Président de la Fédération des Très Petites Entreprises de Guadeloupe, Alan Nagam déplore l’absence de schéma de développement économique en phase avec la réalité du territoire et permettant de récréer de l’emploi en Guadeloupe.
Deux ans après le début de la pandémie, quelle est la situation des Très Petites Entreprises (TPE) de Guadeloupe ?
Nous avons la capacité en Guadeloupe de savoir nous relever après une chute. Aujourd’hui, les entreprises essayent d’avancer en se débrouillant. Mais, on sait bien que le schéma économique est à revoir. Tous les dispositifs annoncés comme le Plan de relance, le Plan pour la jeunesse, c’est pour la gestion de la précarité. Aujourd’hui, il n’y a aucune perspective de relance de la situation économique de la Guadeloupe.
Les dispositifs mis en place par l’Etat ont-ils permis aux chefs d’entreprise de préserver leurs structures et l’emploi ?
C’est vrai que le Prêt Garanti par l’Etat (PGE) a permis à certaines entreprises de tenir le coup, mais une grande partie des entreprises n’a pas pu bénéficier du PGE.
Pourquoi ?
Parce qu’elles étaient mal structurées, mal accompagnées. J’ai même découvert des entreprises ne disposant pas de bilan comptable parce que la relation entre l’expertise comptable et l’entreprise est difficile, non adaptée au territoire. Aujourd’hui, aucune petite entreprise n’est prête à payer 3000 euros pour avoir l’aide d’un expert-comptable. Il nous faut certainement créer un service adapté à ces très petites structures pour relancer l’économie. Tous ces outils sont à mettre en place si nous voulons répondre à la situation économique du territoire.
Mais, n’oublions pas que le PGE remplaçait le chiffre d’affaires non perçu par les entreprises et qu’il doit être remboursé. C’est aussi une difficulté. Or, économiquement, la situation n’a pas redémarré : les entreprises ne retrouveront pas leur chiffre d’affaires. L’année 2022 est une année transitoire difficile.
Quant au projet des élus guadeloupéens, il ne comprend aucune perspective de développement économique pour le territoire. Quand ils parlent d’embaucher 170 jeunes pour les mettre à disposition des TPE, ce serait pour quoi faire ?
Il n’y a pas eu de concertation ?
Aucune concertation, alors que nous sommes porteurs de projets avec des perspectives. Pour l’instant, nous continuons à semer des grains sur un schéma qui est obsolète et à gérer la soupape sociale. Aujourd’hui, rien n’est fait pour sortir du chômage de masse. Pourtant, avec le potentiel de la Guadeloupe, nous pouvons aller vers le plein-emploi à condition que nous nous orientions tout de suite vers la relance de la production industrielle dans la biodiversité végétale, dans la biodiversité animale, la biodiversité marine.
Que faudrait-il, selon vous ?
Il faut que la Région donne des garanties aux banques pour permettre aux entreprises de renforcer leur trésorerie des entreprises. Ensuite, il faut qu’on recrée l’investissement dans le territoire, comme cela se faisait à l’époque de la Sagipar (Société Antilles Guyane d’Investissement et de Participations) pour favoriser la relance industrielle.
Nous sommes obligés de le faire en contactant de potentiels investisseurs étrangers et européens. Rien n’est fait aujourd’hui en ce sens : la politique menée aujourd’hui est plus basée sur un schéma qui n’a jamais répondu à l’évolution de la Guadeloupe, en matière d’insertion, de formation… Aujourd’hui, on forme les jeunes à des métiers qui n’ont pas d’avenir. Aujourd’hui, on est en train de jouer avec la soupape sociale, de miser sur le développement du RSA (Revenu de solidarité active). Nous n’avons aucun schéma économique de développement de la Guadeloupe. Vraiment, aucun.
Dans ce contexte, quelle(s) alternative(s) pour les TPE ?
Nous travaillons sur des schémas d’envergure parce qu’il est hors de question que les entreprises se relancent dans le schéma actuel. Des petites entreprises avec un chiffre d’affaires inférieur à 50 000 euros ne nourrissent qu’une personne. Aujourd’hui, si nous voulons relancer l’emploi, il faut que nous accompagnions la capitalisation des entreprises pour créer des structures d’envergure en capacité de générer entre 5 et 10 emplois avec un marché qui doit se tourner vers l’exportation du savoir-faire de la Guadeloupe. Nous avons l’expérience, le moral, l’envie de construire notre territoire, de recréer des entreprises, parfois sans bénéficier d’un accompagnement bancaire.
Si véritablement, l’Etat, la Région Guadeloupe ou le Conseil départemental veulent avancer, nous serons à leurs côtés. Nous venons de mettre en place la relance de la formation dans le textile industriel. Nous avons aussi récupéré un atelier à Capesterre Belle-Eau pour former les jeunes aux métiers du bois. Nous sommes en train de relancer le carrelage, la plomberie…, tous les métiers nécessaires aujourd’hui sur le territoire.
Nous préparons pour les jours à venir une conférence avec la Chambre des métiers pour informer, travailler en ateliers et faire en sorte que la Chambre des métiers soit le précurseur de cette relance économique d’activité des entreprises pour redonner au Guadeloupéen sa place dans la société guadeloupéenne.
Propos recueillis par Cécilia Larney