Emmanuel Petit : « Le foot professionnel représente un espoir social »

Ancien joueur de l’Equipe de France et d’Arsenal (Angleterre), champion du monde 1998, Emmanuel Petit a entraîné des jeunes de Martinique et de Guadeloupe dans le cadre du stage de perfectionnement de la Corsair Foot Academy, jusqu’au 15 juillet. Entretien.
Depuis quand entraînez-vous des jeunes joueurs ?
Emmanuel Petit : Ha ! (Rires) J’entraîne mes filles à devenir des bonnes personnes depuis leur naissance. Je n’ai pas les diplômes d’entraineur, mais je considère qu’être parent, c’est être un entraineur également, c’est une autre façon de voir et de définir ce mot. Mais, derrière tout parent, il y a un pédagogue, un formateur et si on fait un prolongement sur le terrain, il suffit juste de rajouter un ballon.

Comment cette aventure avec la Corsair Foot Academy a-t-elle débuté ?
Cela fait des années que Luc Sonor me contactait pour participer à la Corsair Foot Academy. Ces dernières années, je n’ai pas pu venir pour des raisons professionnelles ou personnelles, mais depuis l’année dernière, je suis disponible durant cette période. C’était également l’une des conditions, la disponibilité des joueurs : on sait qu’ils sont engagés dans des clubs ou dans d’autres structures sportives. Il fallait attendre la fin de la saison. La Coupe du monde aura lieu au mois de novembre, donc tout était parfait.

Quel est votre ressenti suite aux entraînements au sein de la Corsair Foot Academy ?

C’est un réel plaisir. C’est toujours un déchirement de finir un stage. C’est vrai que l’on peut voir un peu de fatigue au bout des cinq jours, mais les enfants ont énormément de nostalgie à la fin du stage et ils sont impatients de revenir l’année prochaine. Pour moi, le plus important c’est que l’on soit tous réunis autour d’une passion commune avec le désir de progresser. Eux, veulent progresser en tant que joueur de football. Nous, nous voulons progresser en tant qu’entraineur, formateur ou accompagnateur.

J’adore bosser avec les gamins parce que les enfants sont des éponges, ils demandent, ils sont toujours en train de nous solliciter. Le premier jour, il y a toujours un peu de timidité, ils restent dans leur coin, même entre eux. Lundi, je leur ai dit : « Les gars, je veux voir des joueurs s’engueuler, s’encourager, s’interpeller, rigoler… C’est ça la vie : le football, c’est la vie ! ». Tous les enfants sont appliqués et sérieux : ils ont envie de bien faire, mais il y a toutefois une différence de niveau, de qualité physique et de précocité. Mais, nous nous sommes adaptés, car on n’avait pas envie de faire trop de groupes élitistes. On veut vraiment qu’il y ait un partage et une émulation.

Avez-vous repéré des joueurs prometteurs, cette année ?
Aujourd’hui, avec les réseaux sociaux et l’ascenseur social que peut représenter le football professionnel, il y a une très forte attente chez les jeunes en métropole, mais elle est démultipliée ici. On a l’impression d’être loin de tout, d’être oublié par la métropole, sans parler des enjeux socio-économiques propres aux Antilles. Il faut vraiment préserver la jeunesse, il faut faire en sorte de lui donner les moyens de s’émanciper et d’avoir un espoir social. Le football en fait partie, tant mieux.

On a vu un niveau qui variait en fonction des joueurs, mais on a vu des éléments très intéressants. La Corsair Foot Academy reste un stage de cinq jours : il faudrait peut-être l’élargir, mais cela aurait un coût pour les parents… C’est bien aussi de pouvoir revenir tous les ans, parce qu’on remarque que ce sont souvent les mêmes joueurs qui reviennent : cela permet de faire un suivi. Tous les enfants ont le désir de recevoir une invitation d’un club professionnel pour pouvoir faire un essai. Il y avait des joueurs qui devaient faire des essais l’année dernière, cette année également. J’ai connu cela à leur âge : partir de chez soi à 12-13 ans et être plongé dans un monde totalement différent du sien, ça fait peur. C’est un saut dans l’inconnu qui est nécessaire. Si on veut devenir professionnel, il faut être prêt à tous les sacrifices qu’ils soient physiques, mentaux ou affectifs. Il faut être prêt à payer le prix.

Quel a été le programme de ces cinq jours de stage ?
Nous avons tous reçu la consigne que l’après-midi est réservé aux matchs. Chaque joueur a sa personnalité et des façons d’entraîner qui sont différentes. Chaque personne s’inspire de ce qu’elle a pu connaître en tant que joueur, mais aussi des techniques d’entraînements actuelles. Pour ma part, tout est fait avec le ballon. Je veux que les jeunes prennent du plaisir, ils ont fait du physique mais avec le ballon, je n’avais pas envie de leur faire des entraînements physiques. Je souhaite qu’ils progressent sur le plan tactique et technique. Je veux leur donner des outils. Je leur ai dit qu’après l’entrainement, mes devoirs ou mes tâches domestiques, je m’entrainais seul contre un mur, je maniais le ballon jusqu’à ce qu’il soit le prolongement de mon corps. Puis, je m’entraînais avec une balle de tennis, je m’imposais des défis tous les jours, en passant deux à trois heures face à un mur. C’est un moyen de maitriser toutes les parties du pied, on peut s’imposer 10 000 challenges ! Pour moi, c’est une formation accélérée d’un point de vue technique.

Propos recueillis par Tafari Tirolien

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