisé sur la voie publique, elles n’avaient guère de chance d’obtenir un feu vert. Depuis début octobre, le Covid-19 circule activement en Guyane.

Et pourtant… Durant les vacances de Noël, plusieurs groupes de rue ont été arpentant les rues. Dimanche 10 janvier, quelques dizaines de personnes se présentent sur le parcours habituel des cavalcades, dans le centre de Cayenne. Des groupes improvisent des arrivées de Vaval, dans Cayenne et chez des particuliers. En fin de journée, la police intervient pour mettre fin au défilé. Un carnavalier est mordu par un chien des forces de l’ordre.

Plusieurs centaines à parader à la Zac Hibiscus

Le jeudi suivant, des manifestants braveront le couvre-feu, devant la préfecture, à la fois pour dénoncer l’intervention de la police, pour contester les restrictions imposées pour lutter contre l’épidémie et soutenir les carnavaliers. Trois jours plus tard, ils seront cette fois-ci plusieurs centaines à parader sur la ZAC Hibiscus, nouveau lieu festif. Mayouri Tchò Nèg, l’un des principaux groupes de rue, a revendiqué sa participation. D’autres, tel Kassialata, ont annoncé qu’ils ne sortiront pas cette année. Ce n’était que l’épilogue d’un week-end où nombreux sont ceux qui ont vécu le carnaval à leur manière.

De l’après-midi jusqu’au petit matin

Samedi midi, des touloulous ont déposé des bougies devant chez Nana. Dans l’après-midi, au moins une demi-douzaine de rassemblements dansants se sont déroulés dans l’Île-de-Cayenne. Certains se sont organisés sur des groupes de discussions créés pour l’occasion ; d’autres interdisent toute communication par des moyens numériques sur le sujet. Certains ont demandé aux dames de venir en tenue de touloulou et aux hommes de porter le masque, d’autres non. Certains ont invité des artistes, d’autres ont privilégié la playlist. Certains ont diffusé leurs vidéos sur les réseaux sociaux, d’autres interdisent l’utilisation des téléphones portables pendant la danse. Certains ont respecté le couvre-feu de 19 heures, d’autres se sont prolongés jusqu’au milieu de la nuit. Au petit matin, certains se sont retrouvés dans le secteur de Zéphir, pour un vidé matinal. Tous attendent désormais, de savoir si un durcissement des mesures contre l’épidémie – notamment un éventuel retour du couvre-feu toute la journée du dimanche – les contraindra à de nouvelles adaptations. A renoncer à leur carnaval, probablement pas.

Pierre-Yves Carlier

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