Dans son rapport intitulé « Payer le prix de la guerre : Perspectives économiques de l’OCDE, Rapport intermédiaire, septembre 2022 », l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a révisé à la baisse ses prévisions de croissance économique pour 2022 et 2023.
Les quatre principales conclusions du rapport sont les suivantes :
1) Le ralentissement de l’économie mondiale est plus fort que prévu
2) L’inflation s’est généralisée
3) L’inflation va fléchir mais rester élevée
4) Une réduction de la demande et une diversification des approvisionnements sont indispensables pour éviter les pénuries d’énergie.
Selon le rapport, « l’économie mondiale paie au prix fort la guerre d’agression non provoquée, injustifiable et illégale menée par la Russie contre l’Ukraine. Conjuguée aux effets encore persistants de la pandémie de Covid-19, la guerre vient ralentir la croissance et ajoute aux tensions sur les prix, surtout ceux de l’alimentation et de l’énergie. Le produit intérieur brut (PIB) mondial a stagné au deuxième trimestre 2022 et la production a reculé dans les économies du G20. L’inflation perdure plus longtemps que prévu à un niveau élevé. Dans de nombreuses économies, l’inflation a atteint, au premier semestre 2022, un pic inédit depuis les années 1980. Au vu de la dégradation des indicateurs récents, les perspectives économiques mondiales s’assombrissent. »
La guerre en Ukraine a plombé les économies
En dépit de la baisse significative du nombre de contaminations au Covid-19 dans le monde, indique l’OCDE, la croissance mondiale devrait rester faible au second semestre 2022.
Qui pis est, la décélération devra se poursuivre en 2023 pour atteindre un niveau de croissance annuelle de seulement 2.2 %. Le PIB mondial devrait, selon les projections du rapport, être inférieur d’au moins 2 800 milliards de dollars américains en 2023, comparé aux prévisions de décembre 2021, avant le déclenchement de la guerre en Ukraine.
Les coûts liés à cette guerre sont divers, mais ce montant donne une idée de son prix au niveau mondial en termes de production économique, indiquent les rapporteurs.
Il n’y a pas que la guerre russo-ukrainienne à affecter les économies du monde. Même si ses conséquences de cette guerre seront encore plus lourdes que prévues sur la croissance économique, admet l’OCDE.
Parmi les autres facteurs, on peut compter les mesures de lutte contre l’inflation des différentes banques centrales. « L’un des principaux facteurs de ralentissement de la croissance mondiale tient au resserrement généralisé des politiques monétaires en raison du dépassement plus marqué que prévu des objectifs d’inflation. Les confinements stricts en Chine accompagnant la politique zéro Covid du pays ont également eu un impact sur l’économie chinoise mais aussi mondiale. Les suspensions d’activité et les défaillances du marché immobilier ralentissent la croissance chinoise qui est descendue à seulement 3.2 % en 2022. », précisent l’OCDE.
La croissance du PIB au point mort
« La croissance du PIB est au point mort dans de nombreuses économies, et les indicateurs économiques indiquent un ralentissement prolongé », a poursuivi le secrétaire général du forum qui regroupe les pays développés, Mathias Cormann, lors de la présentation du rapport.
Au mois de décembre 2021, avant l’invasion russe en Ukraine, l’OCDE prévoyait un taux de croissance économique mondiale de 4,5 % pour l’année 2022 et de 3,2 % en 2023. D’abord, ces prévisions ont été revues à la baisse en juin 2022 avant d’être rabaissées à nouveau en septembre 2022 à 3 % pour l’année en cours et à 2,2 % en 2023.
Les grandes économies frappées de plein fouet
Les sombres perspectives économiques frapperont de plein fouet l’économie américaine. Les prévisions de taux de croissance tombent de 3,7 % à 1,5 % en 2022 versus 2,4 % à 0,5 % en 2023. L’Union européenne voit sa prévision de croissance régresser également en passant de 4,3 % à 3,1 % pour l’année en cours et de 2,5 % à 0,3 % en 2023.
L’économie européenne devrait être sévèrement touchée par la diminution des livraisons du gaz russe si aucune entente n’est trouvée entre les protagonistes avant l’hiver.
La croissance de l’économie chinoise sera, elle aussi, en berne. Pas pour les mêmes raisons que les économies américaine et européenne mais plutôt à cause des mesures de confinement strict liées à sa politique zéro Covid-19. L’économie chinoise devrait terminer l’année 2022 avec un taux de croissance économique annuel de 3,2 %. Il s’agit du plus faible taux de croissance économique chinois depuis les années 70, si l’on ignore 2020, l’année de la pandémie.
Exposée aux conséquences de l’économie mondiale, la croissance de l’économie canadienne sera plus faible que prévue initialement, indique l’OCDE. De 3,9 % en décembre 2021, la prévision de son taux de croissance chute à 3,4 % pour l’année 2022. La prévision était de 2,8 % pour 2023 avant d’être ramenée uniquement à 1,5 %.
Une inflation mondiale élevée
L’inflation mondiale devra diminuer mais demeurera élevée, selon l’OCDE. Au Canada, le taux d’inflation passera d’environ 7 % en moyenne en 2022 à 4,5 % l’année prochaine, selon les prévisions.
En conséquence, le taux directeur de la Banque centrale devrait atteindre 4,5 % l’année prochaine, soit 1,25 point de pourcentage de plus qu’actuellement. La hausse de ce taux directeur impactera surtout les taux d’intérêt sur les hypothèques et éventuellement sur le taux de croissance économique.
L’OCDE précise que ces prévisions sont réalisées dans un environnement empreint d’« incertitudes considérables » qui, pour la plupart, pourront s’aggraver et retarder les complications en cours, bien au-delà de 2023.
Et ce n’est vraisemblablement pas fini
Parmi ces risques, l’OCDE mentionne « la poursuite des hausses des prix des denrées alimentaires et de l’énergie qui pourrait faire basculer nombre de personnes dans la pauvreté, ou encore l’éventualité de pénurie de gaz avec l’arrivée de l’hiver dans l’hémisphère nord. »
Les pays européens pourraient commencer à manquer de gaz naturel à compter du mois de février 2022, voire à partir du mois de janvier si le froid se fait beaucoup plus rude. Pour retarder la pénurie, il faudrait réduire la consommation de gaz de 10 % à 15 % par rapport à la moyenne des dernières années.
La Russie de Vladimir Poutine sera elle aussi durement touchée par la guerre et la conjoncture actuelle. L’année dernière, elle avait enregistré un taux de croissance économique de 4,7 %.
A cause des sanctions économiques, l’économie russe connaitra des contractions de 5,5 % l’année en cours et 4,5 % l’an prochain. Il s’agit quand même d’une récession moins poussée que prévue puisque la Russie continue de percevoir d’importants revenus de la vente de son énergie fossile à l’étranger, malgré l’imposition des sanctions économiques.
En téléconférence de presse lors du lancement du rapport, l’économiste en chef par intérim de l’OCDE, Álvaro Santos Pereira, a confirmé que c’est « la pire récession pour un pays du G20 en 30 ou 40 ans ». « Le prix de la guerre est énorme pour la Russie. », a-t-il noté.
En Haïti, les perspectives sont
encore plus préoccupantes
En Haïti, les perspectives de croissance économiques sont encore plus alarmantes, à l’exception des pays en guerre.
Le taux de croissance économique a été de -1,7 % en 2018-2019, -3,3 % en 2019-2020 et -1,8 % en 2020-2021. En 2021-2022, les autorités avaient prévu un taux de croissance économique de -0,4 % avant le nouvel épisode « peyi lòk » et des turbulences politiques de la fin du mois d’août 2022.
Aujourd’hui, on est donc sûr d’avoir une quatrième année consécutive de croissance économique négative pour l’année fiscale close le 30 septembre 2022. Et la cinquième année fiscale qui débute le 1er octobre 2022 commence déjà très mal. De quoi laisser songeurs les agents économiques.
Source : Le Nouvelliste (Thomas Lalime)