Bérengère Couillard, secrétaire d’Etat en charge de l’Ecologie, de passage en Guadeloupe a tenu à participer à une opération coup de poing contre « les espèces envahissantes. »
PAR ANDRÉ-JEAN VIDAL
« Il y a un serpent dans mon jardin ! » Cette phrase retentit comme un appel de détresse à la caserne de sapeurs-pompiers. Une équipe se déplace, avec un spécialiste des reptiles, civil auquel on fait appel régulièrement parce qu’il connaît bien ces animaux à sang-froid venus d’ailleurs.
Ce serpent, souvent un boa de petite taille (moins de 2 mètres de long) a été introduit par un amateur de NAC. Les nouveaux animaux de compagnie. L’animal s’est échappé de son terrarium ou encore, une fois devenu trop grand et moins « mignon », plus effrayant, il a été lâché dans la nature, débrouille-toi. Il faut dire aussi que nourrir ces bestioles n’est pas simple : une souris vivante toutes les semaines… Même si, devenu adulte, une proie toutes les deux semaines suffira à son bonheur.
Que fait-il ? Il dort toute la journée… il ne se dépense pas beaucoup pour chercher sa pitance que son propriétaire lui déposera toute tremblante de peur dans son espace de temps en temps.
FAUNE INVASIVE
Si le boa est un intrus, il ne se reproduit pas faute d’autres boas… Les espèces invasives sont essentiellement de oiseaux, d’autres reptiles, des amphibiens, quelques mammifères, dont les écureuils, et poissons d’eau douce. Néanmoins la liste des espèces qu’il ne faut pas introduire sur le territoire sous quelque forme que ce soit… sauf naturalisés (empaillés), est impressionnante.
Prenons les oiseaux. Il y en a 14 qui sont repérés dans la nature, espèces venues d’ailleurs, mais seulement deux envahissantes. Il s’agit de la tourterelle turque (Streptopelia decaocto, avec un collier noir autour du cou, introduite en 1976) et le moineau commun d’Europe (Passer domesticus).
Il y a aussi des fourmis manioc, arrivées dans les pots ou des chargements de bois, dévastatrices des cultures et des jardins floraux.
Et puis, l’iguane. Iguana delicatissima, iguane de Guadeloupe. L’espèce est menacée par la destruction de son habitat, la prédation des nids et des jeunes iguanes par les chats et les chiens errants, la compétition avec les autres herbivores et les risques d’hybridation avec l’iguane vert, Iguana iguana, venu d’ailleurs et de plus en plus présent.
FLORE INTRUSIVE
La flore n’est pas moins touchée. Des milliers de plantes constituent une invasion. Et même une intrusion, car des plantes croient et se multiplient, remplaçant les plantes locales.
Prenons, simplement le milieu aquatique d’eau douce en Guadeloupe. On dénombre 4 espèces aquatiques exotiques envahissantes : la Laitue d’eau (Pistia stratiotes), la Salvinie géante (Salvinia molesta), l’Hydrille verticillée (Hydrilla verticillata) et la Jacinthe d’eau (Pontederia crassipes).
En Martinique on compte 1234 taxons exotiques parmi les plantes vasculaires (plantes à fleurs et fougères) soit plus de la moitié de la flore. La grande majorité d’entre elles sont des plantes alimentaires ou utilitaires, n’ayant pas de caractère envahissant.
La Martinique, bien que pour l’instant peu touchée par ce phénomène par rapport à d’autres îles tropicales dans le monde, doit tout de même faire face au développement problématique de quelques espèces exotiques envahissantes comme Funtumia elastica (Apocynaceae) dans les forêts mésophiles, Triphasia trifolia (Rutaceae) dans les forêts sèches littorales ou Echornia crassipes (Pontederiaceae) et Hydrilla verticilata (Hydrocharitaceae) dans les milieux aquatiques d’eau douce.
La loi
« La production, la détention, la cession à titre gratuit ou onéreux, l’utilisation, le transport, l’introduction quelle qu’en soit l’origine, l’importation sous tous régimes douaniers, l’exportation, la réexportation de tout ou partie d’animaux d’espèces non domestiques et de leurs produits ainsi que des végétaux d’espèces non cultivées et de leurs semences ou parties de plantes, dont la liste est fixée par arrêtés conjoints du ministre chargé de l’environnement et, en tant que de besoin, du ou des ministres compétents, s’ils en font la demande, doivent faire l’objet d’une autorisation délivrée dans les conditions et selon les modalités fixées par un décret en Conseil d’Etat. »
Article L412-1, code de l’environnement
Le poisson-lion
Il y a quelques années, l’arrivée du poisson-lion dans l’archipel a surpris les marins-pêcheurs.
Introduit accidentellement en Floride dans les années 1985/1990, le poisson lion, Pterois volitans/miles, dénommé aussi rascasse volante, poisson scorpion ou lionfish en anglais, occupe désormais toute la zone Caraïbe et tous les écosystèmes côtiers.
Ce petit poisson actif, prolifique, dispose d’un système incapacitant très puissant sur les nageoires dorsales, pelviennes et anales. Il peut donc être un danger pour les baigneurs et plongeurs. Selon les cas, la piqure entraîne un état de choc se traduisant par une grande faiblesse, des nausées, une chute de la pression artérielle et une détresse respiratoire.
Mais, le poisson-lion est un prédateur pour d’autres poissons de récifs coralliens, donc un intrus. Si l’éradication du poisson lion semble impossible, la connaissance de l’espèce et de sa répartition mais aussi le contrôle des populations sont possibles. Que faire ? Les pêcher avec précaution. Attention aux épines ! Les éplucher et en consommer les filets. C’est un poisson goûteux. Un vrai délice.
Au fil de l’histoire
Au gré des siècles, des bestioles ont été importées pour rendre des services à l’homme. Ainsi, le crapaud buffle a servi à éliminer le ver des cannes à sucre, la mangouste pour s’attaquer à la population des rats. Lesquels rats ont gagné la Guadeloupe dans les bateaux sinon de Colomb, du moins des visiteurs qui n’ont pas manqué après la découverte. C’est un vieil habitué de nos régions.
Le rat a dévoré les œufs des oiseaux, voire les oisillons, la mangouste a éliminé de nombreux reptiles aujourd’hui disparus.
Dans les années 1980 sont apparues les tortues de Floride, confinées en bacs, le contenu des bacs mis au fossé. Les tortues ont grandi, se sont multipliées… Elles dévorent les poissons dans les rivières, tout comme les œufs d’écrevisses, les jeunes, etc.
Il y a quelques années, l’importation de petits pirhanas n’avait pas inquiété jusqu’à ce que des pirhanas de belle taille soient retrouvés dans certains cours d’eau. De la taille de la main, il est difficile, en effet, de les conserver en aquarium. Ces poissons-là, de plus, adorent la nourriture vivante…
Désormais, ce sont les NAC qui inquiètent les autorités. Les animaleries sont ainsi particulièrement surveillées.
Attention à l’anoli à crête de Porto Rico !
Cet anoli originaire de Porto Rico, Ctenonotus cristatellus ou Anolis cristatellus, est une espèce considérée comme invasive dans toute la Caraïbe. Connue à ce jour comme espèce introduite en Floride, au Mexique, au Costa Rica, à Saint-Martin, dans la grande majorité des Grandes Antilles et à la Dominique, elle pourrait être présente et encore discrète dans d’autres îles des Petites Antilles.
Cette espèce comme d’autres anolis peut voyager sur les bateaux de plaisance ou dans des containers voyageant d’îles en îles, mais elle peut aussi s’échapper de captivité, car il s’agit d’une espèce vendue comme NAC (Nouveau Animaux de Compagnie).
L’Anoli de Porto Rico est aujourd’hui considéré comme une Espèce Exotique Envahissante (EEE) pour son caractère très agressif qui en fait une espèce dominante face aux Anolis endémiques. Les mâles chassent les mâles des autres espèces qui disparaissent. Mais aussi ses fortes capacités de colonisation des habitats xérophiles (secs) et littoraux.
A la Dominique depuis son arrivée à la fin des années 1990 à Roseau, l’espèce a rapidement colonisé une grande partie du littoral de la moitié sud de l’île. Aujourd’hui là où elle s’est installée, l’espèce endémique a quasiment disparu !
L’augmentation des échanges maritimes avec la Dominique (Passagers, barges de sables, …) et l’engouement pour les Nouveaux Animaux de Compagnie (NAC) en Guadeloupe constituent des risques importants d’introduction de cet invasif à court ou moyen terme dans notre Archipel. Ce qui serait une catastrophe pour nos espèces endémiques, particulièrement pour celles des dépendances et des îlets (Marie Galante, Petite Terre, La Désirade, Les Saintes, Îlet Kahouanne, Îlet Pigeon …).
Source : faune-guadeloupe.com
Invasives de Martinique
. Le Bambou commun (Bambusa vulgaris), peut atteindre 15 à 20 m de haut.
. L’Hydrille verticillée (Hydrilla verticilla) est une plante aquatique immergée dont les tiges ramifiées peuvent atteindre 3 m de long.
. La Jacynthe d’eau (Pontederia crassipes) est originaire d’Amazonie. C’est une plante aquatique flottant sur l’eau.
. Pistia stratiotes, appelée Laitue d’eau, est une plante aquatique flottante.
. La Liane mauve (Thunbergia grandiflora) est originaire d’Asie.
. Miconia calvescens est une plante originaire du Mexique.
. La Petite citronnelle (Triphasia trifolia), originaire d’Asie du Sud-Est, est un arbuste hautement invasif.
. Heliocarpus donnellsmithii, appelé Saint sacrement, est originaire d’Amérique du Sud.
. La Sonde (Tradescantia spathacea), originaire d’Amérique centrale, est une plante à tiges érigées pouvant atteindre 20 cm de haut.
. Le Tulipier du Gabon (Spathodea campanulata) est un arbre originaire d’Afrique tropicale. Il peut atteindre 15 à 20 m de haut.
. Kalanchoe pinnata, connue localement sous le nom Zèb maltèt, est une plante originaire de Madagascar.
Invasives de Guyane
L’Acacia mangium et le Niaouli (Melaleuca quinquenervia) sont des espèces végétales respectivement introduites par l’Homme pour la revégétalisation des sites miniers et la filière du bois. Caractérisées d’envahissantes de par leur croissance et leur expansion rapide, ces arbres sont capables de transformer la nature du sol et menacent les savanes et les milieux ouverts de Guyane.
Cependant, l’acacia est utilisé par les populations locales pour la production de bois de chauffe, de construction ou la protection contre le vent et le soleil.
Des insectes envahissants
On trouve dans les Antilles l’espèce qui suscite le plus d’inquiétude : la fourmi manioc. Originaire d’Amérique du Sud, elle a été détectée en Guadeloupe ou Martinique dans les années 1950. Longtemps ravageur agricole, la fourmi manioc, défoliante (destructrice de végétation) a récemment envahi la forêt à la faveur des chemins qu’on y a tracés et du cyclone de 1995. En expansion constante, elle est retrouvée jusqu’à 700 m d’altitude et met en péril les fougères arborescentes de la forêt dense humide. L’espèce est absente des autres îles de l’archipel.
Notons également, la cochenille des cycas, découverte en 2003 et maintenant détectée sur quasiment tout le territoire, et la cigale, présente sur plus de la moitié de la Basse-Terre.